Avec leurs gigantesques batteries dans leurs planchers, les voitures électriques ouvrent des pistes inexplorables avec des véhicules thermiques dans bien des domaines. Que ce soit en termes d’architecture, de maximisation de l’espace habitable ou de répartition des organes techniques, cette nouvelle façon de penser le châssis d’une voiture ouvre le champ des possibles.
Tesla l’a bien compris et a complètement révolutionné la façon de fabriquer des voitures avec son Model Y. En tête de proue : le « giga casting », qui permet de mouler de gigantesques pièces en une seule fois. Une idée manifestement brillante, puisque Xiaomi l’a repris pour sa première voiture électrique, la SU7, et même Toyota songe à l’implémenter.
Dernier constructeur en date : Volvo, pour son prochain modèle 100 % électrique prévu pour 2025. Nous sommes allés voir cette presse flambant neuve dans l’usine historique de la marque, en Suède, dans la banlieue de Göteborg. Voici tous les secrets de cette nouvelle technique qui promet monts et merveilles.
« Méga casting » : mode d’emploi
Volvo, comme à peu près l’ensemble des constructeurs automobiles vendant en Europe, va devenir une marque 100 % électrique – et ce, dès 2030. Pour gagner en compétitivité par rapport aux modèles thermiques et aux marques chinoises (avidement lancées dans une sanguinaire « guerre des prix »), Volvo doit innover.
Un des leviers majeurs pour l’industrie semble donc être ce fameux « méga casting ». L’idée est simple : si un plancher de voiture est habituellement un assemblage d’une multitude de petites pièces soudées les unes aux autres, ce procédé permet de fabriquer des pièces entières d’un seul coup.
Très concrètement, la pièce en question, le plancher arrière, passera ainsi d’un assemblage de 100 pièces à un seul bloc. Chez Tesla, comme on peut le voir sur l’image ci-dessus, on passe de 171 à 2 pièces différentes. Chez Volvo, cela commence avec les lingots d’aluminium, qui vont être fondus à 730°C, puis purifiés, avant de passer dans la fameuse « giga presse ». À ce moment, une force de 8 400 tonnes est exercé sur l’aluminium liquide, de quoi former la pièce brute.
Cette pièce sera ensuite découpée pour s’adapter parfaitement à la voiture, et les chutes seront immédiatement refondues pour les pièces suivantes. C’est ensuite l’heure d’un usinage, puis d’un dernier test qualité avant de rejoindre la ligne d’assemblage.
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Le rythme ? Une pièce toutes les deux minutes, cinq jours sur sept, 24h/24. Volvo espère à terme produire 300 000 pièces par an. Si une presse est d’ores et déjà fonctionnelle à Torslanda dans un bâtiment flambant neuf, une deuxième est en cours de montage, et de la place est prévue pour une troisième.
Que des avantages ?
Beaucoup de points positifs…
Un méga casting (aussi appelé « giga casting » chez Tesla ou « hyper casting » chez Xiaomi, vous noterez les efforts sémantiques) qui n’a que des avantages, si on en croit Mikael Fermér, le lead architect for vehicle platform chez Volvo.
Côté véhicule, cela permet plusieurs choses :
- un gain de poids grâce à l’absence des soudures et de l’utilisation de l’aluminium à la place de l’acier : Volvo annonce un poids en baisse de 15 à 20 %. Et un poids en baisse, c’est une consommation en baisse, et donc une autonomie en hausse ;
- une évolutivité constante : au lieu de réindustrialiser l’ensemble des moules et de créer tout un nouveau process pour chaque nouvelle technologie (un nouveau train arrière ou un moteur électrique supplémentaire, par exemple), il « suffit » de changer la forme de la pièce, un procédé a priori bien plus rapide et économique à implémenter.
Cela ne s’arrête pas là, puisque Magnus Olsson, le responsable de l’usine de Torlsanda, ajoute ces points supplémentaires :
- la logistique est un point crucial du bon fonctionnement d’une usine (et donc de la qualité et de la régularité des lignes d’assemblage). Sur ce point, le méga casting permet d’internaliser tout le process, autrement dispersé dans une multitude de prestataires. À la clef : gain de temps, gain d’argent, gain de contrôle, tout bénef.
- de plus, le méga casting permet de réduire la complexité de l’industrialisation : au lieu d’une multitude de robots soudant les petites pièces entre elles, l’ensemble du processus est géré par une seule et unique machine.
Enfin, l’aspect environnemental est également mis en avant :
- internaliser le process permet d’éviter le transport entre les fournisseurs et l’usine ;
- les pertes en matériaux sont bien plus faibles qu’avec une technique de soudure : Volvo estime que 50 % du matériau de base est perdue avec la technique traditionnelle ; pour le giga casting, ce chiffre baissera drastiquement, d’autant plus avec la réutilisation immédiate des chutes ;
- de façon générale, une politique d’augmentation de la part « d’aluminium secondaire » (comprendre « recyclé ») est mise en place. Comptez 20 % au début, puis 30 % à moyen terme, avec un optimal à 50 %.
… mais quelques points négatifs
Une cascade de compliments, donc, mais qui ne doivent pas faire oublier que le méga/giga/hyper casting n’a pas que des qualités.
Mikael Fermér le reconnaît sans problème : en cas d’accident, une pièce issue de ce procédé ne sera pas optimale (et la sécurité, pour Volvo, c’est important). D’une part parce que ses performances de déformation n’atteignent pas celles de pièces traditionnelles, mais également parce que la réparabilité d’une pièce « méga castée » est compliquée.
C’est un point qu’on commence déjà à voir avec Tesla, mais une voiture dont une telle pièce se retrouve endommagée aura plus de chances de terminer à la casse. Face à ces deux problématiques, M. Fermér veut rester optimiste, et nous explique d’une zone de déformation est prévue entre le pare-choc et la pièce en elle-même.
Cela permet d’absorber un maximum d’énergie de façon la plus optimale possible, tout en gardant la pièce « giga castée » intacte. Grâce à cela, il espère que les primes d’assurance seront identiques à celle d’une voiture fabriquée « traditionnellement ».
De son côté, Tesla a mis en place un groupe de travail indépendant et externe à l’entreprise, pour savoir si le giga casting complique les réparations en cas d’accident.
Interrogé sur l’avenir du personnel actuellement dédié aux activités de soudure, Magnus Olsson se veut rassurant, et promet que l’ensemble des ouvriers (et ouvrières, qui représentent 30 % de la masse salariale de l’usine !) sera formé pour travailler sur les giga presses ou sur une autre activité.
Un milliard d’euros pour l’usine historique
Ces trois presses font partie de l’investissement conséquent de Volvo (via Geely, propriétaire de la marque, tout comme Lotus ou smart) pour préparer le site de Torslanda à l’électrification totale de la gamme.
En plus du méga casting, une usine de production de batteries (les fameuses gigafactory, un autre terme familiarisé par Tesla) est également prévue en joint-venture avec Northvolt, un des acteurs majeurs européens de la batterie.
Cette dernière, implantée à 500 mètres de la ligne de production, fournira directement les cellules des batteries qui arriveront dans les Volvo électriques assemblées sur le site. « Un bon moyen de réduire un peu plus les coûts et le bilan carbone de nos voitures », approuve Magnus Olsson.
Cette gigafactory produira ses premières cellules de série en 2026, soit un an après le début de production de la prochaine voiture électrique de Volvo, et qui sera la première à utiliser le plancher arrière « méga casté ».
Un modèle encore bien mystérieux, puisque la communication bien verrouillée ne nous a pas permis de découvrir quoi que ce soit à son propos. Ni le format (même si on présume qu’il s’agira d’un SUV de la taille du XC60 actuel, qui pourrait être baptisé EX60), ni la chimie des batteries (NMC ? LFP ? Les deux ?), ni l’autonomie, ni les prix, rien. Il faudra prendre son mal en patience.
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