Les constructeurs de smartphones japonais ne brillent pas particulièrement par leurs chiffres de ventes et leurs parts de marché. Au lieu de cela, ils excellent dans l’art de l’ombre, du mystère et de l’invisibilité. Sharp, par exemple, ne semble exister nulle part. Sony, quant à lui, a fait ses adieux à la plupart des marchés, avec la grâce d’un samouraï se retirant de la bataille. Sans oublier Fujitsu, qui, à une époque aussi lointaine que les dinosaures, était un constructeur de téléphones portables prospère. Et Panasonic ? Eh bien, ils ont aussi jeté l’éponge. La liste est longue : Pioneer, NEC, Toshiba, Hitachi…
Pourquoi ces retraites héroïques, demandez-vous ? L’iPhone a ébloui et éborgné tous les fabricants japonais sur leur propre territoire. Sa part de marché au Japon est de près de 70 %.
Il est ironique de penser qu’une fois, ces sociétés japonaises régnaient en maîtres sur leur marché domestique avec leurs téléphones à clapet, ou ceux équipés d’antenne TV. Oui, vous avez bien lu.
Des mastodontes technologiques
Mais alors, quel est le fil d’Ariane qui relie des groupes comme Sony, Sharp et Panasonic ? Ce sont des mastodontes technologiques avec des départements de recherche et développement qui cumulent des dizaines d’années d’expérience, de compétence et de savoir-faire. Ils étaient en tête de la course à l’innovation, concevant les premières lunettes connectées, les casques de VR, les écrans OLED, les capteurs photo à plusieurs dizaines de millions de pixels…
Et voici la cerise sur le gâteau : même si ces marques ne sont plus en tête du hit-parade de la popularité, elles continuent de faire des étincelles dans le domaine de l’innovation technologique.
Pour preuve, l’Aquos R8 Pro de Sharp, fraîchement annoncé, propose un capteur de 1 pouce, un objectif Leica Summicron et un écran OLED IGZO de 2000 nits. Rien que ça ! L’Aquos R6, l’Aquos R7… le constructeur japonais a toujours détonné en R&D avec le premier smartphone 240 Hz, le premier smartphone borderless… et même le premier smartphone à double encoche. L’Aquos R6 avait introduit un très grand capteur de 1 pouce créé en collaboration avec Leica, avant le Sony Xperia Pro-1. De plus, son écran Pro IGZO OLED était également une première.
De son côté, Sony a dévoilé son Xperia 1 V, avec un écran de 6,5 pouces au format 21:9, une définition 4K à 120 Hz, et un tarif qui ferait sauter au plafond votre banquier.
Cela nous amène à la question brûlante : pourquoi ces géants technologiques, capables de créer des produits aussi innovants, ne parviennent-ils pas à conquérir des parts de marché significatives ? La réponse est aussi subtile qu’un haïku : ce sont des produits vitrine, des vitrines technologiques, qui permettent à ces entreprises de vendre ensuite leur technologie à Apple, Oppo, Vivo, Huawei, Motorola… et la liste est longue. En somme, les constructeurs de smartphones japonais sont les chefs cuisiniers de la technologie, préparant des mets raffinés pour que d’autres les dégustent.
Ce paradoxe japonais, aussi mystérieux que les haïkus de Bashō
Ce paradoxe japonais, aussi mystérieux que les haïkus de Bashō, illustre bien la singularité de ces constructeurs. Ils innovent, ils créent, ils repoussent les limites de la technologie, et pourtant, leurs produits sont comme des étoiles filantes : brillants, étonnants, mais éphémères dans le ciel de l’industrie. Au lieu de faire la course pour le plus grand nombre de ventes, ces entreprises semblent préférer la quête de l’excellence technologique, une course silencieuse et solitaire vers l’innovation. Certes, leurs chiffres de vente ne font pas frémir les compteurs, mais leur influence dans l’industrie est indéniable. Derrière chaque iPhone, chaque Oppo, chaque Vivo, se cachent des technologies nées de l’ingéniosité japonaise.
Pour aller plus loin
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Ces constructeurs semblent suivre le principe du « Mono no Aware », une sensibilité à l’éphémère. Ils créent des chefs-d’œuvre technologiques destinés à être remplacés, à disparaître pour faire place à de nouvelles innovations. L’iPhone a certes éborgné les constructeurs japonais sur leur marché domestique, mais en retour, ils ont offert à l’industrie une vision, une technologie, un savoir-faire inégalé.
Célébrons ces héros de l’ombre de la technologie, ces samouraïs de l’innovation qui, même s’ils ne sont plus en première ligne sur le champ de bataille du marché, continuent de forger les armes du futur. En fin de compte, ils incarnent peut-être l’esprit du véritable artisan : celui qui crée pour le simple plaisir de créer, pour repousser les limites de son art, indépendamment des chiffres de ventes ou de la popularité. Et en cela, ils méritent non pas notre moquerie, mais notre respect le plus profond.
Les constructeurs de smartphones japonais font de la résistance, oui, mais ils le font à leur manière. Pas en conquérant le monde, mais en l’éclairant avec leurs innovations. Pas en criant haut et fort, mais en murmurant doucement dans les coulisses de la technologie. Pas en imposant leur présence, mais en s’effaçant pour laisser place à l’innovation. Et c’est peut-être là la plus grande leçon que nous puissions tirer de ce paradoxe japonais.
Un témoignage fascinant de la façon dont l’innovation et la production technologique sont constamment en mouvement
Les dernières décennies ont été marquées par des changements remarquables dans le paysage technologique mondial. Si l’on retrace l’histoire, on s’aperçoit que le centre de la production technologique a migré d’un pays à l’autre, en suivant une sorte de « course à l’innovation ».
Cette constante évolution du paysage technologique n’est pas seulement visible dans l’électronique et les smartphones, mais aussi dans d’autres domaines comme l’industrie photographique. À cet égard, le Japon a été un compétiteur sérieux de l’Allemagne, qui a longtemps dominé le marché mondial de la photographie. En 1960, par exemple, l’industrie allemande a produit 2,7 millions d’appareils photo, contre 1,9 million produits par le Japon.
Cependant, lorsqu’il s’agissait des exportations vers les États-Unis, les chiffres étaient très différents : les États-Unis ont acheté environ 190 000 appareils aux Allemands, mais ils ont acheté 1,3 million d’appareils aux Japonais. Les consommateurs américains se tournaient vers les Allemands pour les modèles les plus perfectionnés, et vers les Japonais pour les produits de qualité courante, qui étaient cependant excellents.
Dans les années 80, le Japon était devenue la locomotive de la production technologique, et il était surnommé « l’usine des États-Unis ». Les produits « Made in Japan » étaient synonymes de qualité et d’innovation, et les marques japonaises comme Sony, Panasonic et Sharp étaient des leaders dans le domaine de l’électronique. Les entreprises américaines délocalisaient massivement leur production au Japon pour profiter de son expertise technologique et de sa main-d’œuvre qualifiée.
Cependant, au fur et à mesure que le Japon s’est développé et que ses coûts de production ont augmenté, la production a commencé à se déplacer vers la Corée du Sud. À la fin des années 90 et au début des années 2000, la Corée du Sud a pris le relais et est devenue le nouveau centre de la production technologique. Des entreprises comme Samsung et LG ont émergé comme des géants de la technologie, et la Corée du Sud a commencé à produire non seulement pour les États-Unis, mais aussi pour le monde entier.
Puis, à mesure que la Corée du Sud a acquis de l’expérience et est devenue plus forte économiquement, elle a commencé à vendre des produits plus chers et à délocaliser sa production. C’est alors que la Chine est entrée en scène. Au cours des dernières décennies, la Chine est devenue l’usine du monde, produisant une grande partie de l’électronique mondiale. Des marques chinoises comme Huawei, Oppo et Xiaomi sont devenues des leaders mondiaux dans le domaine des smartphones.
Cette évolution constante témoigne d’un cycle intéressant de transfert de connaissances et d’expertise technologique. À chaque fois, le pays qui est devenu l’usine du monde a acquis de l’expérience, a lancé ses propres marques, est devenu plus fort économiquement et a finalement délocalisé sa production, ouvrant la voie à un nouveau pays pour prendre le relais. C’est un témoignage fascinant de la façon dont l’innovation et la production technologique sont constamment en mouvement, reflétant les dynamiques économiques mondiales en constante évolution.
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