Le Dieselgate qui a éclaté aux yeux du monde en 2015 a sans doute été l’élément déclencheur de la transition énergétique sans précédent amorcée au sein de l’industrie automobile. On peut légitimement penser que si ça n’avait pas été le Dieselgate, ça aurait sans doute été autre chose, mais cet évènement a indéniablement fait accélérer les choses.
L’avenir de l’automobile sera électrique, et ce, partout dans le monde, même si la temporalité ne sera évidemment pas la même. En Europe, les constructeurs n’auront plus le droit de vendre des voitures thermiques neuves à partir de 2035.
Autrement dit, à l’échelle de l’industrie automobile, c’est demain. Et ce n’est pas l’exception des carburants de synthèse qui changera la donne, ceux-ci devraient être produits à des volumes bien trop marginaux pour pouvoir satisfaire l’ensemble de la consommation mondiale de pétrole.
En Chine, les temps ont changé
Si l’Europe est le continent le plus avancé en matière d’électrification avec des objectifs très ambitieux, d’autres, comme les États-Unis, sont un peu plus mesurés, même si le gouvernement Biden a mis un grand coup de pied dans la fourmilière avec des subventions records pour les constructeurs qui viendront fabriquer leurs voitures en Amérique et des aides pouvant aller jusqu’à 7 500 dollars pour l’achat d’une voiture électrique neuve.
En Chine, le temps des incitations fiscales est désormais révolu. Et même si l’Empire du Milieu n’a jamais vraiment banni la voiture thermique, le marché s’est « automatiquement » orienté rapidement vers l’électrique. Le contrôle de la Chine en matière de production et de chaînes d’approvisionnement est assez spectaculaire et, effectivement, en cas de difficultés, comme la crise des semi-conducteurs par exemple, nous avons pu rapidement constater qu’ils étaient beaucoup plus flexibles que les constructeurs européens.
Les voitures chinoises ne sont plus celles que nous pouvions connaître à l’époque. Nous ne les avons d’ailleurs pas ou peu connues, puisqu’elles étaient rares à être importées. Disons que cet imaginaire collectif (qui pouvait se justifier cela dit) était plutôt fondé sur des objets ou des accessoires divers et variés de moins bonne qualité, venus de Chine et vendus beaucoup moins cher chez nous.
Aujourd’hui, les voitures chinoises n’ont plus rien à envier à certains constructeurs européens, y compris les plus prestigieux dans certains cas. Même si certains constructeurs chinois comptent proposer des voitures au rapport qualité/prix imbattables pour le marché européen, comme MG avec sa MG4 ou encore, et c’est plus significatif, BYD avec la Dolphin, d’autres modèles sont quasiment au même prix que les voitures proposées de nos constructeurs traditionnels, à l’image des BYD Tang et BYD Han.
N’hésitez pas à consulter notre dossier pour comprendre d’ailleurs pourquoi les voitures chinoises vendues en Europe sont plus chères qu’en Chine.
L’électrique, un secteur sur lequel la Chine travaille depuis longtemps
Mais revenons-en à la question qui nous intéresse : « Pourquoi la domination chinoise en matière de voitures électriques accélère la fin des moteurs thermiques ? ». La réponse est plutôt simple, mais elle sera sans doute plus largement argumentée avec des chiffres.
La domination chinoise dans le secteur de la voiture électrique accélérera la fin du thermique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la Chine est le plus grand marché automobile mondial, avec une demande toujours plus croissante pour l’électrique. Le gouvernement chinois a rapidement mis en place une stratégie visant à promouvoir l’achat d’un véhicule électrique, notamment financières et des réglementations concernant les émissions polluantes.
« Ils ont renoncé à développer des moteurs thermiques » faute de pouvoir rivaliser avec le reste du monde, analyse Elliot Richards, spécialiste des véhicules électriques. « Ils se sont donc dits : avec les véhicules électriques, nous pouvons prendre de l’avance sur tous les autres ».
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À partir des années 2 000, bien avant le Dieselgate donc, les autorités ont injecté beaucoup d’argent dans des subventions et des allègements fiscaux. Ils ont aussi attribué des contrats de transport public à des entreprises de véhicules électriques. « C’est ancré dans la nature du système économique du pays : le gouvernement chinois sait très bien concentrer les ressources sur les industries qu’il veut développer », précise notamment le journaliste Zeyi Yang dans la revue MIT Technology Review.
Et en ce qui concerne l’infrastructure, nous ne nous étendrons pas dessus dans ce dossier, mais précisons que la Chine compte plus de 5,8 millions de bornes de recharge. Selon les chiffres relayés par Bloomberg, la province de Guangdong compte à elle seule environ trois fois plus de bornes que l’ensemble des États-Unis.
Les entreprises chinoises ont devancé tout le monde
En parallèle, les constructeurs chinois ont rapidement pris les devants en anticipant l’arrivée de ces nouvelles règles, mais pas seulement en Chine. Des entreprises comme BYD, Nio, et Geely, jusqu’ici alors inconnues en Europe, sont en train de devenir des acteurs majeurs dans ce secteur, pour ne pas dire qu’ils ne sont déjà.
Les constructeurs chinois ont investi massivement dans la recherche et le développement de nouvelles technologies pour améliorer l’autonomie des batteries ou encore réduire les coûts de production. Le meilleur exemple est peut-être celui de BYD, qui maîtrise sa chaîne d’approvisionnement de A à Z.
Une stratégie que semble vouloir imiter les autres constructeurs, y compris Tesla, le numéro un de la voiture électrique dans le monde, en investissement massivement dans des entreprises d’extraction de matières premières. C’est aussi le cas chez Mercedes.
Les batteries, c’est aussi l’élément central qui a fait que les constructeurs chinois en sont aussi là aujourd’hui. Les principaux fabricants de batteries sont situés surtout en Chine, mais aussi au Japon, en Corée du Sud et aux États-Unis. Les entreprises de l’Union européenne cherchent également à établir une présence dans ce secteur en investissant dans la production de batteries en Europe.
Pour découvrir où sont (et seront) fabriquées les batteries de tels ou tels constructeurs, n’hésitez pas à consulter notre dossier dédié.
Occuper l’espace délaissé par l’Europe
Le dernier Salon de Shanghai a sans doute été aussi le point de bascule pour beaucoup, qui se sont aussi rendu compte de la force de frappe de la Chine aujourd’hui dans le domaine de l’automobile. Quand, en Europe, le Mondial de Paris fait pâle figure (sauvé par les constructeurs asiatiques et notamment chinois) et le Salon de Genève n’existe plus, à Shanghai, c’est l’effervescence.
Ce salon a montré plus que jamais que les marques chinoises pouvaient « rivaliser avec tous les constructeurs automobiles traditionnels à tous les niveaux – performance, qualité, confort, il n’y a rien qu’elles ne puissent faire », souligne Elliot Richards. « Ce salon marque la fin du moteur thermique et le début de l’ère des véhicules électriques ».
Les constructeurs chinois ne se cachent même plus et affichent leurs ambitions : « Nous considérons les véhicules à essence haut de gamme tels que BMW, Mercedes-Benz et Audi comme nos principaux concurrents », relève auprès de l’AFP William Li, PDG de Nio.
Des principaux concurrents mettent plus de temps à développer une vraie gamme électrique. Mercedes compte le plus de modèles, mais les tarifs sont excessifs, tandis que BMW nivèle par le haut et Audi a un train de retard avec les soucis rencontrés par le groupe Volkswagen entre les problèmes logiciels et ceux liés à l’approvisionnement.
Malgré le ralentissement mondial du secteur de l’automobile, les véhicules électriques en Chine représenteront cette année plus de 40% de parts de marché d’après les estimations du patron de Nio. Un niveau que ne devrait pas atteindre l’Europe et les États-Unis avant 2030 d’après un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Si Tesla reste sans doute le modèle à suivre pour de nombreux constructeurs dans le domaine de l’électrique, le modèle des constructeurs chinois est loin d’être négligeable. Aujourd’hui, le marché chinois compte plus de 94 marques qui proposent plus de 300 modèles différents.
Tout ceci est évidemment scruté de près par les concurrents, forcés de se réinventer dans cet environnement hautement compétitif. Et après avoir gagné la bataille sur son propre sol, les marques chinoises lorgnent désormais les marchés étrangers.
À la conquête de nouveaux marchés
BYD, le numéro 2 mondial de la voiture électrique en 2022, commercialise des voitures dans une cinquantaine de pays et s’implante progressivement en Europe. La marque s’est fixée pour objectif d’exporter dans le monde 300 000 véhicules en 2023, contre 50 000 l’an dernier. D’ailleurs, BYD est devenu tout récemment le plus gros constructeur de voitures en Chine, juste devant Volkswagen qui détenait ce titre depuis de nombreuses années.
Autre constructeur : Zeekr, qui appartient au géant Geely (qui détient Volvo, Polestar ou encore Lotus). La marque a annoncé qu’elle commercialiserait en fin d’année ses premiers modèles en Suède et aux Pays-Bas, avant une arrivée progressive dans d’autres pays d’Europe. Ce sont les fameuses voitures avec 1 000 km d’autonomie, la Zeekr 001.
Le PDG de Zeekr en Europe, Spiros Fotinos, estime que « les clients voient beaucoup de technologies de sécurité innovantes, avec des systèmes d’aide à la conduite qui sont vraiment à la pointe du progrès », de quoi aussi sans doute changer l’image de la voiture chinoise dépouillée, parfois même « dangereuse » et peu performante.
Les constructeurs européens peuvent-ils se raccrocher aux wagons ?
Certains pensent que la partie n’est pas encore gagnée et les constructeurs automobiles chinois en Occident devront s’adapter à ce marché, très différent du leur. Car comme les Chinois, les Européens sont aussi très attachés à leurs marques locales, et les mesures protectionnistes qui pourraient bientôt fleurir un peu partout en Europe pourraient aussi rebattre les cartes.
D’autant plus que pendant ce temps-là, les fabricants européens s’affûtent aussi : Volkswagen va proposer une voiture électrique à moins de 20 000 euros très bientôt avec l’ID.1, l’ID.2 sera quant à elle vendue moins de 25 000 euros et remplacera la Polo, tandis que la R5 électrique de Renault devrait devenir un best-seller en France et en Europe d’ici deux à trois ans.
Toujours est-il que tous ces facteurs combinés font que la Chine devient le leader mondial dans le domaine de la voiture électrique, accélérant ainsi de surcroît la fin des moteurs thermiques.
Comme nous l’avons vu récemment dans une nouvelle étude de l’IEA, la part de marché des voitures électriques sera bien plus élevée que nous le pensions dans les années à venir. Le déclin de la voiture essence et diesel a déjà démarré comme le prouvent les récents chiffres de ventes européens.
La prise de conscience générale en matière de lutte contre le changement climatique ne fera que confirmer la fin du thermique pour les véhicules neufs, et avant même 2035 en Europe, l’ombre de la norme Euro 7 plane et pourrait déjà faire un grand ménage parmi les motorisations thermiques.
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