On a visité l’usine Xiaomi de voitures électriques : l’une des plus évoluée au monde et un vrai voyage dans le temps

Des robots par centaines, et quelques ouvriers dans les allées

 
Nous avons été invités par Xiaomi en Chine pour visiter l’usine flambant neuve qui fabrique la nouvelle voiture électrique de la marque, la SU7. L’usine, située en banlieue de Pékin, est tout simplement impressionnante. Nous avons croisé davantage de robots (plus de 700) que d’être humains. Une voiture électrique sort des lignes de production toutes les 76 secondes. Plongez avec nous dans les coulisses de cette usine hors normes.
Xiaomi SU7 dans l’usine de Pékin

L’usine Xiaomi qui fabrique la voiture électrique SU7 de la marque est tout simplement impressionnante, surtout quand on sait que c’est la première voiture du jeune constructeur de smartphone. Elle se situe dans la banlieue sud de Pékin, avec une surface totale de 718 000 m2 pour 396 000 m2 de bâtiments.

Au départ, les rumeurs annonçaient que Xiaomi allait utiliser l’usine du concurrent local BAIC pour produire sa voiture. Mais le constructeur chinois a fait sortir de terre une usine flambant neuve. Le prix de l’opération ? On ne le connaît pas, mais on peut tenter de le deviner.

Usine de voitures électriques Xiaomi // Source : Xiaomi

En 2021, lors de l’annonce du développement d’une voiture électrique, le constructeur chinois annonçait un investissement de 10 milliards de dollars en 10 ans. Lors de notre visite, en juillet 2024, Xiaomi a déjà dépensé plus d’un milliard de dollars. Pas uniquement pour l’usine, mais aussi pour le développement de la voiture.

Rendez-vous à l’usine

Xiaomi nous a donné rendez-vous à l’usine le mercredi 17 juillet à 14h30. Il faisait chaud, très chaud à Pékin : près de 37 degrés à l’ombre. Et pourtant, l’usine était fraiche. Pas étonnant quand on sait qu’elle est climatisée, que ce soit pour le bien-être des travailleurs, mais aussi pour le bon fonctionnement de tous les ordinateurs et robots présents dans les bâtiments.

Usine de voitures électriques Xiaomi // Source : Xiaomi

Avant de rentrer dans l’usine, la consigne était claire : pas de photo, pas de vidéo. Notre article est donc illustré avec des photos officielles de l’usine. Elles reflètent parfaitement ce que nous avons vu de nos propres yeux. On imagine que l’entreprise voulait éviter qu’on prenne en photo des données confidentielles par mégarde, comme le nom d’une machine par exemple.

Autre déception : la visite s’est effectuée au pas de course, assis dans des voiturettes de golf qui roulaient à vive allure entre les différents ateliers de l’usine. Heureusement, en plus de cette visite, nous avons eu le droit à des explications techniques ainsi qu’à une (longue) liste de chiffres qui donnent le tournis et sur lesquels on reviendra au fur et à mesure.

Une voiture produite toutes les 76 secondes

Le premier chiffre, c’est la capacité de production de l’usine : une voiture électrique peut sortir des chaînes toutes les 76 secondes, soit 40 voitures par heure. Ce qui donne environ 350 000 unités par an, si l’usine tourne à plein régime. C’est beaucoup, mais à nuancer quand on sait que l’usine de Tesla située à Shanghai débite quasiment 1 million de voitures par an.

Usine de voitures électriques Xiaomi // Source : Xiaomi

Mais il faut mettre la situation en perspective. Xiaomi vient tout juste d’ouvrir son usine et se lancer sur cette industrie, alors que Tesla produit sa Model S depuis 2012. Et que le Tesla Roadster a vu le jour en 2008. Xiaomi, de son côté, vend des smartphones depuis 2010, et a lancé le développement de la SU7 électrique en 2021. L’entreprise a lancé sa production en mars dernier, seulement trois ans après le coup d’envoi du projet.

Précisons également que cette capacité de production n’est pas encore atteinte, puisque Xiaomi produit actuellement environ 20 000 voitures électriques par mois. L’entreprise a doublé les équipes suite au succès commercial de la SU7, avec 16h de production par jour. De quoi faire sortir 240 000 voitures des chaînes par an.

Xiaomi Hypercasting : un bijou technologique

Lors de notre visite, le premier arrêt était sûrement celui que j’attendais le plus. La voiturette de golf s’est garée devant les deux presses nommées Xiaomi Hypercasting. Deux immenses presses dont la taille de chacune représente deux terrains de basket (840 m2). Surtout, chaque presse pèse 718 tonnes et dispose d’une force de 9 100 tonnes. Cerise sur le gâteau : elles ont été développées en interne par Xiaomi, contrairement aux appareils de Tesla, développés et produits par la firme italienne IDRA.

Les deux machines Hypercasting de Xiaomi // Source : Xiaomi

Si vous vous demandez à quoi servent ces presses, vous pouvez jeter un coup d’œil à notre article sur le sujet. Mais pour résumer, ces machines (dont Tesla fut le premier constructeur à les faire entrer dans une usine automobile) transforment du métal en fusion en une gigantesque et unique pièce. Ce qui permet de remplacer, chez Xiaomi, 72 parties d’une voiture en une seule. De quoi réduire le poids ainsi que le temps de production, et donc les coûts.

La partie arrière de la voiture produite en HyperCasting

Ce qui m’a frappé, c’était le souci du détail. Contrairement aux usines Tesla, les deux Gigapress de Xiaomi sont aux couleurs de la marque. C’est un simple détail visuel, mais ça montre à quel point le constructeur chinois est attaché aux détails comme on le verra plus loin. Et surtout, l’autre élément qui m’a marqué, c’est la propreté de l’usine. On pourrait presque manger par terre. Si les robots ne passaient pas à intervalles réguliers dans l’usine.

Une usine tenue par les robots

Car oui, l’usine de Xiaomi est ultra-automatisée : 91 % de la production est réalisée par des robots. Ils sont plus de 700 dans l’usine ! Comme on l’écrivait déjà en avril dernier, « en carrosserie, 381 robots assistent 20 salariés, soit huit robots par poste de travail« . Et en effet, les robots sont partout. On voit des bras robotiques à peu près partout.

Des bras robotiques dans l’usine // Source : Xiaomi

Mais ce n’est pas tout, car des robots chargés de transporter les pièces déambulent également dans l’usine. En diffusant de la musique, pour les repérer plus facilement. Car ils sont très compacts et à ras du sol lorsqu’ils ne transportent aucune charge. Au total, ils sont 181 à se déplacer à travers l’usine, avec un système de repérage par caméra et radar laser (LiDAR).

Les robots de transport // Source : Xiaomi

Tesla réussi toutefois à faire mieux… dans son usine de Shanghai, la plus évoluée de l’entreprise. Là-bas, le constructeur américain annonce un taux d’automatisation de 95 % depuis quelques jours. De quoi affimer que Xiaomi ne révolutionne pas le genre et que le leader mondial de la voiture électrique a encore de l’avance.

Xiaomi se fait toutefois mousser, en annonçant que le système d’assemblage automatique est l’un des deux seuls en Chine, aux côtés d’un autre appartenant à un concurrent. On imagine facilement qu’il s’agit de Tesla, même si le constructeur chinois n’a pas voulu le confirmer. Toujours est-il que ce système permet d’assembler l’intégralité des panneaux de carrosserie de la voiture de manière automatique, avec un degré de précision tout simplement hallucinant. Xiaomi indique ainsi une précision de 0,05 mm. On comprend mieux pourquoi les panneaux de carrosserie de la Xiaomi SU7 et des Tesla produites en Chine sont aussi bien alignés.

La peinture ? Oui, et il y a du choix

Malheureusement, notre petite visite ne se sera pas arrêtée par l’atelier en charge de la peinture. Et c’est dommage, car avec 9 coloris différents, Xiaomi s’est lancé un petit challenge. Les robots sont bien sûr chargés de cette tâche, avec la possibilité de changer de coloris sur la ligne de production en « seulement 40 minutes » nous indique le constructeur.

La peinture d’une Xiaomi SU7 // Source : Xiaomi

En revanche, Xiaomi semble se détacher de Tesla avec son atelier de peinture. Le constructeur précise en effet que les commandes des clients sont produites à la demande. Alors que chez Tesla, lorsqu’un client achète une voiture, celle-ci est potentiellement déjà produite. Le constructeur américain produit de nombreuses variations (options et couleurs) pour ensuite les stocker et les associer à des commandes.

L’inspection après la phase de peinture // Source : Xiaomi

Chez Xiaomi, ce n’est pas le cas, mais le client peut changer de coloris jusqu’au dernier moment, avant que la voiture n’arrive à l’atelier de peinture. On imagine toutefois que cela est susceptible d’ajouter un léger délai supplémentaire, car le constructeur ne va pas s’amuser à changer le coloris en cours de l’atelier pour une seule commande.

Nous n’avons pas non plus pu accéder à l’atelier dédié aux batteries. Xiaomi ne fabrique pas ses propres cellules, mais reçoit ses dernières de la part de ses fournisseurs (BYD et CATL), avant de venir les intégrer dans un châssis formant ainsi une batterie complète.

Nous avons toutefois pu nous approcher des batteries non fonctionnelles présentées dans l’espace « showroom » de l’usine. Il nous a été possible de sous-peser une cellule au format prismatique. Elle faisait facilement 3 à 4 kg. On comprend alors pourquoi les batteries de voitures électriques, qui intègrent plusieurs dizaines de cellules, pèsent plusieurs centaines de kg.

Un voyage dans le temps

À la fin de la visite, j’ai eu l’impression d’avoir voyagé dans le temps. Il y a une quinzaine d’années, j’ai travaillé à la chaîne, chez l’un des sous-traitants de Renault. J’étais sur une ligne constituée de cinq presses. Nous étions environ quatre ouvriers par presse. Et la moindre envie pressante de l’un des 20 ouvriers mettait l’intégralité de la ligne en pause pendant quelques minutes.

Dans l’usine de Xiaomi, les rares êtres humains qui travaillent dans l’usine sont présents pour vérifier le bon fonctionnement des machines. Leur travail est bien moins répétitif et pénible que dans l’usine que j’ai connue à la fin des années 2000. Certains ont peur de cette automatisation à tout-va, qui permettrait aux entreprises d’augmenter leurs marges tout en augmentant le chômage des ouvriers.

Xiaomi SU7 à la fin du processus de production // Source : Xiaomi

Finalement, ce type de production semble justement beaucoup plus humaine : utiliser les robots pour les tâches pénibles et répétitives. Et compter sur les êtres humains pour leur intelligence et libre arbitre lorsqu’un robot a besoin d’assistance.

L’usine de Xiaomi n’est peut-être pas l’usine automobile la plus évoluée au monde. On l’a vu, Tesla se targue d’un taux d’automatisation supérieur. Mais ce qui est sûr, c’est que cette usine est largement plus évoluée que les usines historiques des constructeurs européens ou américains.

Faut-il avoir peur de la Chine ?

On entend souvent dire que les constructeurs chinois ont des années d’avance sur la voiture électrique, grâce à la technologie des batteries. Mais on oublie un peu trop leur avance en termes d’automatisation. C’est la clef pour réduire au maximum les coûts et proposer une voiture électrique au rapport qualité / prix qui fait saliver n’importe quel constructeur automobile conventionnel.

Et Tesla a bien compris cela. Le constructeur américain avance à marche forcée sur l’automatisation et la réduction des coûts de production, avec des méthodes innovantes. C’est à lui qu’on doit l’utilisation en premier des giga press pour produire des voitures.

Pour aller plus loin
Qu’est-ce que le « méga casting » ? On a vu cette technique révolutionnaire pour fabriquer des voitures électriques

Mais Tesla va-t-il se faire dépasser par ces nouveaux constructeurs chinois, dont Xiaomi fait partie ? Difficile de poser un pronostic, mais ce qui est sûr, c’est que les constructeurs européens ont beaucoup de choses à apprendre de l’industrie chinoise. Il est loin le temps où les chinois se contentaient de copier. C’est en partie grâce à eux que les voitures électriques inondent le monde en ce moment.

Lei Jun devant la Xiaomi SU7

Certains feront toutefois remarquer que la Chine bénéficie d’avantages concurrentiels dignes d’un dumping social face à l’Europe. Salaires peu élevés, horaires à rallonge (44h par semaine) et syndicats peu présents. Est-ce cette recette magique qui a permis à Xiaomi de développer sa première voiture en seulement trois ans ? Quant les constructeurs traditionnels européens mettent plutôt 5 ans et tentent de réduire ce délai par tous les moyens disponibles pour les futurs modèles.

L’Europe prend peur et vient d’imposer des droits de douanes supplémentaires pour les voitures électriques produites en Chine afin de supprimer leur avantage concurrentiel qui serait issue de « subventions déloyales, constituant une menace de préjudice économique pour les constructeurs de voitures électriques en Europe« .

Une partie des experts de l’industrie préfèreraient éviter cette guerre douanière et que l’Europe tente, à la place, de se mettre à niveau de l’industrie chinoise par n’importe quel moyen. Mais à quel prix social et sociétal ?


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