On a vu un crash-test entre deux voitures électriques : sont-elles aussi sûres qu’une thermique ?

Même les rennes y passent

 
Le domaine des voitures électriques est truffé d’idées reçues, souvent complètement fausses. L’une d’entre elles voudrait nous faire croire qu’elles sont moins sûres qu’une voiture thermique. Est-ce vrai ? Comment une voiture électrique régit en cas d’accident ? Comment faire pour l’éviter en premier lieu ? Nous sommes allés chez Volvo, en Suède, pour y voir plus clair – et assister à un véritable crash-test.
Source : Volvo

Existe-t-il un sujet de société qui attire le plus d’idées reçues, voire de mensonges complets, que la voiture électrique ? Si notre mission chez Survoltés est de rétablir la vérité, nous avons parfois besoin d’un coup de main extérieur. Sur la sécurité, par exemple, où les modèles chinois traînent encore une image de voitures dangereuses (ce qui est faux, pour rappel).

Nous avons voulu déterminer comment les constructeurs, de manière générale, se débrouillaient pour toujours améliorer la sécurité de leurs modèles 100 % électriques. Pour cela, direction le centre de sécurité de Volvo, en Suède, pour échanger avec des experts et assister à un véritable crash-test.

Précisons quelque chose : bien que nous relatons ici la manière de procéder de Volvo, beaucoup de ces processus et recherches sont partagés par l’ensemble des constructeurs automobiles – à des degrés variés, certes, mais l’essentiel est là. Maintenant que cette précision est close, partons dans le vif du sujet.

Étape 1 : éviter l’accident

Commençons par une règle élémentaire : le meilleur moyen de rendre une voiture la plus sûre possible en cas d’accident… c’est d’éviter l’accident. Un postulat simple, mais qui implique un ensemble de solutions incroyablement variées.

La première chose qui vient à l’esprit, c’est bien entendu les aides à la conduite. Dans le cas de Volvo, prenons le cas de l’EX90, le vaisseau amiral de la marque, qui embarque toute une armada de capteurs.

Le LiDAR de la Volvo EX90
Le LiDAR du Volvo EX90 // Source : Frandroid

Ainsi, cinq radars, huit caméras et même un LiDAR sont couplés à un système de cartes HD fournies par Google. Tout ce petit monde permet à l’EX90 de comprendre l’environnement qui l’entoure et d’interagir avec, notamment grâce à son système de conduite semi-autonome de niveau 2 (où la voiture est capable d’accélérer, freiner, se maintenir en voie et effectuer des dépassements de façon autonome, mais toujours sous le contrôle du conducteur).

Mais cela va plus loin, et Volvo emploie par exemple des chercheurs en sciences cognitives afin de mieux comprendre comment interagissent les conducteurs avec leurs voitures et l’environnement.

Volvo EX90 // Source : Volvo

« Le plus compliqué, c’est de comprendre l’intention du conducteur », m’expliquait Mikael Ljung Aust, le senior safety technical leader chez Volvo. « La voiture peut percevoir une situation comme dangereuse, alors qu’elle est au final parfaitement gérée », m’explique-t-il.

Avant de poursuivre : « si la voiture prend le contrôle dans cette situation, le conducteur ne va ni comprendre ni apprécier la situation, et aura tendance à moins faire confiance aux systèmes, qui pourraient lui être utiles dans des cas où un danger est avéré ».

Volvo EX30 // Source : Volvo

Un sacré casse-tête, donc, mais qui inclut également un autre sujet central : comment faire pour éliminer au maximum les distractions au volant.

Interrogé sur l’EX30, dont la quasi-totalité des fonctions et des commandes sont regroupées sur l’écran central tactile, Mikael me répond que « l’interface est régie par les règles strictes : chaque fonction doit être à moins de sept étapes l’une de l’autre, et trois clics doivent être réalisables en moins de 1,30 s ». Un défi qui ne semble pas encore totalement réalisé, si on s’en réfère à notre essai.

Étape 2 : gérer l’accident

Seulement voilà, malgré toutes les précautions possibles et imaginables, l’accident arrive parfois. Si, d’un point de vue extérieur, tout se passe en un clin d’œil (de façon assez littérale), toute une stratégie est mise en place pour protéger les occupants.

Pour comprendre la clef d’un accident réussi, il faut replonger dans ses cours de physique. Lorsqu’un objet est en mouvement, il crée de l’énergie cinétique (proportionnelle à son poids), qui disparaît lorsque ce dernier revient à l’arrêt.

Châssis de l’Audi Q6 e-tron (pour illustration) // Source : Audi

Dans le cas d’une voiture en conditions normales, cette dissipation d’énergie se passe par le freinage, aussi bien mécanique (via les étriers de freins) que régénératif sur les motorisations hybrides et électriques.

Dans le cas d’un crash, cette énergie doit se dissiper d’une autre manière. La structure de la voiture doit obéir à une règle simple : se déformer pour que les corps des passagers ne le fassent pas.

Source : Volvo

Évidemment, rien n’est laissé au hasard. Tout est planifié et calculé dès le début de la conception de la voiture, avec une caisse dotée de différents types d’acier, chacun ayant ses propriétés bien définies – la voiture doit se déformer le plus possible, certes, mais tout en conservant une « cellule de survie » capable de protéger les occupants des intrusions.

Lotta Jakobsson, Senior Technical Specialist Injury Prevention chez Volvo (tout un programme), m’explique ainsi qu’il faut à tout prix « limiter la vitesse de déplacement des parties dures sur l’occupant ». Pour cela, les aciers les plus rigides seront placés aux endroits opportuns, mais les airbags jouent également un rôle crucial.

La pratique, élément indispensable

Pour les crash-tests comme pour à peu près l’intégralité des activités contemporaines, l’informatique tient un rôle déterminant… mais les crash-tests physiques gardent une importance particulière – du moins chez Volvo, marque historiquement associée à la sécurité.

La marque estime que, pour un crash-test physique, plus de 140 itérations virtuelles sont réalisées, permettant de tester différentes structures en un temps record. Le crash « réel » reste toutefois incontournable pour valider les choix.

Source : Volvo

Nous voici donc dans le Safety Centre Crash Lab, implanté dans l’usine historique de la marque, à Torslanda, dans la banlieue de Göteborg. Un centre inauguré en 2000 et encore particulièrement avancé aujourd’hui, avec deux voies, dont une mobile, permettant de crasher deux véhicules (voitures, mais également poids-lourds) à des degrés variables, le tout jusqu’à 120 km/h.

En parallèle, un bloc de 850 tonnes peut se déplacer sur coussins d’air pour s’adapter à chaque situation : choc frontal, latéral, tout peut y passer. Chose étonnante, le centre peut également envoyer valdinguer des voitures… à l’extérieur, puisqu’il dispose d’obstacles « naturels » (murs en brique, rochers, fossés, etc) pour répliquer un maximum de situations de la « vie courante » en laboratoire.

Volvo Safety Centre Crash Lab // Source : Volvo

Continuons sur les particularités : le centre dispose d’un mannequin de renne. Car oui, le renne (ou autres orignaux) est un animal redoutable en cas d’accident, du fait de son poids élevé (jusqu’à 180 kg) et son centre de gravité très haut. D’après Volvo, 80 personnes sont gravement blessées par ces bêtes par an en Scandinavie !

Volvo s’est également doté, et ce dès 1970, d’une équipe spécialement dédiée à l’investigation des accidents réels. Pour cela, elle est capable de se rendre sur les lieux d’accidents impliquant une Volvo dans un rayon d’une heure de route autour du Safety Centre, afin de récolter de précieuses informations sur les conditions réelles.

Ça, c’est ce qu’on trouve sur un fichier PDF. Passons dorénavant à la pratique : c’est l’heure du crash-test !

Un exemple bien concret

Nous allons donc être témoins d’un crash-test entre les deux dernières voitures électriques de Volvo. Un EX90, un mammouth de 2,9 tonnes lancé à 50 km/h, va percuter latéralement un EX30, le plus petit des SUV Volvo (2,04 tonnes tout de même), roulant lui à 20 km/h – « une situation très commune dans un accident à un carrefour », explique Lotta Jakobsson.

Voici le résultat en vidéo :

Dans l’EX30, deux mannequins sont placés du côté de l’accident – un au volant et un derrière. Chose intéressante : ces mannequins représentent des femmes de petite taille, illustrant la volonté de Volvo de proposer des voitures sûres pour toutes et tous.

Dans l’EX90, trois occupants : deux à l’avant (un mannequin femme de petite taille au volant, un autre homme de taille moyenne côté passager) et un bébé de trois ans à l’arrière, installé dans un siège enfant dos à la route.

L’accident en lui-même est furtif : tout se passe en une poignée de millisecondes. L’état des voitures est impressionnant : si l’EX90 semble presque pouvoir repartir, le flanc du pauvre EX30 est dans un sale état. Volvo est rassurant : les cinq mannequins sont en bon état, et les « mesures indiquent qu’il n’y aurait probablement pas eu de blessures graves ».

Quelles sont les spécificités d’une voiture électrique lors d’un accident ?

Suite à cette démonstration, je suis allé revoir Lotta Jakobsson, afin de comprendre comment se comporte une voiture électrique lors d’un crash par rapport à une voiture thermique.

« Il n’y a pas tant de différence de ça », m’explique-t-elle, avant de poursuivre : « le principe reste le même : diffuser et absorber les forces de façon optimale sur l’ensemble de la voiture, et interagir du mieux possible avec les autres éléments de l’impact ».

Source : Volvo

Reste que la voiture électrique diffère d’un modèle thermique sur des points particuliers et bien spécifiques. La première : le poids, synonyme d’énergie cinétique – et donc de contraintes – supplémentaire.

Pour cela, Mme Jakobsson m’explique que plusieurs stratégies sont mises en place, notamment une zone de déformation avant « sur trois niveaux, interconnectés », permettant « d’homogénéiser les zones de contact », et même de « pousser la voiture ou l’objet dans lequel on rentre afin de dissiper de l’énergie supplémentaire ».

Concernant la batterie, un seul mot d’ordre : sécurité maximale. Dix millisecondes après le début de l’impact, le système haute tension est disjoncté, afin de prévenir tout cas de court-circuit. Quant à la batterie en elle-même, elle est cernée d’un cadre hyper rigide, garant de sa bonne tenue en toutes circonstances.

Un cadre qui rend la voiture plus rigide, notamment en cas de choc latéral. Pour cela, « l’ingénierie a dû s’adapter, et la répartition des différents aciers dans les portes, montants et toits a été modifiée par rapport à une voiture thermique », m’explique toujours Lotta Jakobsson.

Des voitures toujours plus sûres

Vous l’aurez compris : voiture électrique ou non, la sécurité garde un rôle déterminant dans le développement d’un nouveau modèle – chez Volvo comme chez les autres constructeurs.

Source : Volvo

Les motorisations 100 % électriques ont, comme nous avons pu le voir, des caractéristiques bien spécifiques, que ce soit en termes de poids que de structure ; des contraintes qui ont toutes été étudiées pour garantir un niveau de sécurité maximal pour les occupants de la voiture, certes, mais également pour les autres usagers de la route.

Gardons tout de même à l’esprit le plus important : le meilleur accident, c’est celui qui ne se produit pas. Prudence, donc !


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