Wiko, quand « l’épiphénomène » est devenu incontournable en Europe

 
Nous avons pu échanger avec Michel Assadourian, Directeur Général de Wiko. Un premier échange très riche, dont voici le récit.

Wiko, l’épiphénomène ? C’est comme cela que les concurrents analysaient la situation en 2013. Wiko n’était qu’un épiphénomène dont on ne comprenait ni l’enjeu, ni la recette. Force est de constater que les choses sont différentes : nous sommes en fin d’année 2016, Wiko est désormais bel et bien installé dans notre paysage européen. Oui, européen. J’étais en week-end au Portugal, à Porto, et j’ai croisé autant de Wiko que de Samsung dans les rues et les transports en commun, ainsi que sur les linéaires de la Fnac.

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Michel Assadourian, Directeur Général chez Wiko

Nous sommes à trois jours de l’Android Innovation Day, un événement dédié à Android, le premier à Paris. Dans le programme, une conférence dédiée aux constructeurs français : Crosscall, Lexibook et Wiko.

Je décide donc de prendre contact avec Wiko pour rencontrer un des directeurs pendant l’événement, c’est toujours la course pour rencontrer la marque marseillaise, qui vient seulement d’ouvrir ses premiers bureaux commerciaux dans la capitale. Le responsable des relations publiques me confirme que la rencontre peut se faire, mais me demande s’il est possible d’envoyer des questions à l’avance : « Nous n’avons pas l’habitude de parler beaucoup avec la presse ». La demande est maladroite, mais je m’exécute et j’envoie quelques questions, une partie seulement.

Jour J, un créneau de 30 minutes se libère entre deux conférences. Michel Assadourian tout souriant me sert la main, et me propose de se mettre sur le petit stand de Wiko pour échanger tranquillement.

Wiko est désormais le second acteur de l’open market en France, les smartphones vendus hors opérateur, et cela depuis plusieurs mois. « Comment expliquez-vous le succès de Wiko » ?

 

La genèse de Wiko

Pour Michel Assadourian, le succès de Wiko est la « conjonction de plusieurs facteurs ». Wiko est une idée qui est née dans la tête de Laurent Dahan : « Laurent est un visionnaire, un autodidacte, il maitrise le marché de la téléphonie, qu’il côtoie depuis 1997, moi je l’ai rejoint en 2003 ». Les deux co-fondateurs avaient déjà essayé de lancer une marque en 2005, un échec. C’est exactement ce que l’on appelle le « time to market » en anglais, ce qui signifie que le lancement d’une entreprise ou d’un produit dépend du contexte et de l’environnement. A l’époque, Michel Assadourian me décrie l’environnement : « les produits chinois étaient mauvais et le marché français était fermé ».

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Tinno en plein Shenzhen, en Chine

En 2011, les choses étaient différentes. Les « facteurs de succès » étaient réunis : « la puissance industrielle chinoise était bien plus mature avec des produits de qualité et performant », mais les chinois étaient incapables de les vendre directement sur les marchés occidentaux. C’est là où les co-fondateurs de Wiko sont arrivés : ils ont eu l’idée de fédérer un groupe chinois qu’ils connaissaient depuis 20 ans, ce qui a permis de créer « un trio de base qui a mis en place les fondations de Wiko ».

Le « time to market » n’était pas encore là, mais Wiko avait déjà trouvé un partenaire industriel important. En France, un événement a changé la donne : l’arrivée de Free Mobile sur le marché des opérateurs mobiles a permis à Wiko d’être parmi les premiers à proposer un smartphone avec un bon rapport qualité/prix. A l’époque, les smartphones étaient coûteux, et les consommateurs n’avaient aucune notion de la valeur d’un smartphone : ces derniers étaient vendus avec des forfaits, dont l’engagement de 12 à 36 mois comprenait un prêt déguisé. Le forfait à 20 euros par mois de Free Mobile a permis de créer une demande.

Wiko est conscient que l’arrivée d’Android a bouleversé le marché

Enfin, Android bien entendu. Wiko est conscient que l’arrivée de l’OS de Google a bouleversé le marché : « sans Android, nous aurions eu des systèmes Java très pauvres » me confie Michel Assadourian.

Voilà la conjonction des facteurs : un partenaire industriel chinois capable de créer des produits de qualité, un bouleversement sur le marché français des opérateurs mobiles avec l’arrivée de Free Mobile, la croissance de l’ « open market » et la maturité d’Android en tant qu’écosystème mobile leader. Mais Michel Assadourian me confirme : « nous n’allons pas vous mentir, nous avons eu également un peu de chance. ».

« Lors de l’arrivée de la première Freebox, nous étions convaincus d’une seule chose avec Laurent : il fallait frapper un bon coup. Il a fallu ensuite convaincre Tinno », le partenaire industriel chinois désormais actionnaire majoritaire de Wiko. Il fallait persuader ce dernier de créer des produits de qualité pour le marché chinois, « et les choses n’ont pas été faciles, le marché français voulait de la 4G, mais le marché chinois n’était pas encore prêt ».

 

Victime du succès

Je lui ai fait remarquer que « oui, le succès était présent dès le départ ». Nous pouvons en effet le témoigner sur FrAndroid : le trafic généré par cette marque est devenu très important, juste derrière Samsung, à peine quelques mois après leur lancement. Néanmoins, je décide de directement lui parler d’un sujet fâcheux : « Oui, le succès était là mais êtes-vous conscient que vous avez fait des erreurs : en particulier le support client, cela vous colle à la peau désormais ».

Michel Assadourian me confirme : « oui l’image nous colle à la peau : c’est indéniable que ça a pêché au début sur le traitement des problèmes, un client de smartphone, lorsqu’il a un souci, a besoin d’être pris en charge immédiatement, il lui faut une solution à court terme, il veut être rassuré ». Oui, c’est vrai : la relation que nous avons avec notre smartphone est différente de celle que l’on peut avoir avec notre aspirateur. « Quand notre smartphone tombe en panne, on a l’impression que c’est la tête qui tombe en panne », affirme Michel Assadourian. En 2012, deuxième année pour Wiko, « nous avons été victime du succès, c’était mal anticipé ».

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Wiko avait lancé le Think juste avant le MedPi, un salon dédié aux professionnels qui a lieu à Monaco, « puis nous avons lancé le Peax et le Slim, et nous sommes devenus le premier vendeur en France sur Internet, au bout de 4 mois seulement ». Les chiffres fournis par Wiko parlent d’eux-mêmes : « 119 pièces vendus en mars 2011, en novembre 2015, nous en avons vendu 800 000 ».

119 pièces vendus en mars 2011, en novembre 2015, nous en avons vendu 800 000

« Les choses ont beaucoup changé, nous sommes désormais numéro 2 de l’Open Market en France, la pléthore d’audits et d’études, ça a tiré Wiko vers le haut, nous avons rempli les standards opérateurs sur tous nos modèles, tant en conservant un prix bas ». Wiko ne vend pas de produit au-dessus de 249 euros : « on ne va pas prendre un smartphone à 259 pour le mettre à 400, notre ADN est là : nous avons une gamme de prix précise avec tout ce que recherche un consommateurs français ».

Wiko et ses ambitions

Wiko est-il une marque low-cost ? La question peut sembler étrange, le mot low-cost a une connotation négative, lié souvent à la notion de mauvaise qualité. On pardonne plus facilement un support client lent et inefficace ou un produit défectueux à une marque low-cost. C’est étrange. Nous avons également une relation curieuse avec l’argent. Nous voulons être sûrs d’en avoir pour notre argent, mais d’un autre côté le prix positionne un produit. Il modifie la perception que l’on peut en avoir. Si le prix est haut, c’est certainement que le produit est de qualité.

Wiko UFeel Prime : 249 euros
Wiko UFeel Prime : 249 euros

C’est ce que j’explique à Wiko : « Qu’est-ce qui vous empêche de sortir un smartphone à plus de 400 euros aujourd’hui ? ». Michel Assadourian semble avoir l’habitude de traiter ce type de question, il me répond rapidement. « Nous avons permis à nos clients de comprendre la valeur réelle des produits qu’ils achètent. Nous venons de lancer le Ufeel Prime à 250 euros et comptons bien prochainement monter en gamme avec des produits à 300 euros et plus. Nos clients du début étaient plutôt jeunes, mais ils grandissent et gagnent en pouvoir d’achat. Leurs besoins et leurs exigences augmentent aussi. Alors qu’hier nous n’étions présents que sur l’Open Market (17 % de parts de marché selon GfK), nous sommes, depuis peu, présents chez tous les opérateurs : Free, Bouygues Telecom, SFR, et Orange depuis quelques semaines».

Les ambitions de Wiko sont impressionnantes, difficile d’en douter. « Nous sommes dans le Top 5 sur l’ensemble du marché européen : numéro 2 en France et au Portugal, numéro 4 en Italie, numéro 5 en Belgique. Wiko a vendu plus de 8 millions de mobiles en 2015 à travers plus de 30 pays dans le monde et nous prévoyons de vendre autour de 15 millions de mobiles cette année. Notre ambition est d’intégrer le Top 5 mondial d’ici fin 2020. ».

 

Wiko et son identité française

« Nous » ? Wiko ou Tinno ? Finalement, il est peut-être temps de leur poser une question qui nous fâche depuis plusieurs années. Wiko est-il réellement français ? Nous savons que l’entreprise française appartient à une holding hongkongaise. Holding elle-même détenue par Tinno, l’industriel chinois.

Pour aller plus loin
Cocowiko, la campagne de Wiko qui fait jaser

« Wiko est bien une entreprise française immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Marseille depuis février 2011. Nous avons créé depuis 2011 plus de 200 emplois en France et près de 500 dans le monde entier. Wiko définit en France, avec ses équipes d’ingénieurs et de designers, l’ensemble des cahiers des charges des produit : caractéristiques techniques, design, couleurs, prix de vente conseillé selon les pays…Wiko prend également en France les décisions concernant les stratégies de commercialisation et de communication. Son développement à l’international est décidé et orchestré depuis la France, à Marseille. Wiko est indiscutablement une entreprise et une marque française », répond mon interlocuteur.

Un bureau à Marseille, image fournie par Wiko
Un bureau à Marseille, image fournie par Wiko

Pour ensuite renchérir : « Notre ADN Français est un de nos atouts. L’expression et la tonalité de Wiko sont définies et cultivées par notre équipe en France, ainsi nous apportons à nos clients dans les différents pays une inspiration et une vision à la française. ».

 

La suite à la prochaine rencontre

Le suite de la discussion se déroulera à Marseille. Nous avons encore de nombreux sujets à évoquer et des questions à poser : support client, politique de mises à jour, Android Wear… autant de sujets au coeur des débats de passionnés que nous sommes. D’ailleurs, si vous avez des questions : nous en profiterons pour les poser.


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