DJI sur le rallye WRC : dans les coulisses d’un partenariat

 
Vous êtes-vous déjà demandé comment étaient filmées les images sur un évènement sportif ? Découvrez-le dans notre reportage au cœur du rallye WRC de Corse.

Depuis ces cinq dernières années, l’utilisation des drones a explosé dans l’audiovisuel. Là où avant on utilisait bien souvent un hélicoptère avec un cadreur à bord, désormais ce dispositif est remplacé par un simple drone avec un ou deux opérateurs (un pour le pilotage et l’autre pour le cadrage).

Plusieurs raisons à cela : tout d’abord, bien évidemment, le coût. Le taux horaire d’un hélico n’est pas le même que celui du drone, et au niveau pratique, la procédure et les moyens pour tourner un plan avec un hélico ne sont pas les plus pratiques en terme de flexibilité.

Le drone, l’outil devenu indispensable dans la production vidéo

Petit à petit les drones ont fait leur nid dans le monde de l’audiovisuel et ont su faire de leur présence un service presque incontournable dans les productions en extérieur. Si parfois il y en a un peu trop, à mon goût, comme dans certaines émissions de voyage et de découverte, il y a des domaines où le drone commence seulement à faire sa place. Aujourd’hui nous allons nous intéresser à l’un d’entre eux : le sport automobile et plus précisément le WRC.

Pourquoi une arrivée si tardive ? C’est tout simple : qui dit sport, dit public, et qui dit public + drone, dit réglementation et sécurité. La nature a horreur du vide, l’administration aussi et vous allez découvrir dans cet article que, même si le dispositif reste au final plus léger que celui avec hélicoptère, il  reste néanmoins un exercice où la rigueur et le professionnalisme sont à la hauteur du niveau des pilotes filmés.

Pour cette aventure dans les coulisses d’un tournage sur une course du WRC, nous nous rendons en Corse, dans l’arrière-pays bastiais. En 2016 le fabricant de drones DJI signait un partenariat avec le WRC et s’engageait sur  la réalisation des plans aériens de basse altitude. La dynamique et la vélocité des drones sont les composantes idéales pour retranscrire la vitesse et l’énergie que l’on ressent au passage des voitures de course.

Bien souvent quand on filme de loin un objet en mouvement, l’image “écrase” la vitesse et le ressenti devient vite insipide et le plan perd tout son intérêt, la dextérité du pilote se trouvant ainsi bien dépréciée. C’est en cela qu’à mon sens le drone est un très bon, peut être LE meilleur composant dans ce type de dispositif.

Règle numéro un : La sécurité du public et des pilotes

Le drone est bien plus petit qu’un hélicoptère, peut voler à quelques mètres de ce qu’il filme et avec sa vélocité, il peut accompagner des actions rapides de l’entrée à la sortie du plan.

La journée du shakedown est une journée où les pilotes vont pouvoir affiner les réglages et la mise au point de leurs véhicules avant la première session chronométrée.

Pour les pilotes de drones, c’est aussi leur journée shakedown dans une autre mesure bien sûr. Après avoir passé des mois à construire les dossiers, après de multiples réunions, voilà le jour J où ils vont pouvoir faire les premières images. Pour se rendre sur la zone de vol choisie, on part pour une bonne demi-heure de marche dans le maquis corse.

Sac à dos, valises et autres mallettes, tout le matériel pour la journée est ainsi amené sur site, car la route étant bien évidemment fermée à la circulation, il n’y a pas d’autre alternative. Ce chemin je vais le faire avec Jordi Monserrat, pilote pour DJI, qui a aussi été le “pilote” du projet et rédacteur des dossiers de demande d’autorisations de vol. L’occasion parfaite pour en savoir un peu plus sur la mécanique interne d’un tel dispositif.

Il n’en est pas à son premier coup d’essai le monsieur, c’est déjà lui qui avait chapeauté les épreuves du WRC en Espagne, Portugal, sur le Monté Carlo et aujourd’hui sur l’étape en Corse.

Par quoi commence-t-on lorsque l’on s’engage sur un tel projet ? Eh bien tout simplement en se renseignant sur la réglementation du pays, étape incontournable dans le processus. Cette étape elle va ainsi nous informer sur les modalités des pratiques de vol.

La Corse c’est la France et DJI est une entreprise étrangère. De ce fait, ils se doivent de faire des demandes d’autorisations spécifiques. Celles-ci sont exceptionnelles et seul un nombre restreint peut être délivré dans l’année. Même si ce quota n’est pas défini,  l’obtention de ces demandes n’est pas automatique et reste, comme je vous l’ai dit, exceptionnelle. Pourquoi cela ? Si l’entreprise étrangère réalise la majeure partie de son activité sur le sol français, elle n’est plus réellement étrangère au territoire et celle-ci a donc une obligation de se mettre aux normes du pays.

Une fois que la réglementation est bien cadrée, l’étape suivante est de se rapprocher de l’organisation du WRC, pour définir les points intéressants de tournage, et ce sur toutes les étapes du rallye.

Idéalement, une trentaine de positions GPS vont être définies (entre 4 & 8 positions par jour). Ces positions seront choisies par rapport à des critères visuels, que ce soit pour les panoramas qu’elles peuvent dégager vu d’un drone, ou alors pour des critères de dynamisme qui valorisent les machines et les pilotes.

Le Drone, un complément de l’hélicoptère, pas son remplaçant !

Ces décisions de choix des lieux de tournages devront être en adéquation avec les réglementations en tenant compte qu’il y aura du public et des hélicoptères présents sur zone. Ceux-ci sont encore indispensables, car ils permettent d’embarquer des caméras avec des zooms très puissants et peuvent suivre la course pendant plusieurs heures, ce que les drones ne savent pas encore faire… mais ça viendra.

Le critère premier dans le choix du lieu sera le potentiel de fournir la plus belle image, sans rogner sur les autres plans.

En effet le drone, n’est pas tout seul sur les bords de route, il y a aussi ce que l’on appelle des “caméras épaule”, qui sont des cadreurs à pieds, qui filment les passages du bord de route. Ces gens-là ne veulent pas voir de drone sur leurs images et cela se comprend. Dernier rentré sur ces dispositifs, le drone est une caméra de plus et son intégration doit se faire de la manière la plus transparente pour les autres équipes déjà au sol, et l’exercice n’est pas si simple, croyez-moi.

On récapitule le dispositif :

Au sol des cadreurs avec des caméras épaule, des pilotes de drones avec un plafond de vol limité à 50 m et, au-dessus, des hélicos avec des caméras (embarquées et stabilisées avec zooms puissants) pour pouvoir cadrer au plus près les véhicules ou de proposer des vues plus larges pour planter le décor, quand le paysage le permet (vol à une altitude proche de 100 m). Ça en fait du monde !

Pour les zones de vols réservées aux drones, la taille demandée dans le dossier est relativement petite. Les drones parcourent une distance moyenne de 100 m maximum avec une hauteur de vol à 50 m au maximum. Pourquoi ? Tout simplement parce que le drone n’étant pas doté d’un zoom très puissant, on perd vite en détail lorsque l’on s’éloigne du sujet que l’on filme.

Une fois ces positions validées par le WRC et par DJI, on passe à la deuxième étape du processus : la demande d’autorisation spécifique pour opérateur étranger en fonction du scénario réglementaire utilisé ; dans notre cas on sera en S1.

Petite subtilité, pendant le championnat du monde des rallyes, une Zone de vol Réglementée et Temporaire (ZRT) est créée, afin d’éviter d’avoir du trafic aérien civil au-dessus des zones de courses, pouvant ainsi porter atteinte à la sécurité globale.

Comme cela les pilotes d’hélicoptères peuvent manœuvrer à leur guise sans se soucier d’autres avions ou hélicos étrangers à l’organisation, et ce n’est pas moins de 6 ZRT qui sont en fait créées pour cet événement sportif.

La sécurité avant tout

Une exception à prendre en compte, et pas des moindres : l’un des hélicos possède un passe-droit, celui de la sécurité civile, Dragon 2A. Si pour des besoins d’assistances à la personne, celui-ci doit traverser les ZRT, alors une seule consigne : tout le monde au sol au plus vite pour ne pas interférer sur la mission de secours.

« Évidemment ! » vous allez me dire, je suis d’accord, mais la complexité c’est qu’il faudra aussi anticiper des zones de dégagement si le cas se présente. Si vous pensiez que pour tourner des images de drones, l’allumer et décoller suffisait, les choses sont bien plus complexes que cela sur le terrain, la sécurité est la règle numéro un, à chaque instant.

Pas le droit à l’erreur ou à l’approximation, il n’y a pas de deuxième chance possible

Les démarchent commencent 6 mois avant la date de l’événement lors de discussions, puis 3 mois avant le jour J, commence la rédaction des documents. Une fois les documents rédigés, le dossier doit être déposé au moins 30 jours avant le début de la compétition. Comme il n’y a pas de relecture possible, le dossier déposé doit être complet, carré et ficelé ; pas le droit à l’erreur ou à l’approximation, il n’y a pas de deuxième chance possible.

Les dossiers sont réalisés en collaboration avec la FFSA (Fédération Française du Sport Automobile) qui elle-même est en relation avec les autorités de tutelle de l’espace aérien (DGAC DSAC). Dans le protocole, il est stipulé que les opérateurs drones ont une radio VHF type aéro pour être en relation directe avec la tour de contrôle de Bastia en cas de besoin.

La partition doit être lue, sue, et jouée parfaitement

Une fois que tous les dossiers sont posés et acceptés, vient une nouvelle étape, le briefing hélicoptère. Lors de cette réunion, tous les utilisateurs de l’espace aérien vont pouvoir se rencontrer et de vive voix, acquiescer les prérogatives et les obligations de chacun. Cette réunion est faite lors de la première journée des shakedown, la veille de la rentrée dans le dur du sujet.

Cette étape finie, l’équipe des télépilotes aura enfin officiellement le droit de voler. Cela peut paraître démesuré comme dispositif, mais à événement exceptionnel, mesures exceptionnelles. Ce n’est pas loin de 20 hélicoptères qui seront en l’air, du commercial au privé, et ceux de la production, la partition doit être lue, sue, et jouée parfaitement pour que nous autres, bien assis dans notre fauteuil, puissions vivre cette course avec les plus belles images. Et pour ce faire, l’équipe de tournage est aujourd’hui composée de deux drones : un Inspire 2 avec la caméra Zenmuse X5s 6K et un Phantom 4 Pro.

L’Inspire sera utilisé pour la réalisation des images dynamiques et le Phantom 4 aura une utilisation bien spécifique : le Matching. Il sera mis en stationnaire sur une portion du circuit et filmera le passage des voitures avec la caméra orientée vers le bas, idéalement à la perpendiculaire.

Une fois les images finies avec tous les passages de véhicules, en post production, ils vont super-positionner tous les passages, ainsi on pourra voir la qualité de pilotage des pilotes en comparant les trajectoires de chacun.

Cette fonction est très appréciée par les pilotes et est à l’initiative de DJI. Même ici, dans le sport automobile, le drone a su amener une valeur ajoutée pour aider les pilotes à s’améliorer, et est désormais considéré comme un outil d’entraînement à part entière.

Pour le choix du drone à utiliser pour les images dynamiques, il s’est naturellement porté sur l’Inspire 2, car celui-ci offre des atouts non négligeable pour rester toujours opérationnel dans le feu de l’action. La cadence des voitures est soutenue, un véhicule par minute, et donc on ne peut pas se permettre d’avoir un temps mort opérationnel avec le drone, par exemple lors du changement de batterie. Éteindre et redémarrer un drone prend du temps, et ce temps peut être suffisant pour louper une séquence, voire LA séquence !

L’inspire 2 a deux batteries en parallèle qui permet de faire ce que l’on appelle du “hot swap”, c est à dire que l’on peut changer une batterie sans éteindre le drone, car celui-ci continue d’être alimenté par la deuxième batterie. « Mais pourquoi je n’ai pas ça sur mon téléphone ou mon ordinateur portable ? »

Bien d’accord avec vous, il n’y a pas que sur les drones que ce serait pratique, et en plus de ce système, l’Inspire 2 est équipé d’une caméra FPV pour la conduite du drone. Celle-ci offre au pilote du drone la vision de la direction du drone et non celle de la caméra orientable qu’il transporte. On aura donc deux opérateurs, un qui s’occupera du pilotage, et un autre qui pilotera la nacelle de la caméra de filmage uniquement, il fera le travail de cadreur.

Là aussi, les personnes chargée de ces opérations sont des professionnels, issus du monde de l’hélicoptère radiocommandé pour la plupart, et titulaires des brevets de pilotage nécessaires. Ils travaillent bien souvent en binôme, ils se connaissent et se pratiquent depuis des années. C’est un vrai duo et un vrai travail d’équipe qui se construit sur des années de collaboration, m’explique Janneke Rozendaal chef des opérations DJI sur le WRC.

D’ailleurs, à ce propos, sachez que DJI n’a pas ses propres pilotes. Ce sont tous des pilotes professionnels qui travaillent pour des sociétés extérieures qui sont sollicités pour ces activités. Donc, vous qui êtes professionnels, continuez à publier de beaux montages, qui sait, un jour vous serez peut être repérés !

En plus de devoir réaliser de belles images, ils ne doivent en aucuns cas gêner les pilotes tout en restant le plus près possible. Et pour arriver à ce niveau de maîtrise, et de précision, il n’y a qu’une seule école, la pratique !

Pour la journée, c’est en moyenne 8 à 9 batteries par drone qui seront sur site, prêtes à être utilisées. Pas de prise de courant pour recharger dans la nature, tout doit être anticipé pour les opérations de la journée. Dans la pratique, ils ne vont pas faire de vols longs de 20 minutes comme le permettent les batteries, ce n’est pas comme cela que les images sont faites.

Concrètement, le vol va durer 1 à 2 minutes pour, finalement, garder un plan de 5 secondes. Mais 5 secondes d’images qu’aucun autre support ne peut retranscrire de la même manière, et c’est en ça que les drones dans ces situations sont fantastiques !

Les images parlent d’elles même, asseyez-vous, mettez votre casque, attachez le bien et téléportez vous sur le WRC en cliquant sur play :

C’est un sacré coup de jeune que DJI a amené au WRC en intégrant des drones si près de l’action. Il y a un avant et un après, indéniablement, mais mon petit doigt me dit que les choses ne vont pas s’arrêter là. Le futur du drone dans ce type de couverture médiatique ? Voilà comment cela va se passer selon moi :

La technologie des caméras va évoluer, car des besoins se font sentir, et on aura très bientôt de petites caméras légères qui seront capables de fournir de l’image en qualité broadcast. Ces caméras seront si légères et si petites qu’elles pourront être embarquées sur des drones extrêmement véloces, rapides et agiles, comme des drones de courses. Et ce jour-là, on franchira un nouveau cap et on aura alors des prises jamais vues auparavant.

Une idée de ce que ça va donner ? Peut-être bien qu’il faut aller trouver les prémices dans les sports de glisse où des essais ont été faits, notamment sur cette vidéo de Cinématic Flow où un skieur freestyle est filmé avec des plans et une dynamique encore peu explorée.

Et de vous à moi, je pense que très bientôt DJI aura un nouvel appareil qui aura tous les atouts pour explorer et continuer à pousser les lignes de l’imagerie aérienne.

Voilà, vous en savez un peu plus sur les coulisses des tournages en drones lors des événements sportifs. Et si cela vous a donné envie de devenir vous aussi pilote de drone pour la production vidéo, je vous invite à lire la réglementation où vous trouverez toutes les informations pour débuter, et quand au choix du drone, n’hésitez pas à jeter un œil à nos guides d’achat et nos tests.

Bon vols !

Crédits photos : FrAndroid – Dji

Retrouvez ici l’interview audio de Jori Mansera


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