Pourquoi Jean-Luc Mélenchon se trompe sur Microsoft

 
La panne mondiale qui touche les systèmes informatiques a fait réagir le monde politique, en particulier au sein du Nouveau Front Populaire.
Source : Frandroid

L’énorme panne informatique doit nous interroger sur le rapport de notre société aux nouvelles technologies. Dans la nuit du 18 au 19 juillet, un problème avec la solution de sécurité CrowdStrike a mis a mal de nombreuses machines sous Windows dans le monde. Résultat : une panne gigantesque qui a mis à genoux des aéroports, des restaurants, des banques, des hôpitaux ou même le comité d’organisation des JO de Paris 2024.

Avec un fait d’actualité aussi important, il est naturel pour les responsables politiques de s’emparer du sujet. Ce fut notamment le cas d’Aurélie Trouvé, députée NFP-LFI de Seine-Saint-Denis et de Jean-Luc Mélenchon.

Pour aller plus loin
Crowdstrike : comment une mise à jour a provoqué l’une des plus grosses pannes informatiques de l’histoire

Microsoft et la Défense française pointées du doigt

Dans un tweet publié le 19 juillet autour de midi, Jean-Luc Mélenchon fait le lien entre la panne des machines Microsoft Windows et le contrat qui associe le ministère de la Défense avec le géant américain. Pour l’ancien candidat à l’élection présidentielle pour la France Insoumise, il s’agit d’une nouvelle preuve qu’il faut poser la question de l’indépendance technologique de la France.

Le ministre démissionnaire des Armées, suite aux élections législatives anticipées de juin 2024 en France, Sébastien Lecornu a réagi à son tour sur Twitter pour clarifier la situation. Il explique que le ministère des Armées « n’a pas été impacté par cette panne ».

En effet, « toute mise à jour est déployée en temps différé, après analyse par nos experts de la pertinence de son déploiement ».

Dans la foulée, le ministère s’est aussi fendu d’un communiqué officiel.

La mise à jour automatique de l’antivirus CrowdStrike est à l’origine de la panne informatique affectant depuis le 19 juillet des ordinateurs équipés du système d’exploitation Windows. Or, le ministère des Armées n’utilise pas la solution CrowdStrike pour ses réseaux. Il n’est donc pas affecté par cette panne. Pour des raisons de sécurité, les réseaux de travail quotidien du ministère des Armées ne sont pas directement connectés à Internet, quelles que soient les technologies utilisées. Les mises à jour ne s’effectuent pas automatiquement. Elles font l’objet d’une analyse préalable, dans le but d’éviter tout incident de ce type. Un suivi attentif des effets de la panne est assuré par le ministère, en lien étroit avec les autres services de l’État, dont l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

Attention toutefois, cela ne suffit pas à esquiver le sujet posé par Jean-Luc Mélenchon. En effet, si l’on peut se réjouir que cette panne précisément n’a pas touché nos services informatiques grâce au travail méticuleux des agents du ministère, la question de l’indépendance technologique reste une question pertinente.

Là où Jean-Luc Mélenchon se trompe aussi de cible, c’est quand il pointe du doigt Microsoft alors que le responsable de la panne est plus précisément CrowdStrike, une société indépendante du géant américain. Pour aller dans le sens du responsable politique, c’est le système d’exploitation Windows qui est suffisamment ouvert aux solutions tierces pour permettre à CrowdStrike d’intégrer une mise à jour capable de faire planter le système en boucle.

Aurélie Trouvé pointe aussi Microsoft du doigt

Même son de cloche chez Aurélie Trouvé pour qui cette panne est « le résultat d’un monopole abusif d’une multinationale américaine, qui a la main sur nos vies quotidiennes ».

Dans cet extrait, Aurélie Trouvé estime que Microsoft est accusée depuis longtemps d’être en situation de monopole sur « l’ensemble du système informatique mondial ». Aurélie Trouvé estime également que Microsoft entrave la concurrence en faisant « tout pour couler ses concurrents… je pense à Firefox, je pense à Safari ».

Tout cela donne l’impression qu’Aurélie Trouvé n’a pas suivi les évolutions du marché informatique ces 20 dernières années. Microsoft a en effet, été condamnée pour cela au début des années 2000. Si la firme garde une force très importante aujourd’hui, et que l’on peut raisonnablement juger trop importante, la firme n’est plus le géant incontesté qu’il était en 2004. D’autres géants comme Apple et Google sont bien plus connus et utilisés du grand public et leurs écosystèmes rivalisent ou dépassent celui de Microsoft, depuis l’avènement du web et du smartphone.

Si Microsoft garde une place importante sur PC, Apple et Google l’ont rattrapé grâce au smartphone

 

D’ailleurs, quand Aurélie Trouvé parle de Firefox et Safari comme des concurrents de Microsoft, elle pense au marché des navigateurs web longtemps détenu par Internet Explorer de Microsoft. Aujourd’hui pourtant, Microsoft Edge ne représente plus que 5 % du marché, très loin derrière Google Chrome (65 %) et Apple Safari (18 %).

Un sujet important

La régulation des géants de la tech est un sujet de plus en plus important dans le monde. Même les États-Unis enquêtent pour davantage réglementer le marché de la tech. En Europe, l’adoption du RGPD puis du DMA a fait beaucoup de bruit et a provoqué des changements notables pour les utilisateurs.

Le sujet est donc à la fois pertinent et important. Une panne massive comme celle du 19 juillet permet de remettre ce sujet sur la table. Encore faut-il le faire correctement avec des exemples et des arguments pertinents. Évoquer Microsoft avec un prisme datant du début des années 2000, c’est prendre le risque d’évoquer Safari comme une victime de la firme de Redmond alors que le navigateur est aujourd’hui trois fois plus populaire et qu’Apple est jugé beaucoup plus hégémonique sur son écosystème.

Reste la question de l’indépendance et de la souveraineté technologique. La crise du Covid a permis de réaliser à quel point l’Occident était dépendant de la production de puce en Asie, au point de lancer des projets d’usine en Amérique du Nord et en Europe. Il s’agit de projets à long terme dont il faut s’emparer dès maintenant. Peut-être que la panne de CrowdStrike pourra aussi faire avancer ces réflexions.

Quoi qu’il en soit, on ne peut pas imaginer débrancher les systèmes de Microsoft ou des géants de la tech du jour au lendemain. La création d’alternatives, si elle est possible, demandera une grande volonté politique et de nombreuses années.


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