Le corps humain comme source d’énergie pour les objets connectés : entre promesses et réalité

 
Des montres connectées aux dispositifs médicaux implantables, la dépendance aux batteries reste le talon d’Achille des appareils portables. Mais une équipe de chercheurs australiens pourrait bien avoir trouvé une solution inattendue : transformer notre propre chaleur corporelle en source d’énergie.
La montre connectée Huawei Watch 3 // Source : Frandroid

L’Université du Queensland vient de présenter un film thermoélectrique révolutionnaire, capable de convertir la différence de température entre notre peau et l’air ambiant en électricité. Cette innovation, publiée dans la prestigieuse revue Science, pourrait être une avancée significative dans le domaine des dispositifs thermoélectriques flexibles.

Le professeur Zhi-Gang Chen, dirigeant l’étude, explique que leur film génère une puissance de 1,2 milliwatt par centimètre carré, avec une différence de température de 20 degrés Kelvin. Une performance 34 fois supérieure aux précédentes tentatives, qui pourrait suffire à alimenter certains dispositifs portables comme une montre connectée, même si cela reste insuffisant pour des appareils plus gourmands en énergie comme les smartphones.

Comment la chaleur corporelle pourrait remplacer les batteries dans les appareils portables de demain

Au cœur de cette innovation se trouve un film thermoélectrique d’une épaisseur d’un micron seulement. Sa fabrication repose sur un processus en plusieurs étapes : d’abord la synthèse de nanoplaquettes de tellurure de bismuth et de nanotiges de tellure dans un autoclave sous haute température et pression. Ces composés sont ensuite mélangés pour créer une encre spéciale.

L’originalité de leur approche réside dans l’ajout de nanotiges de tellure, représentant 7,5 % du poids de l’encre. Cette innovation permet de combler les pores dans la couche de tellurure de bismuth, la rendant plus dense et donc plus efficace. La bonne nouvelle, c’est que la technique de sérigraphie utilisée pour l’application, couramment employée dans la fabrication des circuits imprimés, rend possible une production à grande échelle.

Les applications potentielles dépassent largement le cadre des wearables. Les chercheurs envisagent d’utiliser ce film pour le refroidissement des processeurs d’ordinateurs. Ce dernier pourrait créer une différence de température de 11,7 Kelvin avec un courant d’entrée de seulement 84,2 milliampères.

Cela pourrait donc s’avérer particulièrement utile pour les processeurs de dernière génération, qui utilisent des gravures toujours plus fines. Les chercheurs espèrent même pouvoir inclure cette technologie dans les centres de données, ceux-ci consommant actuellement d’importantes quantités d’eau pour leur refroidissement.

Parmi les applications les plus concrètes, le film devrait surtout révolutionner le domaine des vêtements intelligents, créant des tissus capables de réguler activement leur température.

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Peut-on vraiment espérer voir cette technologie remplacer les batteries ?

Cependant, plusieurs experts du secteur émettent des réserves. Le Dr Marie Lambert, spécialiste en technologies portables à l’Institut Polytechnique de Paris (nom fictif), souligne que « la différence de température entre le corps et l’air ambiant n’est pas toujours suffisante pour garantir une production d’énergie stable ». Dans des environnements climatisés ou par temps chaud, l’efficacité du système pourrait être considérablement réduite.

La durabilité pose également question. Si le film ne perd que 2 % de ses performances après 1000 flexions, les chercheurs visent 10 000 flexions, voire un million, pour une utilisation quotidienne réaliste. L’intégration à des dispositifs commerciaux nécessitera également des adaptations importantes des processus de fabrication actuels.

Néanmoins, cette innovation s’inscrit dans une tendance plus large. L’Université de Washington a récemment développé un dispositif thermoélectrique étirable capable d’alimenter une LED, tandis que Carnegie Mellon a créé un oxymètre de pouls autonome. Ces avancées laissent entrevoir un futur où les dispositifs médicaux implantables pourraient fonctionner sans batterie, éliminant ainsi le besoin d’interventions chirurgicales pour leur remplacement.

L’écologie en ligne de mire

Le potentiel environnemental est également significatif. Dans un contexte où la production de batteries lithium-ion pose d’importants défis écologiques, toute technologie permettant de réduire notre dépendance aux batteries traditionnelles mérite attention.

Si cette technologie ne remplacera probablement pas complètement les batteries traditionnelles à court terme, elle pourrait néanmoins transformer profondément certains secteurs des technologies portables.


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