« Mes données sont tellement hors norme… » : comment six coureurs de très haut niveau utilisent leur montre connectée

 
Les sportifs de très haut niveau aussi utilisent des montres connectées pour s’entraîner. Pour en savoir plus sur leurs usages, on a pu s’entretenir avec six coureurs élite utilisant des modèles de Garmin, Coros, Suunto, Polar ou Huawei.
Source : RUN 4 FFWPU via Pexels

Depuis quelques années, les montres connectées se sont muées en montres de sport. Désormais, n’importe quel sportif amateur peut utiliser sa montre pour enregistrer des données toujours plus nombreuses, précises et complexes. Qu’il s’agisse des montres Garmin, de celles de Coros, de Suunto ou de Polar, il devient de plus en plus simple de s’orienter sur la base de sa fréquence cardiaque, de son allure ou de viser à faire monter tel ou tel score d’endurance ou d’ascension.

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Pour mettre en avant leurs montres, les fabricants travaillent par ailleurs de plus en plus avec des athlètes de très haut niveau qu’ils sponsorisent. Mais utilisent-ils réellement leurs montres au quotidien, connaissent-ils l’ensemble des fonctions proposées et comment s’en servent-ils ? Pour le savoir, on a eu l’occasion de s’entretenir avec six athlètes de très haut niveau :

  • Alexandre Boucheix, dit « Casquette Verte » : 10e de la Diagonale des Fous (2023), 18e de l’UTMB (2022)
  • Mo Farah : champion olympique 5000 et 10 000 m (2012, puis 2016), champion du monde du 5000 m (2011, 2013, 2015), champion du monde du 10 000 m (2013, 2015 et 2017), vainqueur du marathon de Chicago (2018)
  • Germain Grangier : vainqueur des 90 km du Mont-Blanc (2023), 3e de l’UTMB (2023), 2e de la Diagonale des Fous (2023)
  • Anne-Lise Rousset : 2e féminine de la Diagonale des Fous (2022), 2e féminine de la Hardrock 100 (2023), recordwoman du GR20 (2022), championne de France de trail long (2023)
  • Yann Schrub : champion d’Europe de cross-country (2023), vice champion d’Europe du 10 000 m (2023), sélectionné sur 5000 et 10 000 m pour les Jeux olympiques de Paris 2024
  • Mathilde Sénéchal : 2e au Championnat d’Europe junior sur 3000 m (2017), 3e au Championnat de France 10 000 m (2024)

Des montres pour tous les goûts

Les six athlètes que l’on a pu interroger ont beau être tous des sportifs de niveau « élite », parmi les meilleurs dans leurs disciplines, ils n’ont pas du tout le même profil. Alors que Yann Schrub est spécialisé dans la course sur piste — il s’alignera aux Jeux olympiques sur 5000 et 10 000 m — Germain Grangier pratique surtout l’ultra-trail avec beaucoup de dénivelé et des distances de plus de 100 kilomètres.

Forcément, si tous sont des coureurs ou des coureuses, ils ne vont pas attendre la même chose de leur montre connectée. Tous ces athlètes sont par ailleurs ambassadeurs d’une marque en particulier et vont logiquement porter une montre fournie par leur sponsor, généralement la plus adaptée à leur discipline :

Sans grande surprise, Yann Schrub, qui concourt essentiellement sur piste et pour des efforts inférieurs à une heure, utilise donc la montre running la plus haut de gamme de Polar. Il en va de même pour Germain Grangier et Anne-Lise Rousset, spécialistes de l’ultra longue distance et équipés de montres orientés trails avec écran MIP transflectif par Garmin. De son côté, Alexandre Boucheix utilise lui aussi une montre de trail, signée Suunto, mais, contrairement aux deux athlètes Garmin, il s’est orienté vers un modèle à écran Amoled, malgré la plus grande consommation d’énergie de ces dalles. Un choix qui s’explique en grande partie par ses performances de course et le fait qu’il parvienne à boucler des ultra trails en des temps bien plus courts que la moyenne des coureurs :

Je ne fais aucune course où j’ai besoin de me soucier de la batterie. Quand j’ai commencé il y a huit ans, c’était l’enfer. J’ai fait une Diagonale des Fous (NDLR : 170 km, 10 500 m de dénivelé) en 33 h, j’avais une petite Garmin 235 de souvenir. Je l’ai rechargée quatre fois pendant la course. Avec la Suunto Race, ça tient 40 heures avec les paramètres de géolocalisation les plus précis. Des mecs qui ont besoin de plus d’autonomie que moi peuvent se permettre de la recharger une fois, parce que quand tu vises 66 heures sur la Diagonale des Fous, ça veut dire que tu fais des pauses.

Néanmoins, pour des athlètes qui cherchent à gagner la moindre amélioration de performance, le poids de la montre peut également être un critère à prendre en compte. Un des athlètes interrogés nous a ainsi indiqué avoir déjà couru une course avec une montre qui n’était cependant pas celle recommandée par son sponsor, de quoi gagner quelques dizaines de grammes et réduire d’autant la fatigue.

Du côté d’Anne-Lise Rousset, ce sont d’ailleurs deux modèles qui sont utilisés. Si la traileuse française a tendance à privilégier la Garmin Fenix 7S Pro à l’entraînement, une montre de 42 mm de diamètre, elle favorise davantage la Fenix 7 Pro standard, avec son diamètre de 47 mm, pour les compétitions : « Elle est un peu plus grosse, mais je prends plutôt celle-là pendant les compétitions, pour vraiment avoir plus d’autonomie. Je suis plus sereine pour être sûre que ça tienne jusqu’au bout. Sur de l’ultra, ça va au-delà de 25 ou 30 heures, donc c’est pour être sûre de mon coup ».

Des données adaptées à leurs disciplines

Si tous les athlètes que nous avons pu interroger pratiquent la course à pied, les disciplines vont être très différentes. Entre une course de 3 000 mètres sur piste où on se donne à fond tout du long et un ultra trail avec plusieurs kilomètres de dénivelé sur une vingtaine d’heures, il y a un monde. L’allure, la stratégie de course, et les données importantes pour chacun vont donc dépendre grandement de la discipline.

La Polar Pacer Pro
La Polar Pacer Pro // Source : Frandroid

Par exemple, lors de son entraînement, Yann Schrub utilise essentiellement des données de fréquence cardiaque : « Ce que j’utilise principalement, c’est le chrono, l’allure et la fréquence cardiaque. […] Je cumule l’allure au kilomètre et la fréquence cardiaque pour voir si je suis en forme ou pas ». De son côté, pour ses séances spécifiques au trail, Anne-Lise Rousset a tendance à consulter des données plus adaptées à la course en montagne :

Je vais avoir le chrono, la distance et le dénivelé. L’allure, pour le coup, m’importe peu parce que sur du trail, ça va varier. La vitesse ascensionnelle, ça peut être intéressant, mais c’est pareil : selon la technicité du parcours, le pourcentage de pente, on peut avoir des distances qui, finalement, n’ont pas un grand intérêt par rapport vraiment à l’entraînement.

Un point revient d’ailleurs beaucoup chez les trois coureurs de trail interrogés. Tous ont tendance à utiliser le profil du parcours et le tracé avec la cartographie. Il s’agit bien souvent d’une précaution pour les courses qui ne sont pas suffisamment balisées. « La Hardrock 100, aux États-Unis, était très, très peu balisée. On avait parfois cinq ou six bornes où il n’y a pas une trace de rubalise. Mais c’est comme ça, c’est un peu la règle du jeu aussi en s’engageant sur cette épreuve », raconte ainsi Anne-Lise Rousset. Pour Alexandre Boucheix aussi, la cartographie est particulièrement utile : « Ça m’a sorti de la merde plusieurs fois en course, en off [NDLR : une course sans organisation], parce que je me suis retrouvée à devoir décrocher le chemin et partir hors sentier et réussir à voir grâce aux courbes de niveaux si ça passait ou si ça ne passait pas ».

La cartographie de la Suunto Race en sortie trail // Source : Maxime Grosjean pour Frandroid

Si les coureurs utilisent par ailleurs très souvent le chronomètre, notamment pour les entraînements ou compétitions sur piste, Germain Grangier va quant à lui utiliser une donnée un peu plus inattendue sur ses courses d’ultra trail, l’heure :

C’est une donnée qui parait lambda, mais en ultra-trail, c’est super important. Sur une Diagonale des Fous, il fait super chaud entre 11 et 15 ou 16h. Si je commence à avoir chaud, je vais regarder l’heure, si je commence à avoir très faim, généralement autour des heures des repas, je vais voir qu’il est midi alors je mange un peu plus. Ce n’est pas une donnée sexy, mais c’est hyper important, c’est la donnée qui donne le rythme, c’est souvent rassurant de savoir quelle heure il est. Même, au milieu de la nuit, sur un UTMB, tu t’ennuies un peu, tu es un peu stressée. Tu sais qu’il est 3 h du matin, tu te dis « encore trois heures et ça sera le lever du soleil ». Segmenter ces longues courses en petites portions, ça donne des buts intermédiaires.

Un suivi GPS primordial en trail, important sur route, mais trop imprécis sur piste

Pour le grand public et les coureurs amateurs, le principal intérêt d’une montre de sport est sa précision GPS. Il faut dire qu’en fonction de cette précision, la montre sera capable de mesurer non seulement la distance parcourue, mais également l’allure en temps réel de manière plus ou moins fiable.

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La cartographie sur la Garmin Fenix 7 Pro
La cartographie sur la Garmin Fenix 7 Pro // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

Pour les coureurs de trail, c’est grâce à cette fonction GPS que la montre sera en mesure d’afficher l’itinéraire, la cartographie, voire la vitesse ajustée à la pente — une donnée qui adapte l’allure en fonction du dénivelé. « Je l’utilise pas mal, parce qu’en trail on a des pentes non linéaires, du coup ça te donne une idée de ton allure. Et c’est moins variable qu’une fréquence cardiaque qui peut quand même être impactée par ton état de forme du jour », indique ainsi Germain Grangier. Tous précisent cependant que cette donnée seule ne suffit pas à prédire ses performances. De fortes variations peuvent exister entre une pente plate, voire goudronnée, et un chemin de même inclinaison, mais bien plus caillouteux et plus technique, comme le relève Germain Grangier :

J’essaie de les comparer sur des pentes où la surface est assez proche. Quand tu commences à courir dans des blocs ou des trucs très instables, c’est là où on arrive à la magie du trail, c’est l’absence de cadre. On a une donnée de fréquence cardiaque qui ne vaut pas grand-chose. On a une donnée de vitesse moyenne qui ne veut pas dire grand-chose, une donnée de vitesse verticale compliquée. Et là, si tu n’as pas développé tes sensations, tu ne sais pas trop comment tu te sens.

Le GPS reste cependant un outil de taille à l’entraînement pour tous les coureurs interrogés, notamment pour leurs sorties longues ou leurs séances à allure spécifique. Pour Mo Farah, c’est d’ailleurs le suivi GPS qui rend les montres connectées si utiles désormais : « Le gros avantage c’est le GPS. Bien sûr, parfois il faut se fier à ses sensations, mais les montres peuvent fournir beaucoup d’informations si vous en avez besoin ».

La Coros Pace 3. // Source : Frandroid – Chloé Pertuis

Sur les courses sur route, le GPS a cependant un attrait important pour les différents athlètes, puisqu’il va permettre de se caler sur une certaine allure, celle visée pour atteindre l’objectif qu’on s’est fixé. Yann Schrub juge cet aspect « hyper important », tout comme Mathilde Sénéchal : « Sur la route, on court pour le chrono, un peu moins pour la place. Généralement, on garde les montres pour se jauger ».

Cependant, certains déplorent encore un suivi GPS un peu trop brouillon pour leurs disciplines et pour certaines séances. C’est notamment le cas pour les entraînements à VMA, qui se font généralement sur piste, comme l’indique Yann Schrub. « Sur la piste, il y a des virages et le GPS c’est des segments. Donc à chaque fois, la montre va mesurer environ 375 mètres au lieu de 400. Le GPS on ne peut pas trop l’utiliser, il vaut mieux se baser sur le temps de passage. C’est pareil pour toutes les montres, pour tous les GPS, les segments ne sont pas encore assez courts pour être précis », déplore-t-il. Pour ces séances là, lui comme Mathilde Sénéchal préfèrent alors se baser uniquement sur le chronomètre tout en connaissant la distance de la piste et les temps de passage recommandés. C’est également le cas d’Anne-Lise Rousset qui, même si elle pratique le trail, s’entraîne également sur piste : « Pour les séances que je peux analyser moi, comme des séances de piste, je vais jeter un œil aux données pour savoir si mes 400 mètres sont dans les temps, puisque j’ai mes références ».

Surtout, à ce niveau de performances, l’idée n’est pas, comme bon nombre d’amateurs, de tenter de battre son record personnel à chaque course. C’est d’arriver en tête et de gagner une médaille, voire la course. Forcément, c’est alors davantage la stratégie, l’aspect tactique et le niveau des autres compétiteurs qui va jouer, comme l’indique Yann Schrub :

J’enlève la montre parce que même si elle est légère, on s’en moque du chrono. Pour les championnats, de toute façon on a toutes nos données après coup, on a tous nos temps de passage… il n’y a que la fréquence cardiaque qu’on n’a pas, mais je ne me vois pas courir avec une ceinture cardio sur un championnat. Pour les Jeux olympiques, je ne pense pas la porter parce que plus on est léger, mieux c’est. Sur le moment, ça reste une course, je reste concentré, donc je ne regarde que les temps de passage. Et si ça va bien, que je joue la gagne, je ne regarde même pas le temps de passage, j’accroche le peloton de tête et voilà.

Le suivi cardio, surtout utile pour l’entraînement

Outre le GPS, le suivi de la fréquence cardiaque est une des principales mesures apportées par les montres connectées. Cependant, rares sont les athlètes interrogés à se fier à 100 % à la mesure cardio optique au poignet proposée par leur montre. À l’entraînement, la plupart d’entre eux vont utiliser, en plus de leur montre, une ceinture ou un brassard cardio, à l’instar de Yann Schrub :

La ceinture est plus précise et la précision c’est la clé. Par exemple, mon seuil 180 battements par minute. Je sens tout de suite quand je suis à 182 ou 183, j’ai dépassé le seuil et là mon taux de lactate commence à augmenter, mes sensations ne sont plus les mêmes et il faut que ce soit précis.

Même son de cloche pour Mathilde Sénéchal : « Avec Coros c’est précis, parce que les bracelets peuvent très bien s’ajuster, mais j’ai un poignet très fin et il y a quand même des petites interférences. Pour un suivi plus précis, j’ai opté pour le brassard, parce que la ceinture est gênante pour les femmes au niveau de la brassière ». De son côté, Mo Farah relève néanmoins une amélioration substantielle de la précision des données cardio au poignet, lui qui a commencé sa carrière de très haut niveau il y a près de vingt ans : « La mesure au poignet est aussi bonne que possible. J’ai essayé les ceintures cardio il y a des années et je trouve ça très gênant. Toutes les montres de sport ont désormais bien plus de précision que par le passé ».

Le cardiofréquencemètre de la Huawei Watch Fit 3
Le cardiofréquencemètre de la Huawei Watch Fit 3 // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

C’est d’ailleurs pour une question de confort, d’optimisation du poids et donc de la performance, que les coureurs interrogés n’utilisent généralement pas de mesure cardio en compétition. C’est le cas par exemple d’Anne-Lise Rousset sur ses longues courses de trail : « Je ne suis pas du genre à regarder ma fréquence cardiaque pour savoir si je suis dans les bonnes zones, parce que maintenant je me connais un petit peu et je sais à peu près où j’en suis, ça fait un moment que je cours. Et je ne prends pas la ceinture cardio sur 25 ou 30 heures de course ».

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Arrivés à ce niveau d’expérience, tous les athlètes interrogés nous ont ainsi confié courir essentiellement à la sensation, en faisant attention à leur ressenti physique, davantage qu’à une mesure de fréquence cardiaque. « En course, je suis très peu focalisée sur les données. C’est un peu le jour où on doit écouter toutes nos sensations et pas forcément être être à l’écoute de nombres ou de chiffres », témoigne Germain Grangier.

La Polar H10+ et la Garmin HRM-Pro
La Polar H10+ et la Garmin HRM-Pro // Source : Geoffroy Husson – Frandroid

Quelle que soit la discipline, les athlètes interrogés nous indiquent tous ne pas vouloir s’embarrasser de données inutiles le jour de la course. « J’utilise le cardio de la montre à l’entraînement, au quotidien, mais pendant la course je vire tout », précise par exemple Alexandre Boucheix. L’état d’esprit était le même pour Mathilde Sénéchal, lorsqu’elle courait sur piste : « Je ne courais jamais avec ma montre, parce qu’on a toujours les chronos affichés ». La coureuse française indique cependant qu’elle porte désormais un brassard cardio pour ses courses sur route. Une manière, non pas de consulter sa fréquence cardiaque en pleine épreuve, mais pour analyser les données a posteriori : « Ça me permet d’analyser, de voir la moyenne et, ensuite, en fin d’année, de faire le point en me disant que sur ce 10 km, j’avais une fréquence cardiaque de tant et de savoir si j’ai réussi à baisser ma fréquence cardiaque tout en améliorant mon chrono ».

Des suggestions inadaptées à ces profils de très haut niveau

Si les athlètes de haut niveau sont le porte-étendard et la vitrine des marques de montres de sport, il ne s’agit bien évidemment pas du gros de leurs clients. Aujourd’hui, tout à chacun peut acheter une montre Garmin, Polar, Suunto ou Coros, découvrir leurs différents scores, leurs données et leurs conseils.

Les deux nouveaux scores ont évidemment droit à leur carte dédiée dans l’interface Garmin // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

Dès lors, les conseils proposés par ces différentes montres, qu’il s’agisse des séances suggérées ou de la récupération, ne sont pas toujours adaptés aux coureurs qu’on a pu interroger. Pour les suggestions de séance, cela s’explique en grande partie par le fait qu’ils ont déjà des programmes d’entraînements développés par des coachs sur des semaines, voire des mois à l’avance. « Il y a parfois des suggestions d’entraînement qui ne sont pas incohérentes par rapport à mon programme », concède cependant Germain Grangier. Le même admet cependant ne jamais suivre les recommandations de récupération : « Je vois souvent « repos 72 heures » et je ne le fais jamais ».

Il en va de même pour Alexandre Boucheix, alias Casquette Verte :

Mes données sont tellement hors norme et je n’ai pas l’impression qu’ils ont des algorithmes assez intelligents pour qu’ils s’adaptent à moi. La montre continue à me dire, après cinq ou six ans de données, qu’il faut que je me repose 56 heures après chaque sortie. Si je l’écoutais, je ne courrais plus […]. Le score considère que je suis épuisé tout le temps. Pour l’instant ils ont mis un modèle qui est logiquement bon pour tous, mais quand tu es vraiment vraiment hors du spectre, ça a du mal à réévaluer les scores.

Il faut dire que la tâche d’un athlète de très haut niveau est d’accumuler de la fatigue avec l’entraînement. Il doit forcer le corps à se renforcer pour compenser la fatigue musculaire durant les entraînements, puis à se reposer quelques jours ou semaines avant une compétition pour profiter à la fois de ces améliorations physiques et du repos. « La récupération suggérée après l’entraînement, je ne la regarde jamais, je ne la prends pas du tout en compte. On s’entraîne toujours sur de la fatigue : les entraînements s’accumulent et du coup la fatigue s’accumule. On ne repart jamais de zéro pour refaire un entraînement en étant à 100 % dans notre récupération. La montre ne peut pas savoir notre type d’entraînement et si on peut charger malgré la fatigue », indique de son côté Mathilde Sénéchal.

La récupération, une donnée encore rarement prise en compte

Si les montres sont utilisées à l’entraînement ou en compétition, plusieurs athlètes interrogés nous ont indiqué ne pas porter la leur le reste du temps, soit pour des raisons de confort, parce qu’ils n’apprécient pas avoir quelque chose au poignet, soi pour des raisons professionnelles comme c’est le cas d’Anne-Lise Rousset, vétérinaire en plus de son activité d’ultra traileuse.

La Suunto Race // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

Forcément, en limitant le port de leur montre aux seules activités sportives, tous ont conscience qu’elles ne peuvent pas évaluer correctement leurs périodes de récupération ou de sommeil. « Je ne suis pas une bonne élève à ce niveau-là. On en parlait avec mon entraîneur puisque 99 % de ses coureurs la mettent pour dormir », concède ainsi Anne-Lise Rousset, quand Germain Grangier explique qu’il « n’aime pas dormir avec une montre ». Yann Schrub aussi, préfère le confort d’avoir ses poignets libres durant la nuit : « Moins j’ai de choses sur le bras et le corps et mieux je dors. Je ne suis pro que depuis un an et demi, j’ai déjà changé pas mal de choses et je n’ai pas envie de passer de rien à tout. Peut-être que je le ferai à l’avenir, mais pour le moment, ce n’est pas prévu et c’est très bien comme ça »

Alexandre Boucheix cependant s’y est essayé, pour évaluer en particulier le temps de sommeil : « Là j’ai arrêté depuis deux semaines, mais je l’ai fait pendant deux mois de suite où je la gardais tout le temps pour analyser le sommeil. Je me suis rendu compte qu’il y avait une corrélation assez forte entre la durée de mon sommeil et la qualité de la sortie du lendemain. C’est assez amusant de s’en rendre compte, même sur une utilisation de sept ou huit semaines ». Un constat partagé par Mo Farah, surtout à l’époque où il était encore athlète professionnel et participait à des compétitions de très haut niveau : « Les huit heures de sommeil au minimum étaient importantes pour moi, en plus d’une sieste d’une ou deux heures l’après-midi, parce que je m’entraînais parfois deux ou trois fois par jour ».

La bague connectée Oura Ring 3 pour illustration
La bague connectée Oura Ring 3 pour illustration // Source : Brice Zerouk – Frandroid

À défaut de montre connectée durant la nuit, Mathilde Sénéchal s’est essayée depuis quelques mois aux bagues connectées, une Oura Ring 3, pour évaluer son sommeil et son niveau de stress la journée. « C’est assez discret et ça passe un peu partout, alors que je n’aime pas trop avoir des choses au poignet », explique-t-elle :

Au quotidien, je n’ai rien sur mes poignets, je n’aime pas trop avoir quelque chose sur moi, donc une fois mon entraînement terminé, j’enlève la montre. Donc forcément, la montre n’a pas l’ensemble des données, par rapport à la récupération, mais je couple les données de la montre avec les données que je vais récupérer sur la bague Oura.

Finalement, si les montres de sport s’améliorent, elles restent avant tout un outil pour les sportifs, qui les utilisent essentiellement durant l’entraînement. À côté, on pourrait donc voir arriver des dispositifs plus discrets, comme les bagues connectées ou les bracelets sans écran — à l’instar du bracelet Whoop. Des outils supplémentaires désormais à la disposition des athlètes élite, comme l’affirme Mathilde Sénéchal : « Le prix de la bague Oura, et son abonnement, me repoussaient, mais je ne la vois pas comme un gadget. Pour moi, c’est un outil de travail, donc c’est un investissement. Si je n’étais pas athlète de haut niveau, je ne l’aurais pas utilisée ».


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