Quand vous lisez qu’une Kia EV6 passe de 10 à 80 % de recharge de batterie en 18 minutes, alors qu’une Tesla Model 3 nécessite 25 à 30 minutes pour la même chose, savez-vous pourquoi ?
Il s’agit là de la tension, ou du voltage en anglais, de la voiture, ce qui détermine un élément clé des automobiles électriques : leur temps de charge. Si la plupart des voitures électriques sont actuellement équipées en 400 volts, comme la Tesla, certains équipementiers comme Vitesco, BorgWagner et GKN (Dirk Kesselgruber, son PDG) prédisent déjà qu’en 2025, la plupart des voitures seront en 800 volts, à l’image des Kia, Hyundai et Porsche électriques.
Et effectivement, face à l’explosion du marché de la voiture zéro émission, de plus en plus de constructeurs sortent de leur manche l’argument de l’architecture à haute tension, comme un miracle répondant au problème de la vitesse de recharge qui fait partie des freins au passage à l’électrique pour beaucoup d’automobilistes.
Est-ce là un véritable avantage du 800 volts par rapport au 400 volts ? Quels sont les avantages et les inconvénients de chacune des deux technologies ? Et surtout, comment cela va-t-il évoluer dans les prochaines années, faut-il opter plus pour l’un que pour l’autre ? Autant de questions auxquelles nous allons répondre dans ce dossier.
La tension d’une voiture électrique, c’est quoi ?
Avant de se pencher en détail sur cette histoire de 400 ou de 800 volts, retour sur les bancs de l’école avec quelques notions indispensables pour comprendre le tout : le volt (V) est l’unité de mesure de la tension électrique. L’ampère (A) désigne lui l’intensité, tandis que le watt (W) exprime la puissance.
Pour obtenir cette puissance, il suffit de multiplier la tension par l’intensité, soit les volts par les ampères. Comprenez donc que V x A = W.
Et évidemment, dès lors que l’on connaît toutes les valeurs de l’équation, on peut aussi bien calculer la puissance, que la tension, que l’intensité.
Et justement en retournant l’équation, on comprend qu’en doublant la tension, donc en passant par exemple de 400 à 800 volts, on peut diminuer par deux l’intensité pour une puissance similaire.
Les mêmes composants, une vitesse de charge bien plus rapide
À quoi ça sert alors de baisser cette intensité ? Tout simplement à faire en sorte que les composants électriques ne chauffent pas trop. Et par extension, éviter les risques d’incendie lors de la charge…
En effet, les composants que sont les câbles sont ici une composante essentielle dans cette option du 800 volts. Pourquoi ? Tout simplement car il est nécessaire d’adapter le diamètre des câbles en fonction de l’intensité. Et pour éviter d’avoir à fournir des câbles plus imposants, et donc plus coûteux, les constructeurs automobiles ont trouvé la solution : augmenter la tension. Car tout en gardant la même puissance, l’ampérage s’en trouve réduit. Vous suivez ?
L’une des raisons pour laquelle le 800 volts permet de charger plus rapidement est que la batterie reçoit plus de puissance du chargeur. Avec du 400 volts, la perte d’énergie est plus importante car le courant est élevé. Ce dernier crée des pertes par résistance dans le conducteur (perte d’énergie). Il n’est donc pas optimal, surtout à des vitesses de charge rapides.
Ce qu’il fait comprendre, c’est qu’une tension plus élevée permet de faire passer plus d’énergie non pas en augmentant la puissance absorbée, mais au contraire en réduisant la résistance dans le câble. Résistance qui pénalise évidemment le flux d’énergie.
Exemple concret : la charge d’une Kia EV6
Le plus simple est encore de prendre un exemple très concret qui permette de mettre en lumière l’avantage que trouvent certains constructeurs à utiliser une architecture à 800 volts. Et pour cela, prenons l’exemple de la Kia EV6 qui est sans doute à l’heure qu’il est, avec sa cousine Hyundai Ioniq 5, le modèle à 800 volts le plus répandu.
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Avec sa batterie de 800 volts, la Kia EV6 s’arrête à une borne Ionity de dernière génération, celle fabriquée par ABB et capable d’une intensité maximale de 500 ampères. La voiture elle, est capable de charger à une vitesse maximale de 233 kW (fiche technique avec batterie de 77,4 kWh). Pour autant, en utilisant la loi d’Ohm, on voit qu’elle pourrait se recharger plus rapidement, jusqu’à 400 kW car :
800 volts x 500 ampères = 400 kW
En revanche, si la Kia EV6 avait embarqué une architecture de batterie de 400 volts, comme c’est le cas d’une majorité de modèles actuellement, elle n’aurait même pas pu atteindre la vitesse maximale de charge annoncée sur la fiche technique :
400 volts x 500 ampères = 200 kW
On comprend que mécaniquement, la vitesse de charge étant plus limitée, le temps passé à la borne sera plus long. D’où l’intérêt d’avoir une architecture en 800 volts (mais aussi une borne qui le permette).
Peut-on brancher une voiture 800 volts sur du 400 volts ?
Comme il existe deux catégories de voitures électriques différentes, on peut légitimement se demander si lorsqu’on roule avec un modèle à 800V, on peut se recharger sur du 400V ? Est-ce que ce n’est pas trop puissant ?
Évidemment, la réponse est oui, le 800V s’adapte au 400V. On imagine bien que si ce n’était pas le cas, les constructeurs automobiles n’auraient pas laissé de telles contraintes pour le client qui, au volant de sa Porsche Taycan par exemple, ne pourrait se recharger que sur les bornes 800V ! En revanche, il y a bien un inconvénient de taille : la charge est plus lente !
En effet, pour qu’une voiture 800V soit compatible avec du 400V, il lui faut être équipée spécifiquement par le constructeur, qu’il s’agisse d’un convertisseur DC/DC ou de la structure même de la batterie et de la manière dont les cellules sont connectées entre elles.
On a pu ainsi pu voir récemment le cas de la toute nouvelle Maserati Gran Turismo Folgore, qui fait partie des modèles à haute tension. Mais si elle peut théoriquement recharger sa batterie de 83 kWh utiles (92,5 kWh bruts) à une vitesse maximale de 270 kW, elle est limitée à 50 kW sur une borne 400 volts… dans les faits, il faudrait sûrement compter environ 1h au lieu d’une vingtaine de minutes sur une borne 800 volts.
Et il en va de même pour la Porsche Taycan qui recharge à 150 kW sur du 400 volts (ce qui ajoute alors 5 minutes de charge de 10 à 80 %), voire même seulement 50 kW pour les modèles vendus dans certaines régions du monde. Certains propriétaires risquent d’être surpris, par exemple en essayant de se recharger sur les Superchargeurs Tesla ouverts à tous, qui sont en 400 volts.
Pour ce qui est des Kia et Hyundai à architecture à haute tension, l’onduleur et le moteur électrique permettent de porter la puissance de 400 à 800 volts et donc limiter grandement les pertes de vitesse de charge. Le média Challenges a ainsi chronométré 26 minutes pour l’exercice du 9 à 80 % sur une borne Total Energies 175 kW (400 volts).
Et charger du 400 volts sur du 800 volts ?
Pour ce qui est du contraire, c’est-à-dire brancher une voiture 400 volts sur une borne 800 volts, il n’y a là encore aucun problème. Et là, ce n’est pas à la voiture de faire la conversion, mais cela se fait au niveau de la borne directement, sans aucune perte de puissance.
Quels sont les avantages du 800 Volts ?
À la lumière de tout ce que l’on vient d’expliquer, les avantages du 800 volts dans les véhicules électriques sont donc faciles à comprendre :
- La recharge est plus rapide : comme expliqué plus haut, la recharge avec un véhicule à haute tension est plus rapide, car elle est capable de gérer le double d’énergie.
- Voyager plus loin : en rechargeant plus vite, on peut effectivement envisager de voyager plus loin en électrique sans les contraintes actuelles et de réduire les différences avec les voitures thermiques
- Possibilité de batteries plus petites : la recharge plus rapide peut conduire à ce que les constructeurs fabriquent des batteries plus petites, à l’image de Renault. À quoi bon avoir une batterie prête pour 1 000 km d’autonomie s’il ne faut que quelques minutes pour en recharger une plus petite ?
- Prix des batteries qui pourrait baisser : si la voiture à haute intensité se recharge plus vite, et qu’elle embarque une batterie plus petite, cela réduit forcément les coûts de production et donc le prix d’achat. Un prix d’autant plus réduit que comme expliqué plus haut, la voiture 800 volts ne nécessite pas de composants fondamentalement différents qu’en 400 volts.
- Se charge rapidement, même sur une borne 400 volts, à condition d’avoir un chargeur embarqué supplémentaire
Quels sont les inconvénients du 800 Volts ?
- Architecture spécifique pour le 800 volts qui peut induire des surcoûts à la production
- On ne peut pas transformer une voiture 400 en 800 volts
- Infrastructures de recharge qui ne peuvent pas toutes tirer partie de la charge plus rapide
- La charge moins rapide en 400 volts : il y a une perte de puissance de charge en branchant une voiture 800 volts sur une borne 400 volts. Une perte qui peut être très importante sur certains modèles non équipés de transformateurs adéquats
Quelles voitures électriques sont à 800 volts ?
À fin 2022, voici les modèles de voitures électriques qui ont été développées avec une architecture 800 volts. Et leur puissance de charge en pic.
Puissance maximale de charge (kW) | Temps de charge de 10 à 80 % | |
---|---|---|
Audi e-tron GT | 270 | 23 minutes de 5 à 80 % |
Porsche Taycan | 270 | 22,5 minutes de 5 à 80 % |
Hyundai Ioniq 5 | 232 | 18 minutes |
Hyundai Ioniq 6 | – | 18 minutes |
Kia EV6 | 239 | 18 minutes |
Lotus Eletre | 350 | 20 minutes |
Lucid Air | 300 | 33 minutes |
Maserati Gran Turismo Folgore | 270 | 100 km en 5 minutes |
GMC Hummer EV | 300 | 42 minutes (de 20 à 80 %) |
Pour préciser les choses, l’Audi e-tron GT et la Porsche Taycan partagent la même plateforme. De même que les Kia EV6, Hyundai Ioniq 5 et Ioniq 6 également (plateforme e-GMP).
Les futurs modèles développés sur la très attendue plateforme PPE de Volkswagen adopteront aussi le 800 volts.
À noter également une exception sur le marché automobile : la berline électrique américaine Lucid Air et ses 883 km d’autonomie, qui adopte sa propre architecture maison à 800 volts.
Tesla travaille quant à lui aussi sur du 800 volts, avec le pick-up électrique Cybertruck qui pourrait intégrer une telle technologie. Son camion électrique, le Tesla Semi, est déjà équipé d’un système 800 volts, avec un pic autour de 1 000 volts. Ce qui lui permet de recharger les près de 1 000 kWh de sa batterie XXL en environ 30 minutes, avec plus de 1 000 kW de puissance, sur les Megachargeurs de la marque.
Quelles sont les bornes compatibles 800 volts ?
Comme expliqué plus haut, pour qu’une voiture électrique dont l’architecture est en 800 volts puisse exploiter son électronique de puissance de manière optimale, il faut également que les infrastructures le lui permettent. Et c’est loin d’être le cas !
Les bornes Ionity les plus récentes, développées par ABB, acceptent ainsi le 800 volts, grâce à une tension comprise entre 150 et 920 V et une intensité qui peut atteindre 500 A. De quoi permettre en théorie une recharge en crête à 350 kW.
Le réseau de Superchargeurs Tesla est quant à lui cantonné au 400 volts. Et si la puissance de charge maximale qui en sort est de 250 kW, c’est grâce à l’intensité qui a été augmentée à plus de 600 ampères par la firme américaine. C’est le seul réseau de recharge en 400 volts qui dépasse les 200 kW.
Certaines Tesla chargent toutefois moins rapidement (170 kW pour les Tesla Model Y Propulsion et Model 3 Propulsion à cause de leur plus petite batterie) et cela sera similaire pour les voitures électriques en 800 volts.
Ainsi une Lucid Air ne pourra évidemment pas atteindre les 300 kW de sa fiche technique, mais ne bénéficiant que de 400 volts, elle sera bridée à 200 kW.
Au-delà de Ionity, Total Energies a également commencé à déployer des bornes 800 volts (300 kW), tout comme Kallista Energy (360 kW) ou encore Fastned (300 kW et bientôt 400 kW). On se rapproche donc doucement des 500 kW des nouvelles bornes du chinois Nio ou des 600 kW du géant Geely. Cette dernière promet de recharger sa voiture de 10 à 80 % en moins de 10 minutes ! A condition d’avoir une batterie compatible, comme la Qilin 3.0 de CATL qu’on va retrouver sur la Zeekr 001 en Europe.
Quel avenir pour le 800 volts ?
La question est de savoir si la technologie à 800 volts va remplacer celle à 400 volts ? Et si certains équipementiers semblent y croire, du côté des infrastructures, ça ne suit pas. Pour le moment en tout cas, car en réalité, on voit beaucoup la date de 2025, année charnière qui, selon certains spécialistes, verra une majorité des véhicules électriques proposer de la haute intensité.
Pour autant, rien n’est moins sûr car du côté des constructeurs, certains ne semblent pas voir dans cette technologie 800 volts le Graal. À l’image de BMW pour qui la technologie 400 volts reste « le meilleur compromis » : l’ingénieur en chef de la BMW iX, Johann Kistler, avait en effet expliqué cette bataille de la haute intensité n’étant pas « une course à celui qui a les plus gros chiffres ».
Si l’on peut aisément envisager des vitesses de charge allant jusqu’à 600 kW dans les prochains mois comme le prouvent les Chinois, les constructeurs ne seront pas les seuls à décider de ce changement ou non vers la technologie 800 volts, car il faut également que les infrastructures de charge suivent
Les opérateurs étant ainsi un élément clé de cette équation future, laquelle doit également prendre en charge de manière plus générale les infrastructures d’énergie de chaque pays. En effet, si l’on veut pouvoir fournir une grande quantité d’énergie à très haute vitesse, encore faut-il que cela ne surcharge pas le réseau public. Et là, c’est une autre histoire encore, car propre à chaque pays et à la manière dont chacun se fournit ou produit son électricité…
Pour aller plus loin
La voiture électrique est-elle un véhicule propre ?
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