Dans l’imaginaire collectif, une voiture « Made in China » n’est pas forcément gage de qualité, l’Empire du Milieu ayant encore du mal à laisser derrière lui ses vieux démons, comme quoi un produit fabriqué en Chine est moins qualitatif qu’un produit fabriqué ailleurs. Mais cela est en train de changer, comme on l’a récemment vu avec Aiways et sa U6 qui met en avant le « Made in China« .
Ce fut vrai, il fut un temps, notamment pour certaines industries comme le textile ou encore l’électronique, mais ça l’est de moins en moins. De nombreux constructeurs produisent désormais en Chine pour le marché européen, et les différences en matière de conception ne sautent plus forcément aux yeux.
La fin des produits low-cost en Chine ?
Quand il s’agit en plus d’un produit émanant d’un constructeur chinois, fabriqué en Chine, les préjugés vont bon train. Et même s’ils sont parfois justifiés, force est de constater, comme nous avons pu le faire au dernier Mondial de l’Auto de Paris où les constructeurs chinois étaient présents en nombre, les voitures chinoises n’ont plus grand-chose à envier aux constructeur européens ou américains sur certains aspects.
Produire en Chine, c’est avant tout minimiser les coûts de production, et ainsi maintenir les prix. Mais cet adage est de moins en moins vrai dans le contexte actuel, et cela se vérifie même dans l’industrie automobile où l’on pourrait croire qu’une voiture électrique chinoise s’affiche moins chère que son équivalence européenne, mais dans certains cas, il n’en est rien !
Il y a bien évidemment des contre-exemples, à commencer par la redoutable MG4 que nous avons pu essayer récemment et qui s’affiche en moyenne 40 % moins chère (à partir de 22 990 euros, bonus déduit) qu’une Renault Mégane E-Tech ou qu’une Volkswagen ID.3. On peut s’imaginer que le constructeur chinois rogne ses marges pour venir s’attaquer au marché européen.
Mais il y a aussi et surtout des exemples qui nous montrent que certains constructeurs chinois, en plus de calquer leurs technologies et leur savoir-faire sur les constructeurs européens, s’affichent à des prix sensiblement équivalents.
Des prix semblables à leurs concurrents européens
C’est par exemple le cas du constructeur BYD qui vient d’annoncer les prix de ses trois modèles commercialisés en Europe. En France, l’Atto 3 démarre à partir de 38 000 euros, tandis que la berline et le SUV haut de gamme, respectivement appelés Han et Tang, s’affichent à partir de 72 000 euros. En mettant en parallèle les prix en Chine, la Han est par exemple vendue environ l’équivalent de 27 500 euros de plus en Europe par rapport à son prix affiché en Chine.
Avec ces prix, BYD se place au-dessus du segment des « access premium » (Volkswagen, Peugeot…) et vient jouer des coudes avec les ténors allemands (Audi, Mercedes, BMW), puisque ces prix sont semblables à ceux d’un Audi Q4 très bien équipé ou qu’une BMW i4 M50. La Han s’affiche même au-dessus du prix de la Tesla Model 3 (qui a pourtant vu ses prix largement augmenter ces derniers mois) dans sa version la plus haut de gamme Performance (à partir de 66 490 euros).
Et BYD n’est pas le seul constructeur chinois à afficher ses produits aux mêmes prix que les constructeurs européens. Great Wall Motors a récemment lancé plusieurs produits sur le Vieux Continent, des produits également vendus en Chine.
Ainsi, le Great Wall Wei Pai Mocha PHEV (appelé « Coffee 01 » en Europe) démarre à partir de 55 900 euros, contre l’équivalent de 40 700 euros en Chine. Le Lantu Free, un modèle uniquement vendu en Norvège pour le moment, débute à partir de 719 000 couronnes norvégiennes (environ 67 300 euros hors taxes), contre l’équivalent de 46 000 euros en Chine.
Comment peut-on expliquer une telle différence de prix ?
Lorsqu’une voiture chinoise débarque sur le Vieux Continent, outre le fait que la qualité doit être au niveau des standards du marché, elle doit aussi être importée puisque les constructeurs chinois ne possèdent pas (encore ?) d’usines en Europe. Mais puisque les marques chinoises choisissent d’aller en Europe, pourquoi ne construisent-elles pas simplement des usines sur notre sol, comme Tesla ?
C’est un équilibre à trouver en réalité, et si les ventes progressent, les constructeurs n’auront pas forcément d’autres choix que de rapprocher la production du marché dans lequel ils exportent. Sans oublier que les gouvernements souhaitent désormais privilégier les modèles fabriqués sur leur propre territoire en indexant les aides gouvernementales sur les produits concernés. C’est déjà le cas aux États-Unis depuis peu, et d’après les récentes prises de parole du gouvernement français, cela devrait aussi être le cas dans l’Hexagone à plus ou moins court terme.
Construire une usine est évidemment coûteux, et il faut que le marché garantisse une certaine stabilité avant d’envisager une production sur le marché européen, d’autant plus que les coûts ne sont pas les mêmes. Sans oublier que la législation européenne est complexe, dans tous les sens du terme, et ce n’est certainement pas Tesla qui affirmera le contraire avec sa Gigafactory de Berlin, dont la sortie de terre n’a pas été une mince affaire.
Un chemin semé d’embuches
Pour le moment, les constructeurs chinois exportent par voie maritime leurs modèles pour l’Europe. L’exportation, et la logistique qui va avec, ont évidemment un coût important, un coût qui se répercute directement sur le prix final. Sans compter que l’inflation joue également un rôle important, puisque les coûts d’exportation explosent aussi avec la hausse des prix de l’énergie.
Les voitures chinoises sont également confrontées à certains obstacles politiques. Par exemple, au motif d’un dumping (pratique qui consiste à vendre sur les marchés extérieurs à des prix inférieurs à ceux du marché national, ou même inférieurs au prix de revient), un grand nombre de marchandises chinoises exportées vers l’Europe sont taxées afin d’éviter ce phénomène.
Ces dernières années, des pneus de camion chinois ou encore des vélos électriques ont été concernés par cette taxe. Le protectionnisme local joue alors un rôle important concernant ces prix.
Néanmoins, malgré toutes ces « contraintes », il y a quand même un avantage pour les constructeurs chinois à produire en Chine, puisque les coûts de fabrication sont largement inférieurs par rapport à un même modèle fabriqué en Europe. Par exemple, le Tesla Model Y fabriqué en Allemagne n’a pas été franchement moins cher que le Model Y exporté de Chine vers l’Europe. Il n’y a pas (encore ?) eu de baisse de prix, au contraire.
Pour les constructeurs chinois, se positionner en termes de prix face à des constructeurs européens, c’est aussi une manière de montrer que leurs voitures n’ont pas grand-chose à envier à ce qui se fait aussi en Europe, et qu’elles peuvent aussi s’inscrire comme de vraies alternatives.
C’est aussi un risque à prendre, puisqu’elles peuvent aussi ne pas se vendre sous prétexte qu’un modèle européen équivalent en tout point s’affiche au même prix, et qu’un client européen préfèrera dans la majorité des cas s’orienter vers un modèle plus « local ».
L’Europe, un marché à part
Globalement, le marché européen est compliqué pour les constructeurs venant d’autres continents. Toyota, qui a par exemple la main-mise depuis de nombreuses années en Amérique du Nord, ne possède pas le même aura en Europe, même si ses produits hybrides sont dans le top des ventes.
Honda et Subaru, qui cartonnent aux USA et sur leur marché local, n’arrivent pas à percer en Europe et font face à un marché où l’héritage industriel automobile compte énormément. Le seul coup de force récent vient sans doute de Tesla et de sa Model 3, puisqu’elle fut la voiture électrique la plus vendue sur le Vieux Continent en 2021. Mais elle a dû mettre les bouchées doubles pour cela, en surfant sur les aides gouvernementales pour afficher un prix attractif, tout en profitant de son avance technologique par rapport aux ténors européens.
Les constructeurs chinois auront donc fort à faire en Europe pour arriver à leurs fins, et le premier objectif semble avant tout de mettre un terme à la mauvaise image que peuvent avoir les marques chinoises en Europe. Mais cela prendra sans doute plusieurs décennies. Certains, comme MG, pratiquent des prix bas, d’autres, comme BYD, préfèrent se calquer sur les constructeurs locaux… Qui a raison ? Qui a tort ? Réponse d’ici une bonne dizaine d’années.
Dans tous les cas, les constructeurs chinois vont sans doute adopter la même méthode que les constructeurs japonais il y a plus de 20 ans. Au départ, lorsque les voitures japonaises sont arrivées sur le marché européen, elles ont été confrontées au même problème que les voitures chinoises aujourd’hui. Cependant, les constructeurs japonais sont toujours parvenus à faire la différence, avec l’hybride pour Toyota notamment, ou encore le SUV avec le Qashqai en 2007 pour Nissan, sans oublier les fameuses sportives japonaises, qui ne sont plus forcément d’actualité aujourd’hui, mais qui ont connu un sacré succès en Europe dans les années 90 et 2000.
Des chiffres de ventes déjà intéressants
Selon un rapport de l’ONG Transport & Environnement, les constructeurs chinois représentent déjà 5 % de tous les véhicules électriques vendus depuis le début de l’année en Europe. Tout cela sans avoir pléthore de produits, puisque c’est MG qui propose le plus de voitures électriques pour le moment. Avec l’arrivée de nouveaux constructeurs, ce chiffre pourrait encore augmenter selon l’organisation. Celle-ci estime que les constructeurs chinois pourraient fournir à l’Europe de 9 à 18 % de ses voitures électriques d’ici environ deux ans.
À l’international, les constructeurs chinois vont encore prendre de l’ampleur. Selon GlobalData, d’ici la fin de la décennie, la Chine comptera pour 60 % des livraisons de voitures électriques à travers le monde. La croissance devrait être exponentielle, puisque l’Empire du Milieu devrait compter pour 25 % des ventes de voitures électriques dans le monde d’ici 2025.
Selon une étude de Jato Dynamics, un modèle électrique sur cinq vendu en Europe est déjà assemblé en Chine. Et pourtant, seulement 18 % des modèles électriques commercialisé sur le Vieux Continent sont chinois. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que certains constructeurs européens ont déjà délocalisé leur production en Asie, comme Dacia ou BMW concernant certains modèles par exemple.
Pour aller plus loin
Voitures électriques chinoises : pourquoi leur arrivée massive en Europe pose problème
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