Ça ne vous a sans doute pas échappé, mais ça ne va globalement pas très bien au sein de l’industrie automobile européenne, et ce n’est pas vraiment nouveau. Les conséquences de cette crise se font ressentir actuellement, avec la mise en place progressive de stratégies et de manœuvres politiques internes pour arriver à compenser la baisse des ventes de voitures et continuer de gagner de l’argent (ou de moins en perdre pour certains).
En effet, malgré une reprise tonitruante après la pandémie, le marché automobile européen n’est jamais parvenu à atteindre son niveau d’avant crise. Le marché automobile européen avait progressé en 2019 pour la sixième année consécutive, de 1,2 % à plus de 15,3 millions de véhicules immatriculés. En 2023, 12,8 millions de voitures neuves ont été immatriculées en Europe, soit + 13,7 % comparé à 2022, mais cela reste 2,5 millions de voitures vendues en moins par rapport à l’année pré-covid.
Malheureusement, au vu des chiffres en notre possession et qui tombent tous les mois, l’année 2024 devrait être moins bonne que 2023. Conséquence, en plus du manque de volume déjà palpable depuis quelques années, les constructeurs sont obligés de réajuster la production et, par conséquent, de procéder à des coupes budgétaires.
Volkswagen, symbole d’une industrie automobile qui souffre
Comme vous n’êtes pas sans le savoir, Volkswagen s’apprête à licencier en Allemagne, après avoir mis fin à son système de garantie de l’emploi, pourtant en vigueur depuis 30 ans dans le pays. Dans le même temps, trois usines sur les dix que compte le pays devraient fermer ou être cédées.
Les usines concernées seraient l’ancienne usine Karmann à Osnabrück, la fameuse « usine de verre » de Dresde, ainsi que l’usine d’Emden. Les deux premiers sites pourraient être fermés ou vendus, tandis que celui d’Emden pourrait continuer à fonctionner, mais en tant que sous-traitant pour d’autres entreprises.
Le constructeur invoque des coûts de l’énergie élevés, qui occasionnent ainsi des coûts de fonctionnement deux fois supérieurs aux autres usines du groupe dans les autres pays européens, exacerbés par la guerre en Ukraine et l’arrêt des importations de gaz russe, une ressource longtemps bon marché pour l’industrie allemande.
Avec ces décisions, Volkswagen espère économiser environ 4 milliards d’euros. Ce plan économique ne sort bien évidemment pas de nulle part. Fin 2023, le groupe Volkswagen a mis en œuvre un vaste programme de réduction des coûts pour augmenter la rentabilité de sa maison mère, Volkswagen.
Malgré ça, il a été récemment annoncé que les objectifs fixés ne pourraient pas être atteints. Cela a donné lieu à des discussions sur des licenciements secs et des fermetures d’usines, des mesures qui n’ont pas été faciles à mettre en œuvre en raison de la forte représentation des salariés et de l’implication étatique du Land de Basse-Saxe en tant qu’actionnaire (à hauteur de 20 %).
Il y a plusieurs problèmes chez Volkswagen, dont celui de la production. Comme énoncé plus haut, il y aurait deux à trois usines de trop, trois usines qui produisent environ 500 000 véhicules par an. Les immatriculations en Chine, l’un des marchés les plus importants pour l’entreprise, s’affaiblissent et en Europe, les clients ne se bousculent plus au portillon. Tout cela conduit à une sous-utilisation des usines et à des coûts de gestion élevés.
Deux solutions s’offriraient à Volkswagen aujourd’hui : l’une d’entre elles pourrait être de réduire la production, voire même fermer temporairement l’usine. L’autre solution pourrait consister à produire les voitures quand même, en les vendant sur le marché à perte, réduisant encore davantage le rendement et la valeur de revente déjà faibles.
Dans le même temps, avec 200 000 employés dans le monde, dont 120 000 en Allemagne, pour une production de 2,52 millions de véhicules en 2022, Volkswagen accuse un retard d’efficacité assez alarmant. En effet, en comparant avec les chiffres de Toyota, le constructeur japonais a produit 9,5 millions de véhicules sous sa marque avec un effectif seulement deux fois supérieur.
Pourquoi Volkswagen souffre-t-il autant ?
Le constat que nous allons dresser dans ce paragraphe peut s’appliquer globalement à tous les constructeurs en difficulté actuellement en Europe, que ce soit Ford qui a annoncé récemment supprimer 4 000 emplois sur le Vieux Continent, ou encore Nissan qui va s’offrir une cure d’austérité avec 9 000 emplois supprimés à travers le monde.
Si Volkswagen va mal, son patron, Oliver Blume, l’explique de manière très claire : les coûts sont trop élevés et les marges bénéficiaires de la marque Volkswagen, qui représente plus de la moitié des ventes du groupe, peinent à dépasser 4,1 % en 2023, un chiffre largement inférieur à celui de ses concurrents. Sur les neuf premiers mois de cette année, cette marge est tombée à seulement 2 %.
Pour ne rien arranger, longtemps moteur de la croissance de Volkswagen, la Chine est devenue aujourd’hui un problème. Le marché, qui constitue environ un tiers des ventes du groupe, montre des signes d’essoufflement. Le ralentissement économique du pays et la montée en puissance des constructeurs locaux, comme BYD, qui ont accentué la pression.
Quoi que l’on en dise, la transition vers l’électrique est un autre talon d’Achille. La gamme ID de Volkswagen a connu des débuts très compliqués en raison de problèmes logiciels qui ont ralenti les ventes et alimenté des critiques. Le développement d’un logiciel interne via la filiale Cariad, un projet lancé sous l’ex-PDG Herbert Diess, s’est révélé coûteux et inefficace, faisant perdre un temps précieux à la marque. Pour combler ce retard, Volkswagen prévoit d’investir jusqu’à 5 milliards d’euros dans la start-up américaine Rivian, espérant ainsi moderniser son architecture logicielle.
Et outre les décisions prises par Volkswagen, c’est aussi le marché qui se repli, entre contexte économique compliqué, hausse des taux d’intérêt, prix des voitures électriques, normes environnementales de plus en plus strictes (normes CAFE notamment) et baisse des subventions progressive pour l’achat d’une voiture électrique.
Car oui, en plus de ça, on a tendance à oublier les normes CAFE, qui pourraient peser largement sur les finances du groupe l’année prochaine. Selon les calculs du média allemand Automobilwoche, Volkswagen devrait réduire ses ventes de voitures thermiques en Europe de 14 %, mais en même temps immatriculer 15 % de voitures électriques en plus pour respecter la limite de 94 g/km.
Si ce n’est pas le cas, Volkswagen risque jusqu’à 90 euros d’amende par gramme excédentaire et par véhicule vendu. Faites le calcul : au cumulé, l’amende pourrait être de plusieurs milliards d’euros rien que pour le groupe Volkswagen. Renault est aussi en délicatesse à ce sujet, mais nous allons le voir plus bas, le constructeur au losange à quand même de quoi davantage se réjouir.
Stellantis bientôt dans la tourmente ?
Jusqu’ici, Stellantis paraît bien épargné, mais les problèmes ne devraient pas tarder à arriver au vu de ce qu’il se trame en coulisses. Si Carlos Tavares a « démissionné », ce n’est certainement pas pour aller assouvir sa passion pour le vin portugais dans la Vallée du Douro plus rapidement, mais c’est plutôt pour ses divergences avec le conseil d’administration de Stellantis, les récents résultats du groupe, les quelques cadavres qui commencent à sortir du placard, et les quelques-unes des 14 marques de la galaxie Stellantis qui sont au plus mal.
Chez Stellantis pour le moment, pas de fermeture d’usine en Europe hormis celle de Luton au Royaume-Uni, tandis que les usines françaises sont assurées d’avoir une activité pour les trois années à venir d’après les dernières communications du groupe.
Le problème, c’est que les chiffres ne sont pas bons. Au second semestre 2024, son bénéfice net a été réduit de moitié et son chiffre d’affaires avait diminué de 14 % sur un an, avec un résultat opérationnel courant également en baisse. Il y a quand même quelques éléments de réjouissance, car Stellantis a maintenu une marge opérationnelle de 10 % du chiffre d’affaires, en baisse de 4,4 points, mais toujours supérieure à celle de la plupart de ses concurrents, grâce à des réductions de coûts dans les composants, le personnel et la logistique.
La chute est surtout marquée par des résultats semestriels en repli, principalement attribués à une baisse des ventes en Europe et en Amérique du Nord, où sa part de marché a diminué. Le symbole de la baisse de ces ventes, c’est sans doute l’usine de Mirafiori, près de Turin, qui produit notamment les Fiat 500 électriques et les Maserati, qui n’a cessé de voir sa production suspendue cette année pour faire face à la baisse de la demande.
Le problème chez Stellantis, c’est aussi son portefeuille tentaculaire. Même si certaines marques continuent de bien fonctionner, d’autres sont en grande difficulté, et le plan à 10 ans de Carlos Tavares les concernant devrait rapidement être balayé d’un revers par la nouvelle direction.
Prenons l’exemple d’Abarth, qui n’a jamais été la locomotive de Stellantis, ni même de FCA à l’époque, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes. En seulement cinq ans, Abarth a vu ses immatriculations chuter de manière drastique, passant de 23 500 unités en 2018 à seulement 7 900 en 2023. Le virage vers l’électrique, pourtant essentiel dans le contexte actuel, ne convainc pas ses fidèles.
La situation de Maserati est encore plus préoccupante. En 2024, les immatriculations et la production ont chuté de 75 %. Le projet Folgore, destiné à électrifier la gamme Maserati, est pour le moment, un échec. Les ventes des modèles électriques sont dérisoires et le constructeur souffre, des dires de Carlos Tavares avant son éviction « d’un manque de clarté dans son positionnement ».
Parmi les marques en difficulté, Alfa Romeo présente une situation moins alarmante. Bien que les ventes actuelles soient encore modestes, les perspectives sont encourageantes grâce à des lancements comme le SUV Junior et les prochaines générations de Stelvio et Giulia.
Aux USA, ça vire à la catastrophe avec Chrysler qui traverse une phase critique. Sa gamme a été réduite comme peau de chagrin, avec le seul monospace Pacifica à son catalogue. Quelques concepts récemment présentés redonnent un peu d’espoir, mais le groupe pourrait plutôt être amené à se séparer de la marque.
Pour Dodge, le tableau n’est guère plus réjouissant. La Dodge Hornet, inspirée de l’Alfa Romeo Tonale, n’a pas rencontré le succès escompté aux USA, et le reste de la gamme souffre également. Quant à la nouvelle Charger Daytona, elle divise les fans de muscle cars, menaçant ainsi un segment clé pour la marque.
Du côté des constructeurs français, Citroën ne se porte pas particulièrement bien (avec moins de 6 % de part de marché en France en novembre 2024 !), mais le constructeur aux chevrons ne semble pas menacé.
En revanche, on ne peut pas dire forcément pareil de DS, même si la marque ne perd pas (encore ?) d’argent. Toutefois, DS peine encore à s’imposer pleinement. Si les ambitions étaient grandes lors de son lancement, la réalité du marché reste décevante, et ce n’est sans doute pas le DS n°8, un énième modèle haut de gamme facturé à prix d’or qui ne devrait pas mettre le constructeur sur orbite à l’échelle européenne.
D’une manière générale, même si Stellantis n’en est pas (encore) au niveau de Volkswagen avec une crise sociale qui s’annonce terrible, le groupe fait face à d’autres problèmes, à commencer par le rappel des airbags Takata sur plusieurs modèles DS et Citroën, ou encore les problèmes de fiabilité de ses moteurs thermiques, à savoir le trois cylindres 1,2 litre PureTech (problème de courroie, entre autres) et le quatre cylindres 1,5 litre BlueHDI (chaîne défectueuse).
Où trouver des motifs d’espoir ?
Du côté des grands équipementiers tels que Bosch, ZF et Valeo, on souffre également, et ceux-ci ont déjà annoncé depuis plusieurs mois des suppressions de postes dans un contexte où les prix de l’énergie alourdissent les coûts. Selon une récente étude, plus de 50 000 emplois seront supprimés sur l’ensemble de l’année 2024 chez les équipementiers.
Bosch, premier fournisseur mondial de l’industrie automobile, a annoncé qu’il supprimerait plus de 12 000 emplois dans le monde, avec environ 7 000 licenciements en Allemagne. De son côté, ZF prévoit de supprimer entre 11 000 et 14 000 emplois dans le monde d’ici 2028.
Continental supprimera 7 150 emplois dans le monde, dont environ 3 000 en Europe. D’ici 2028, Forvia supprimera 13 % de ses effectifs en Europe (10 000 postes).
Valeo prévoit plus de 2 000 suppressions, dont au moins la moitié en France. Mahle, un autre équipementier, va réduire ses effectifs slovènes de 600 personnes. Schaeffler supprimera 4 700 emplois dans le monde, dont environ 2 800 en Europe, et fermera des usines au Royaume-Uni et en Autriche.
Pas de quoi se réjouir donc, et les motifs d’espoir ne sont pas à aller chercher du côté des équipementiers. Pourtant, plusieurs constructeurs semblent sortir la tête de l’eau. Renault fait par exemple figure d’exception.
Le groupe français, troisième acteur européen, a adopté une stratégie différente, en réduisant ses volumes de production pour se concentrer sur des modèles plus rentables, et grâce à une série de partenariats pour réduire ses coûts de développement, Renault a retrouvé des marges satisfaisantes. Une stratégie similaire à celle de Stellantis il y a quelques années… À voir comment cela va évoluer dans le futur !
Renault profite aussi d’une vaste offensive électrique, incarnée par le lancement de la Renault 5 E-Tech cette année, le lancement de la Renault 4 E-Tech en 2025, puis en 2026 avec celui de la nouvelle génération de Twingo électrique.
Toyota continue de bien performer grâce à ses modèles hybrides à la technologie particulièrement éculée, tout comme Volvo qui se démarquent également grâce à leurs offres hybrides et électriques, et notamment le nouveau EX30, qui est dans le top des ventes de voitures électriques en Europe.
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