Nest absorbé par Google : le vrai risque, c’est la perte de l’indépendance

 
Nest quitte la tutelle directe de la maison mère Alphabet pour intégrer Google. De quoi relancer les inquiétudes sur le respect de la vie privée, mais surtout un danger pour l’interopérabilité avec d’autres écosystèmes que celui de Google.

Une fusion qui a du sens… Pour Google !

Nest qui intègre Google, on peut voir ça comme une simple réorganisation interne qui « fait sens » comme on dit. Après tout, Google fait des produits matériels pour la maison connectée, et Nest fait des produits matériels pour la maison connectée, qui utilisent en plus certaines technologies de Google, comme son Assistant. La division matérielle dirigée par Rick Osterloh a le vent en poupe avec le succès des Pixel et de Google Home, le rachat d’une partie de HTC pour 1 milliard de dollars montre une volonté de muscler ces efforts avec des ingénieurs de talent. Et qu’est-ce que Nest ? Une équipe qui inclut d’autres ingénieurs de talent. Le parfait alignement des étoiles.

Sauf que cette réorganisation pose des questions. Surtout à ceux qui avaient déjà fait les gros yeux quand Google, pas encore « Alphabétisée » avait racheté l’entreprise de Tony Fadell, ex d’Apple et créateur de l’iPod. Parce que c’est ça à la base, Nest. Une petite boite créée par un ex VP d’Apple, qui crée un thermostat connecté dont le soin apporté à l’interface en fait un petit chouchou des aficionados de la pomme. Nest fait partie de cette culture-là, à la base, celle du produit soigné, exposé fièrement dans les Apple Store.

Le retour du spectre de Big Brother

Et naturellement, quand Google a annoncé son intention de racheter Nest, ce fut un concert de tous les clichés que l’on associe à la firme de Mountain View, « on va espionner mon thermostat », « je vais avoir de la pub ciblée en fonction de la température de ma maison », « si c’est gratuit, c’est vous le produit » et tout ça. Toutes ces choses qu’on entend comme un vieux disque à chaque fois qu’on parle de Google et qui sont à la fois un peu vraies, et un peu délirantes aussi.

Comme le disent certains commentateurs plus nuancés sur les choses « googliennes », Google, c’est un contrat. Vous lui fournissez des données, et il vous fournit des informations et des services pertinents à partir de ces données. Depuis que Nest fait des caméras, il est vrai que la perspective d’avoir une maison contrôlée par Mountain View a de quoi faire flipper les utilisateurs non avertis, mais on peut au moins accorder le bénéfice du doute à Google. Ils ont certes accès à énormément de données, mais ils n’en ont jamais vraiment fait un usage malveillant.

Choisis ton écosystème

Le problème, c’est que les utilisateurs qui ont fait confiance à Nest n’ont pas signé ce contrat-là. Et comme le rappelle Gizmodo, au moment du rachat, l’entreprise de Tony Fadell avait fait tout son possible pour rassurer ses clients, leur affirmer que leurs conditions d’utilisation les protégeaient de toute utilisation abusive de leurs données, que Nest privilégiait avant tout sa relation avec ses premiers clients, et surtout que l’entreprise restait une entité indépendante.

Même après la réorganisation sous le chapeau d’Alphabet, Nest et Google demeuraient distincts. On peut trouver ça incohérent du point de vue des synergies de l’entreprise, mais cela garantissait au moins une indépendance et une neutralité qui faisait que les produits Nest, par exemple, étaient « agnostiques », fonctionnant aussi bien avec les écosystèmes Apple, Amazon et Google.

Et là, Nest se montre beaucoup plus flou, assurant que « l’annonce ne change rien » sans exclure d’opérer des changements à l’avenir, bien entendu toujours dans l’intérêt du consommateur. Mais surtout, Rick Osterloh renvoie la balle à Amazon, en mode « à vous de faire les bons choix ». Une nouvelle preuve d’une évolution inquiétante où les acteurs vraiment indépendants, qui n’ont pas des billes dans un ou plusieurs domaines concurrents d’un autre, sont de plus en plus rares.

Alors peut être que rien ne changera. Mais peut-être que si. Quand un service fermera, quand une compatibilité sera rompue, quand les conditions d’utilisation changeront légèrement. Ou quand un concurrent aura décidé qu’il n’est plus dans son intérêt de fonctionner avec les solutions des autres. Ça n’est pas comme si Apple venait de sortir une enceinte connectée qui n’a absolument aucune utilité si on n’est pas abonné à Apple Music ou que l’on ne dispose pas d’appareils compatibles Airplay. On va de plus en plus dans cette direction, « choisis ton camp et ton écosystème ». Ça peut certes être très pratique et bien intégré. Mais pas sûr qu’on y gagne au final.


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