Le 2 avril prochain 2023, un vote plutôt inhabituel est ouvert aux Parisiens et Parisiennes pour choisir l’avenir d’une des formes de mobilité e la capitale. La Mairie de Paris a en effet choisi de mettre en place une votation citoyenne pour interdire ou non les trottinettes en libre-service. Car ces engins font débat dans l’espace public.
D’une part, certains adorent les trottinettes électriques, car cela permet de louer une mobilité individuelle à toute heure, de manière pratique, économe et plus écologique qu’une voiture. De l’autre, de nombreux problèmes viennent entraver leur acceptation : mauvaise conduite, stationnement sauvage, etc. Pas encore mature, la trottinette en libre-service peut néanmoins être améliorée grâce à de nombreuses solutions.
Des technologies empêchant les mauvaises pratiques
Si les trottinettes en libre-service sont détestées par de nombreux Parisiens, c’est en raison de leur utilisation. Et précisément de leur mauvaise utilisation. Il ne faut pas rouler très longtemps pour apercevoir des usagers sur les trottoirs, slalomer entre les piétons, ou encore à deux, des pratiques totalement interdites.
Pour les éviter, les autorités peuvent contrôler, mais ne peuvent être partout. Toutefois, les opérateurs disposent de technologies entre leurs mains. En juillet 2022, Lime, un des trois services présents à Paris, a présenté un système antitrottoirs. Les trottinettes en libre-service peuvent alors détecter les trottoirs dans 99 % des cas, nous a précisé l’entreprise. Or, ceci n’est encore qu’au stade de programme pilote. Dommage, car pour l’avoir essayé, c’est franchement fonctionnel : il force les engins à décélérer jusqu’à 10 km/h en quelques secondes.
Autre technologie exposée par Lime : le système anti-conduite à deux. Présentée sous le nom de « Single Rider Detection System », cette technologie a été présentée aussi à Paris. Preuve que la volonté est là pour redorer ce type de mobilité et apaiser les esprits dans la capitale. En 30 secondes, les différents capteurs analysent pression, poids ou angle pour détecter la présence d’un passager en trop, et bloquer la trottinette en libre-service. Bémol, le système n’arrivera pas avant plusieurs mois, et Lime veut raccourcir le temps de réponse. Le concurrent Tier promet lui la même chose début 2024.
Enfin, les opérateurs n’ont pas encore prévu d’exclure certains utilisateurs des plateformes de trottinettes en libre-service. En cas de mauvais usages répétés comme rouler sur un trottoir ou à deux, les applications pourraient suspendre systématiquement le compte de l’usager, et non pas au cas par cas. Cela faisait partie des 11 propositions de Lime, Dott et Tier de novembre 2022, mais non appliquée aujourd’hui.
Une meilleure infrastructure cyclable pour faciliter l’usage des trottinettes en libre-service
Paris est une gigantesque toile de 6 000 rues, avenues ou boulevards et près de 1 600 km à gérer. La municipalité a débuté par des voies de bus ouvertes aux cyclistes, puis de vrais aménagements cyclables, progressant de 200 km en 2001 à 1 094 km en 2021 grâce au plan vélo de 2015-2021. Et l’objectif ultime du suivant (2021-2026) est de rendre Paris 100 % cyclable, et donc accessible aux trottinettes en libre-service. En pratique, c’est imparfait.
Car quand on parle de cyclable ou « trottinable », on inclut pistes séparées, bidirectionnelles, voies ou bandes cyclables. Certaines sont même provisoires, discontinues, sur les trottoirs, et donc parfois dangereuses à trottinette. Paris manque cruellement de pistes cyclables séparées des autres voies de circulation, là où l’usage de la trottinette en libre-service serait le plus harmonieux.
Car c’est en offrant de larges voies que l’on pourrait empêcher les derniers utilisateurs d’emprunter les trottoirs, un choix de sécurité pour eux (mais pas pour les piétons), ou de zigzaguer entre les voitures. Barcelone pourrait servir de modèle. La capitale catalane possède un excellent réseau cyclable, encore perfectible, mais avec des voies larges, souvent séparées, voire colorées pour être visibles des automobilistes.
Autres solutions, les vélorues, les rues cyclables (où le trottinettiste peut rouler au milieu de la voie), ou un aménagement clairement prioritaire pour la mobilité douce. Paris a déjà transformé la rue de Rivoli pour la rendre facile pour les trottinettes en libre-service et vélos, et pourrait déployer ce type de voie sur d’autres axes stratégiques.
Forcer ou inciter l’utilisation du casque à trottinette
Le plus grand risque de l’utilisateur de trottinette en libre-service est la blessure à la tête. Le nombre de blessés augmente fortement à Paris, en adéquation avec leur usage, car on observe sans peine que le port du casque n’est pas encore une habitude. Rappel : le casque n’est pas obligatoire pour rouler à trottinette électrique en France, comme pour n’importe quel autre EDPM (Engin de Déplacement Personnel Motorisé), contrairement à l’Espagne par exemple.
Les opérateurs ont aussi de quoi améliorer les choses. Système existant déjà, les applications peuvent forcer l’utilisateur à se prendre en photo avec un casque porté. Par exemple, Dott a mis en place le principe du « selfie casqué » à Lyon, mais avec une incitation financière, en réduisant le prix du trajet.
Enfin, faut-il pouvoir avoir accès à un casque. Un utilisateur très ponctuel ou un touriste n’a pas intérêt à dépenser plusieurs dizaines d’euros pour quelques trajets. Des opérateurs pourraient ainsi inclure un casque à leurs trottinettes en libre-service. Paris pourrait s’inspirer de Tel-Aviv (Israël), où les engins intègrent un casque sécurisé, en plus d’une réduction du prix s’il est porté.
Plus de stationnements pour trottinettes en libre-service
En 2018 à l’arrivée des premiers opérateurs, Paris vivait dans une anarchie à cause des trottinettes en libre-service. Elles étaient partout : trottoirs, chaussées, pistes cyclables, parcs, voire dans la Seine ou le canal Saint-Martin… En cinq ans, les efforts ont été considérables, puisque la ville a mis en place 2 500 emplacements de stationnement réservés. Rien à redire, donc ?
Non, car selon les opérateurs réunis en novembre 2022 pour défendre leur service, Paris ne possédait que 0,87 place par trottinette. Insuffisant et donc une galère pour les utilisateurs de trouver où garer son engin. Là aussi, Tel-Aviv se distingue par ses nombreux emplacements, pour éviter de tourner en rond. Certains utilisateurs frustrés sont en effet tentés de laisser leur trottinette au point d’arrivée en absence de parking proche ou de place libre.
Autre frein, car peintes au sol, ces zones ne sont pas forcément repérables au premier coup d’œil. Les opérateurs pourraient déployer à Paris des stations avec une couleur voyante de loin. C’est ce que l’on voit chez Voi, à Copenhague (Danemark) ainsi qu’à Stuttgart (Allemagne), où l’on remarque immédiatement la couleur rouge/rose. De plus, ces stations sécurisent les trottinettes en libre-service, en les bloquant dans des racks. Impossible donc de voler les engins ou les faire tomber en domino.
Autre technologie possible, Pony a développé le stationnement obligatoire via photo, comme à Poitiers. Et oui, pour pouvoir terminer sa course en trottinette en libre-service, l’opérateur force à prendre en photo l’engin garé sur l’un des emplacements réservés. Sinon, le trajet continue et l’utilisateur continue de payer (jusqu’à 10 euros maximum).
En clair, les opérateurs et la Ville de Paris ont de quoi encore améliorer l’utilisation des trottinettes en libre-service. Toute nouvelle mobilité interroge, amène au débat, mais peut offrir une vraie alternative. La voiture est passée par-là à ses débuts, et la trottinette doit encore faire ses marques avant de devenir une mobilité comme une autre. Piochons donc les bonnes idées partout où on le peut pour créer l’harmonie avec les autres véhicules et piétons.
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