[Article initialement publié le 12 décembre 2021 et mis à jour avec l’ouverture de l’expérience au grand public à Paris]
Voyager s’avère actuellement bien plus compliqué qu’avant. Pouvoir se rendre à l’autre bout de la planète pour assister à un événement exceptionnel se fait plutôt dans les têtes que dans la réalité. Alors, le mieux est de faire venir l’exceptionnel à soi.
C’est ce qu’ont bien compris le spécialiste de l’audio Devialet et le groupe aérospatial ArianeGroup. Les deux géants français de leur secteur ont noué un partenariat inattendu, mais pas forcément dénué de sens, lors de l’Exposition universelle de Dubaï afin de faire vivre une expérience sonore forte aux visiteurs : le décollage de la fusée Ariane depuis le Centre spatial de Kourou.
Ce n’est évidemment pas la fusée qui a été transportée jusque dans les Émirats arabes unis, mais le bruit de son décollage capté le plus fidèlement possible par les experts acoustiques de Devialet et diffusé aux curieux par le biais d’enceintes Phantom I. Pas besoin d’aller en Guyane ou à Dubaï, vous pouvez désormais vivre l’expérience depuis Paris.
Deux savoir-faire français pour une première mondiale
Avec Devialet et ArianeGroup dans la même aventure, on sait que quelque chose d’inhabituel se trame, mais de follement technologique. Un fabricant d’enceintes d’un côté et le développeur des lanceurs des fusées Ariane, on s’attend à apprendre que le premier a équipé une station spatiale ou au moins la fusée Ariane de ses produits. Il n’en est rien. C’est pourtant bien l’expertise audio du premier qui a servi à mettre en avant le savoir-faire technologique du second.
C’est donc dans un hôtel particulier du Marais que nous sommes conviés pour célébrer l’union. Dès l’entrée, une reproduction d’Ariane 5 nous accueille, comme pour annoncer la couleur : nous allons être « envoyés » en Guyane pour assister au décollage. « On veut vous faire vivre et ressentir la puissance d’un décollage, comme si vous étiez en Guyane, à quelques kilomètres du pas de tir », nous explique-t-on côté ArianeGroup. Tout cela paraît bien ambitieux en étant à des milliers de kilomètres…
Comme si vous étiez sur place
Et pourtant, c’est bien ce que c’est attelé à faire Devialet. En août 2019, un ingénieur de l’entreprise a pris la direction du territoire français d’Amérique du Sud pour enregistrer in situ le bruit du décollage du 249e vol de la fusée française. Un bruit considéré comme « le plus puissant créé par l’homme », de quoi mettre les oreilles et les appareils en effervescence pour le capter parfaitement.
Évidemment, tout cela ne se fera pas sous la fusée, à proximité des réacteurs. L’idée est davantage de rendre compte de ce que les observateurs et tous ceux qui peuvent s’y rendre vivent depuis les zones autorisées à proximité de la base de lancement, soit à quelques kilomètres de la fusée elle-même. De capter le son émis par la fusée depuis son départ pour l’espace et dans le ciel tel qu’il est perçu sur Terre.
L’expert présent a ainsi utilisé un micro 3D capable de capter le son dans toutes les directions sur 4 canaux au format ambisonique. Cela va ensuite permettre de recréer le mouvement de la fusée décollant du sol, avec la notion d’élévation sur un système 3D. Deux micros en mode stéréo ont également capté le son tel que nos oreilles le feraient. Enfin, un micro canon ultra directif s’est focalisé uniquement sur la fusée pour suivre le son précis qu’elle émet.
Tout cela a permis de distinguer quatre temps « sonores » dans le décollage de la fusée Ariane 5 (lancement, voyage, climax, espace), auxquels ont été ajoutées deux autres parties correspondant à l’attente des spectateurs dans la jungle (avec les bruits ambiants) et le décompte avant décollage.
Et le rendu se fait ensuite dans une cabine immersive à 360°, conçue par les ingénieurs d’ArianeGroup et de Devialet. C’est là que les 8 enceintes Phantom I, placées à deux hauteurs aux quatre coins, vont restituer la pleine puissance du décollage.
Une expérience sonore, visuelle… et physique
Au moment où nous pénétrons d’ailleurs dans la cabine plongée dans le noir, rien ne laisse présager de ce qu’il va nous arriver. Notre « point d’observation du décollage » est en fait un cube avec une animation visuelle de tous les côtés qui ne reproduit pas fidèlement les paysages, mais une sorte d’animation sous forme d’ondes sonores se déplaçant. Les premiers bruits diffusés par les massives enceintes sont ceux de la jungle, les sons des oiseaux, des arbres. C’est assez perturbant d’entendre sans voir, cependant, rapidement, on « s’y croit », notamment quand le décompte commence.
Puis, la fusée décolle et le son remplit toute la pièce de sa puissance. Rien qui ne « casse les oreilles », mais une étrange sensation de force qui est aussi physiquement là. Le corps ressent la puissance de l’onde sonore du décollage et va crescendo avant de se stabiliser dans son ressenti. Le son de la vidéo ne rendra peut-être pas grâce au travail réalisé par les équipes de Devialet dans la restitution et il est évidemment moindre que ce que nous avons réellement ressenti sur le moment, la sortie de l’atmosphère laisse aussi un bruit différent qui parvient à nos oreilles.
Les deux partenaires n’ont pas surjoué le décollage. Pas de plancher qui tremble pour avoir la sensation sans doute réellement physique du décollage. Tout se passe au niveau de nos écoutilles et de la puissance sonore qui remplit notre corps d’une étrange sensation. Et dire que c’est ce que ressentent les personnes présentes à des kilomètres du pas de tir ! C’est clairement déjà impressionnant sans avoir l’image.
Quand l’un cherche à minimiser le bruit que l’autre veut magnifier
Les deux acteurs sont à leur façon des experts de l’acoustique. Chez Devialet, les ingénieurs s’attachent à reproduire fidèlement un son à tous niveaux, à résoudre les problèmes de pression acoustique, de densité sonore avec un maximum de détails et de sensations provoquées, aussi bien aux oreilles que dans le ressenti physique. Des atouts forcément au moment de concevoir l’expérience.
« Il est vrai que c’est une situation assez paradoxale quand on y pense », nous confie Hervé Gilibert, directeur technique et innovation d’ArianeGroup. « Notre but à nous, c’est de restreindre au maximum l’onde sonore pour ne pas qu’elle se propage le long de la fusée et endommage les satellites au moment du décollage ». C’est pour cela que la fusée est arrosée avant son lancement pour « casser l’onde générée » par la mise à feu du moteur et des boosters latéraux. Ici, le seul arrosage que nous avons subi fut sonore pour nos oreilles et on s’en souviendra.
L’expérience est disponible gratuitement à compter de ce mercredi 26 janvier à La Samaritaine, le grand magasin parisien, et jusqu’au 14 février. Elle sera également présentée aux visiteurs lors du prochain salon Vivatech à Paris (15-18 juin 2022).
Frandroid à deux doigts de découvrir les basses fréquences, c'est beau.
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