Il y a quelques mois, nous avions découvert la technologie Kyber mise en avant par Jean-Baptiste Kempf, connu comme l’un des créateurs de VLC Media Player. Cette technologie de streaming de jeu vidéo augurait d’un excellent potentiel pour un service de cloud gaming. Ce service a désormais un nom commercial : Playruo.
Un service pour découvrir ses prochains jeux favoris
Avec Playruo, vous n’allez rien payer. Pas d’abonnement, pas de catalogue, pas de jeux à acheter. En effet, il s’agit d’un service que les développeurs et éditeurs de jeux vidéo vont pouvoir s’approprier pour proposer des essais ou des démos de leurs prochains jeux. L’idée est que vous allez pouvoir directement déclencher une démo d’un jeu sans le télécharger ni l’installer, sans avoir à l’acheter sur Steam pour vous faire rembourser en moins de deux heures de jeu.
La startup a pensé à plusieurs cas d’usage de sa technologie. Un streamer pourrait partager un lien direct vers le jeu avec sa communauté pour qu’elle puisse rejoindre une partie en quelques secondes. Puisqu’il s’agit d’une technologie web, la société imagine aussi les éditeurs intégrer un accès aux démos à travers des bannières ou des publicités sur les réseaux sociaux. Plutôt que de se contenter d’un trailer du jeu, vous pourriez ainsi l’essayer en quelques clics.
On pense notamment aux développeurs indépendants qui peinent toujours à faire découvrir leurs jeux au milieu de tous les géants.
C’est le cas du studio français Old Skull Games qui s’est associé avec Playruo pour proposer une démo de leur prochain jeu Cryptical Path. Nous avons pu essayer cette démo à plusieurs reprises, avec plusieurs connexions différentes, et ça marche plutôt bien. Les artefacts de compression liés au streaming sont encore visibles, mais pas au point de gêner l’expérience de jeu. Surtout le jeu est très réactif, avec une latence imperceptible et la démo se déclenche vraiment en quelques secondes.
D’autant qu’il s’agit ici d’un roguelike action qui demandera donc de bons réflexes, mais aussi une latence minimale, ce que le service parvient à proposer.
Comment ça marche techniquement ?
Pour proposer sa solution Playruo (littéralement « se ruer dans le jeu »), la startup utilise la technologie Kyber mise au point par Jean-Baptiste Kempf, qui est l’un des trois fondateurs de la société. Cette technologie est mise à contribution sur des serveurs Amazon AWS et Google Cloud tournants sous Windows, où la firme peut facilement installer les démos et jeux, comme Cryptical Path, des studios à qui ils vendent leur solution.
Les jeux qui tournent sur les serveurs sont donc des versions PC Windows. Un rapide coup d’œil aux réglages graphiques des jeux que nous avons pu essayer nous a permis de voir qu’il s’agissait de machines équipées de puces graphiques Nvidia Tesla T4, l’équivalent dans le monde professionnel d’une carte graphique GeForce RTX 2000. Mais puisque Playruo fait appel à Amazon et Google, la société peut se targuer d’une infrastructure flexible qu’elle peut adapter en fonction du jeu à faire tourner. On imagine que si la société signe un contrat avec un jeu plutôt gourmand comme Cyberpunk 2077, elle passera sur un serveur plus véloce pour l’occasion. C’est tout l’intérêt du cloud.
Ce choix permet aussi d’imaginer Playruo étendre rapidement sa disponibilité. Aujourd’hui, la société veut se concentrer sur la France et l’Europe de l’Ouest. Mais la flexibilité de sa solution devrait lui permettre d’arriver en Asie ou aux États-Unis si un gros éditeur se montre intéressé.
Une startup face aux géants
Playruo est encore une startup à ce stade, développée par 5 personnes et essentiellement chapeautée par d’anciens cadres de Shadow. Le marché du cloud gaming est particulièrement concurrentiel avec des géants comme GeForce Now, Xbox et Amazon Luna.
En faisant un pas de côté en s’adressant avant tout aux développeurs, puis aux joueurs à travers une solution simple et gratuite, Playruo évite la confrontation directe sur un service par abonnement et catalogue. Cependant, la jeune société n’est pas la seule sur ce segment. C’est ce que Google a tenté de lancer sur les cendres de Stadia, et c’est proche de ce que des sociétés comme Gamestream ou Shadow peuvent proposer. Ces derniers ont plutôt orienté, pour le moment, leurs services vers la possibilité d’accompagner des développeurs sur du beta test (QA), des sessions de preview avec la presse, plutôt que sur une solution de publicité et de découverte des jeux aux joueurs directement. Mais ils pourraient à l’avenir faire évoluer leurs services pour intégrer ce que Playruo souhaite offrir aujourd’hui.
L’idée de Playruo est ingénieuse et la réalisation technique prometteuse, mais cela ne garantit pas le succès commercial, surtout sur un marché si complexe que celui du jeu vidéo en 2024. Il faut notamment que Playruo arrive à démontrer que son service, facturé aux éditeurs et développeurs, pourra réellement transformer des publicités en achats ou en wishlist de la part des joueurs qui auront essayé.
Ulrich Rozier, co-fondateur de Frandroid et Humanoid, a fourni des conseils pour le lancement de Playruo. Il n’a pas participé à la rédaction ou la couverture sur Frandroid de Playruo.
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