On a testé le plein au Superchargeur de Tesla avec plusieurs modèles

Bonne ou mauvaise expérience ?

 
Alors que le déploiement des stations de recharge sur le réseau secondaire en France peine à se déployer massivement, le constructeur californien — et pionnier historique du genre — ouvre ses bornes de recharge rapide à tous les véhicules électriques. Nous avons testé ce service avec différents modèles, retour sur une expérience qui prouve que les choses s’améliorent.
Une BMW i4 sur les Superchargeurs / Source : D. Nogueira

Le 31 janvier 2022, le constructeur Tesla officialisait l’ouverture de ses stations Superchargeurs à tous les propriétaires de voitures électriques, quelle que soit leur marque et quelle que soit leur puissance de charge. Seules conditions pour en profiter : disposer d’une voiture avec une prise de charge CCS (bien placée) et accepter de se créer un compte Tesla pour s’acquitter de la facturation.

Rien de très compliqué, ni même de très contraignant en théorie, mais nous avons souhaité en avoir le cœur net en nous rendant sur l’une des stations ouvertes à tous. Retour sur une expérience intéressante, mais qui avait pourtant mal commencé.

Un programme pilote pour identifier les bugs et les contraintes

Si Tesla a ouvert l’accès à ses Superchargeurs, cela reste encore sous certaines conditions. Il est important de garder en tête qu’il s’agit là d’une extension du programme pilote initié le 1er novembre 2021 aux Pays-Bas. Depuis le 31 janvier, la France et la Norvège font désormais partie des pays à rejoindre l’expérience, mais avec un cadre bien précis. Alors que le réseau de Superchargeurs Tesla compte aujourd’hui plus de 700 bornes réparties sur plus de 100 stations, seules 16 d’entre elles sont concernées par ce programme pilote.

Les Superchargeurs accessibles à tous
Les Superchargeurs réservés aux clients Tesla

Au total, ce sont ainsi 230 bornes avec une prise CCS qui sont accessibles selon une disposition géographique qui aurait fait le sujet d’une analyse bien précise de la part de Tesla. Le constructeur nous a longuement rappelé que l’expérimentation a pour objectif d’identifier les éventuels problèmes, tout en veillant à ne pas gâcher l’expérience utilisateur que les clients Tesla connaissent aujourd’hui. C’est pourquoi la firme californienne aurait notamment analysé les données de fréquentation pour sélectionner les Superchargeurs éligibles aux tests.
Cela explique d’ailleurs que, sur les 230 bornes sélectionnées de manière relativement éparse sur le territoire, seules quarante-deux sont de type V2. Rappelons que celles-ci sont capables de délivrer une puissance de 150 kW, mais qu’elles fonctionnent sous un mode de partage de puissance. De quoi alimenter tout de même bon nombre de modèles de véhicules électriques dont le chargeur embarqué est limité à 100 kW par exemple.

Pour le reste, il s’agit de Superchargeurs V3, délivrant jusqu’à 250 kW dans des conditions bien spécifiques, à savoir le niveau de charge restant dans la batterie et si le véhicule prend dispose d’un mode de préconditionnement de la batterie. Quoi qu’il en soit, nous vous partageons à nouveau ci-dessous la liste des stations :

Les débuts n’ont pas fait des étincelles

Au lendemain de l’ouverture des SUC à tous, nous nous sommes rendus sur la station de Vélizy, comptant seize Superchargeurs V3. Notre compagnon de test : un Opel Mokka-e que nous avions justement à disposition. Un choix qui nous semblait d’autant plus pertinent que celui-ci est construit sur la même base que ses cousins et cousines du groupe PSA/Stellantis, à savoir les Peugeot e-208 et e-2008, le Citroën ë-C4 ou encore la DS3 Crossback E-Tense.

L’Opel Mokka-e sur un superchargeur / Source : D. Nogueira

Une plateforme eCMP qui, rappelons-le, utilise un pack batteries de 50 kWh (46 kWh utiles) et prétend à une puissance de charge maximale de 100 kW en courant continu. Malheureusement, ce jour-là, l’expérience s’est avérée compliquée. Alors que nous pensions avoir bien renseigné nos informations personnelles nécessaires à la création de notre compte Tesla sur l’application mobile, une fois devant la borne, nous sommes tombés sur un os : chaque fois que nous tentions de lancer la charge. Après avoir branché « le pistolet » au véhicule et sélectionné la borne — attention, c’est là l’ordre des étapes à respecter — nous étions confrontés en retour à un message d’erreur.

Saisir ses coordonnées impose une petite rigueur / Source : D. Nogueira

Après un appel aux équipes de Tesla, celles-ci nous ont précisé qu’il faut bien veiller à renseigner ses coordonnées postales, aussi bien dans l’espace portefeuille — là où on saisit ses informations de carte bancaire ou IBAN — que sous le menu « coordonnées ». Selon Tesla, cela s’explique par le fait que vous devez impérativement préciser que vous êtes résident français pour accéder au service.

S’il était possible de négliger ces étapes lors de notre premier jour d’essai, ce qui donnait lieu audit message d’erreur sans possibilité d’en connaître la cause lors du lancement de la charge, le constructeur a rapidement corrigé le tir avec une mise à jour de la procédure de configuration. Désormais, il est impératif de bien renseigner tous les champs nécessaires dans l’application, sans quoi celle-ci ne vous donnera pas accès à l’option d’activation de la charge.

Petite conseil : si vous êtes néanmoins confronté à un problème lors de l’activation de la charge, renseignez plutôt votre IBAN dans l’application que les informations de votre carte bancaire. Cela a été une partie de la solution à notre problème.

L’application Tesla est simple à appréhender / Source : D. Nogueira

Pour en finir avec l’application, il nous faut bien reconnaître que l’interface de l’application est plutôt simple à appréhender. L’application nous localise et identifie la station à proximité. Le volet « détails du site » vous permet de sélectionner la borne de charge et vous renseigne sur le prix au kWh délivré. Il est ici de 0,56 centime si vous n’avez pas souscrit à l’abonnement de 12,99 euros par mois, ou de 0,38 centime avec l’adhésion. Naturellement, on trouve les informations liées à la puissance, mais nous apprécions surtout les informations sur les « commodités » disponibles sur place.

Une seconde tentative beaucoup plus convaincante, sous contraintes

Plutôt frustrés par le résultat de notre première expérience, mais constatant sur les réseaux sociaux que nous n’étions pas les seuls à essuyer les plâtres, nous avons contacté plusieurs constructeurs automobiles, dont Tesla, évidemment, pour essayer d’en savoir plus. Chez Tesla, les explications sont claires : « Nous sommes toujours en phase de test pour ce programme pilote. Néanmoins, nous avons en effet des remontées d’information de notre réseau qui pointent un souci de compatibilité avec certains modèles ». À ce stade, la Peugeot e-208 et la Hyundai Ioniq 5 sont identifiées comme posant des problèmes.

Notre casting pour les tests / Source : D. Nogueira

Du côté de chez PSA, Citroën nous propose immédiatement de nous mettre à disposition un ë-C4 pour renouveler notre test. BMW fera de même avec une i4 eDrive40. Entre temps, nous recevons de Peugeot un SMS nous indiquant que le service devait être opérationnel, que Tesla aurait fait le nécessaire. Cela tombe bien, c’est accompagné d’un conducteur de Peugeot e-208 (Didier Méance, un membre actif des forums Peugeot e-208 et qui était curieux de partager avec nous cette expérience), mais aussi d’un confrère journaliste qui testait la Cupra Born que nous nous sommes rendus sur la même station, quatre jours plus tard — le samedi 5 février. L’occasion de nous confronter rapidement à l’une des principales contraintes d’utilisations et qui anime d’ailleurs les débats sur les forums, à savoir les emplacements des prises de recharge sur les voitures.

Les stèles de charge sont idéalement conçues pour les Tesla qui disposent de leur prise de recharge à l’arrière gauche du véhicule. Ce qui, vous vous en doutez ne convient pas à plusieurs modèles concurrents. Cela a d’ailleurs donné lieu à la publication sur plusieurs forums du schéma ci-dessus qui représente l’emplacement des prises de recharge sur les véhicules électriques concurrents.

BMW i4 sur Tesla Superchargeurs / Source : D. Nogueira

Nous avons pu en faire l’expérience avec la BMW i4 ainsi que la Cupra Born pour lesquelles la prise CCS est située à l’arrière droite. Conséquence, nous occupions la mauvaise stèle et, finalement, deux places de stationnements, à moins de nous garer à côté d’une autre voiture concernée par le même problème.

Un premier souci largement dénoncé donc par les clients Tesla qui voient déjà leur confort et la qualité de leur réseau de charge remis en question. Et cela se comprend, d’autant que si les Model S, 3, X et Y sont équipées d’un planificateur d’itinéraire qui leur permettra d’optimiser la vitesse de charge et donc de passer un minimum de temps à la borne, bon nombre de modèles concurrents ne profiteront pas d’une telle technologie et vous verrez votre puissance de charge limitée.

C’est d’ailleurs ce que nous avons pu constater avec nos véhicules d’essais, puisque les Peugeot e-208 et Citroën ë-C4 ont manifestement été limitées à une puissance avoisinant les 30 kW et cela que ce soit à 50 ou 70 %. Gageons que la puissance montera lorsque la batterie sera plus faible, ce que nous n’avons pas pu tester sur ces deux premiers modèles (nous avons préféré prendre nos précautions, car nous n’étions pas sûrs de pouvoir recharger). Nous sommes par ailleurs intimement persuadés que Tesla va faire évoluer encore la puissance de charge, de la même manière qu’il a été capable de corriger très rapidement les problèmes de connexion avec la plateforme PSA.

Un Porsche Taycan au rendez-vous sur le superchargeur / Source : D. Nogueira

Il devrait en être de même pour les propriétaires de Porsche Taycan. Nous avons croisé l’un d’eux lors de notre matinée d’essai et, pour lui aussi, l’application Tesla indiquait une puissance de charge limitée à quelques 50 kW alors que le niveau de batterie était à environ 50 % selon ses dires. Attention : l’idée est surtout ici de vous dire que les Superchargeurs fonctionnent aussi avec la sportive électrique allemande et non de tirer des conclusions sur la puissance de charge. Il est possible que la puissance de charge ait augmenté au-delà de la dizaine de minutes que nous avons passées avec ce conducteur.

Porsche Taycan sur Ionity / Source : D. Nogueira

Néanmoins, à titre de comparaison, à l’occasion d’un essai de Porsche Taycan, nous avions pu recharger le véhicule sur le réseau Ionity. En quelques minutes, la puissance de charge était montée très haut et nous avions récupéré plus de 46 kWh en à peine plus de 17 minutes. Merci le planificateur et le réseau 800 Volts qui permet d’atteindre une puissance de charge sur Taycan d’environ 220 kW !

Jusqu’à 142 kW pour la BMW i4

La Cupra Born sur le Superchargeur / Source : D. Nogueira

La Cupra Born était en ce samedi la plus rapide sur la charge avec une puissance qui atteindra les 68 kW en pic, car c’est aussi celle qui est arrivée la plus essoufflée — rappelons que sa puissance max serait de 125 kW. À son compteur, il ne restait que 14 % de batterie, ce qui a permis alors à la borne et l’électronique du véhicule de monter à cette puissance, mais pendant un court instant néanmoins. Et comme celle-ci est arrivée avec un faible niveau de batterie, voici les quelques données que nous pouvons partager et que nous trouvons assez significatives. Lorsque nous sommes arrivés à 11h28 l’auto était à 14 %. À 11h43, le pic à 68 kW de puissance est atteint et à 11h49, nous décidons de stopper la charge alors que la batterie est à 50 % selon l’application Cupra. Au même moment, sur l’application Tesla, nous pouvons remarquer que la puissance commence à chuter, avec un 62 kW affiché, mais nous avons tout de même récupéré 23 kWh pour une facture dont le montant s’élève à près de 13 euros. Autonomie estimée par l’application Cupra : 174 km avec ces 50 % de batterie.

Le compteur de la BMW i4 / Source : D. Nogueira

Ce n’est que deux jours plus tard encore (le lundi 07/02), avec la BMW i4 que nous avions cette fois-ci vidée jusqu’à 17 % — nous savions que nous pourrions recharger une fois sur place — que nous avons atteint la plus haute puissance de charge. Rappelons que la BMW i4 accepte une puissance de charge maximale en courant continu de 210 kW. Une puissance que nous n’avons pas atteint sur notre Superchargeur V3, dont la puissance est de 250 kW, mais c’est néanmoins la Bavaroise qui a atteint la première marche sur notre podium des modèles testés.

La BMW i4 sur superchargeur / Source : D. Nogueira

Les captures ci-dessus parlent d’elles même. À peine avons-nous branché la i4 que l’application Tesla affichait une puissance de 69 kW et la montée en puissance est très rapide puisqu’elle culmine à 142 kW après 6 minutes seulement.

La BMW i4 sur superchargeur / Source : D. Nogueira

Malheureusement, ce pic n’aura pas été atteint très longtemps puisque dans la minute qui a suivi, la puissance a chuté à 122, 114 puis 103 kW.

La BMW i4 sur Superchargeur
La BMW i4 sur Superchargeur / Source : D. Nogueira

À ce stade de nos essais, la BMW réalise la plus belle prestation, mais, pris par le temps, nous n’avons pas pu aller jusqu’à 80 % de la charge. Ainsi, si la puissance chutait sans cesse et finalement lorsqu’elle atteignait les 103 kW, nous n’étions qu’à 42 % de batterie. Il se peut là aussi que la prestation soit plus dingue encore sur le réseau de charge Ionity.

Les Superchargeurs ouverts à tous : bonne ou mauvaise nouvelle ?

Finalement, l’expérience que nous avons vécue sur ces Superchargeurs s’est avérée relativement concluante. Après une petite semaine seulement d’ouverture de son réseau aux marques concurrentes, nous avons pu percevoir les évolutions tant au travers de notre expérience que via les réseaux sociaux où les utilisateurs partagent de plus en plus de photos validant la comptabilité des bornes. Alors, l’ouverture à tous, bonne ou mauvaise nouvelle ? Vous l’aurez compris, tout dépend de quel côté de la barrière on se place.

N’étant pas conducteur de Tesla au quotidien, votre humble serviteur comprend assurément les inquiétudes que cela peut faire naître chez les propriétaires de Tesla qui se voient désormais contraints de partager ce confort acquis et aussi précieux qu’il est terriblement redoutable. À chacun des longs voyages que nous avons réalisé au volant d’une Tesla, nous avons toujours été impressionnés par la puissance des Superchargeurs, la facilité d’utilisation et la fiabilité de ces bornes. Par ailleurs, nous avons eu aussi l’occasion de constater que lors des départs en vacances, certaines stations sont d’ores et déjà embouteillées aux horaires des repas, ce qui peut renforcer l’inquiétude de voir débarquer des modèles concurrents (beaucoup) plus lents à la recharge et potentiellement mal garés.

Mais ces situations d’engorgement ne sont-elles pas finalement que saisonnières et ponctuelles ? Chaque fois que nous avons eu l’occasion d’observer ce qu’il se passe sur une station, la vitesse de charge est telle que nous voyons des conducteurs de Tesla se stationner, brancher la voiture, puis repartir 15 à 20 minutes plus tard.

Et puis, ne faut-il pas considérer aussi que ces nouveaux clients sont aussi un moyen pour Tesla de subventionner ses Superchargeurs et, sans doute, d’en étendre encore la densité. Pourquoi pas avec des sites de très haute volée à l’image de cette station du Mans qui utilise même des panneaux solaires pour collecter de l’énergie.

Quoi qu’il en soit, si Tesla a déjà bouleversé le marché du véhicule électrique, il semblerait que nous pouvons désormais compter sur la firme californienne pour donner un nouveau coup de pied dans la fourmilière et, on l’espère, motiver les opérateurs de réseau de charge à accélérer le déploiement de leurs stations. Car côté Ionity, pour ne citer qu’eux, aussi puissantes soient les recharges, nous avons un peu l’impression que le déploiement s’opère à la vitesse d’un escargot. La situation frôle le ridicule et le malaise est parfois palpable dans les constructeurs qui ont intégré le programme Ionity.

Si Tesla devait annoncer la généralisation de l’accès à tous ses Superchargeurs pour tout le monde, en l’état actuel des choses ce serait, selon notre point de vue très tranché, une véritable humiliation pour la concurrence.


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