Chine : le marché sans Google où Android équipe 94% des smartphones vendus

 
En termes de smartphones, tous les marchés sont différents. Certaines particularités mettent en avant des acteurs auxquels on ne s’attendrait pas, comme c’est le cas aux États-Unis, quand d’autres favorisent clairement les acteurs locaux. C’est le cas en Chine, deuxième escale de notre tour du monde du marché des smartphones.
Le quartier de Huaqiangbei à Shenzhen

La Chine est un marché essentiel pour l’industrie du smartphone. Évidemment, c’est là que sont encore assemblés de nombreux appareils — même si les constructeurs tendent désormais à se tourner vers le Vietnam — mais c’est surtout un marché de 1,4 milliard d’habitants où, tous les trimestres, ce sont autour de 100 millions de smartphones qui sont vendus. Il suffit de savoir que 333 millions de smartphones ont été vendus dans le monde au second trimestre 2019 pour constater que la Chine représente près d’un tiers du marché mondial des smartphones.

Un marché qui définit les tendances mondiales

De quoi expliquer notamment le fait que les tendances sur le marché mondial émergent en grande partie du marché chinois. Will Wong, analyste de l’institut IDC, nous a ainsi expliqué qu’en Chine, 81% des smartphones vendus au deuxième trimestre 2019 avaient un écran compris entre 6 et 7 pouces. De quoi expliquer pourquoi ce format est désormais prépondérant en Asie du Sud-est, mais aussi sur le marché mondial, même si ce type de smartphones ne représente que 67% des ventes dans le monde.

Bien évidemment, compte tenu de la puissance du marché chinois, les marques qui arrivent en tête dans l’Empire du Milieu sont parmi les plus puissantes du monde. Selon les données de l’institut IDC, au deuxième trimestre 2019, les principales marques en parts de marché en volume étaient :

  • Huawei (dont Honor) : 36,3%
  • Vivo : 18,3%
  • Oppo : 18,2%
  • Xiaomi : 11,7%
  • Apple : 6,6%
  • Autres : 6,8%

On ne sera pas étonné de retrouver Huawei et Honor loin devant, puisque le groupe chinois a su se hisser à la deuxième place du marché mondial — devant Apple — en grande partie grâce à sa force sur le marché chinois. Plus étonnants sont les cas de Vivo et Oppo. Les deux marques, qui appartiennent au groupe chinois BBK Electronics comme OnePlus et Realme, sont particulièrement fortes dans leur marché local, avec à elles deux, près de 38% de parts de marché, devant Huawei et Honor.

Samsung n’a pas su se relever des soucis Galaxy Note 7

Surtout, on retiendra qu’à l’exception d’Apple, toutes les marques du classement sont chinoises. Exit les Motorola, les LG et surtout les Samsung. Au second trimestre, le constructeur coréen disposait d’1% de parts de marché, et ce malgré les efforts de la firme. En effet, pour répondre à sa baisse en Chine, le chaebol a multiplié les modèles réservés à ce marché. C’est le cas notamment du Galaxy A8s en fin d’année dernière, premier smartphone à écran percé de la marque avant même le Galaxy S10, ou du W2019, un smartphone à clapet imposant et avec des spécificités haut de gamme.

Un pop-up store Samsung vide, au cœur de Shenzhen

Néanmoins, malgré ces efforts, le constructeur coréen ne parvient toujours pas à regagner le cœur du marché chinois et plafonne à 1% de parts de marché, à la sixième position. Interrogé, Will Wong du cabinet d’analyse IDC nous explique que cette baisse de Samsung est surtout due à l’image du constructeur qui s’est considérablement détériorée ces dernières années : « La baisse de Samsung s’explique par les soucis d’explosion de batterie du Galaxy Note 7. Samsung n’a pas su répondre à ces problèmes et depuis, son image de marque a bien chuté en Chine ». Pour Samsung, l’image de marque était l’un des premiers arguments pour séduire un marché chinois très sensible au rapport qualité-prix des smartphones. Or, avec une image en berne, les constructeurs chinois concurrents ont su en profiter avec des smartphones proposés à des prix plus intéressants : « Les constructeurs chinois proposent des produits satisfaisants pour les consommateurs à un prix très agressif, alors que Samsung proposait des appareils bien plus chers pour le marché chinois ».

Même si Samsung a tenté de se relancer avec des produits aux tarifs plus agressifs et une nouvelle gamme Galaxy A, le compte n’y est toujours pas en Chine. En cause, une image toujours ternie par les soucis du Galaxy Note 7, même trois ans après. « Si la marque n’est pas bien perçue, c’est difficile pour les consommateurs de se tourner vers cette marque », nous explique Will Wong d’IDC.

Apple, une image de marque qui prime sur le reste

Une marque qui parvient à s’en tirer en Chine malgré des prix très élevés pour ce marché, c’est Apple. Comme Samsung, les prix chinois des iPhone sont très élevés, mais contrairement au constructeur coréen, la firme américaine n’a pas eu à pâtir d’une affaire particulièrement désastreuse aux yeux des Chinois. Surtout, l’image de marque d’Apple y est extrêmement forte. À quel point ? « Il y a quelques mois, un Chinois a vendu un rein pour s’acheter un iPhone », nous explique Will Wong. « Lorsque les consommateurs chinois achètent un smartphone premium, cela leur donne un statut élevé et c’est important à leurs yeux. Même s’il y a des soucis d’autonomie par exemple, l’aspect statutaire permet de bâtir une base importante de consommateurs ».

En janvier, NDTV rapportait qu’un Chinois avait vendu un rein pour s’acheter un iPhone.

De quoi expliquer la présence d’Apple à la cinquième place en Chine, avec plus de 6% de parts de marché au second trimestre 2019. Une part de marché qui tend d’ailleurs à augmenter significativement sur le dernier trimestre à la sortie des nouveaux modèles. Selon les données de l’institut Counterpoint, au dernier trimestre de 2018, Apple est monté à 12%, dépassant ainsi Xiaomi pour se hisser à la quatrième place. On peut néanmoins constater une légère baisse des ventes d’Apple année après année, mais pas de quoi inquiéter Will Wong de l’institut IDC. Selon lui, le principal risque pour Apple est un certain retard technologique, notamment avec un iPhone 11 Pro qui n’est pas compatible 5G. Il ne semble cependant pas y avoir de risques de répercussions du conflit sino-américain sur les ventes d’iPhone : « Les conflits entre la Chine et les États-Unis ont un impact mineur sur la Chine, parce qu’il s’agit avant tout d’un souci politique. Ce n’est pas un critère majeur pour les consommateurs ».

Huawei en pleine croissance, avant la tempête ?

S’il y a un constructeur qui a su tirer parti de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, du moins en Chine, c’est bien Huawei. C’est bien simple, en un an les ventes du constructeur chinois ont explosé à domicile. De 28,5 millions de smartphones vendus en Chine au deuxième trimestre 2018, le groupe Huawei est passé à 36,3 millions à la même période cette année. Une croissance de 28% qui s’est intensifiée depuis le début de l’année 2019, justement eu égard aux risques de restriction des États-Unis. « L’embargo américain a poussé le marketing de Huawei à se concentrer sur le marché chinois. Cela a eu un impact négatif sur les autres acteurs locaux, comme Oppo, Vivo ou Xiaomi, qui ont perdu des parts de marché à la même période », nous explique Will Wong.

Les Huawei P30 et P30 Pro

Néanmoins, selon l’analyste d’IDC, Huawei ne serait pas à l’abri d’un retour de bâton, notamment sur le second semestre 2019. En cause, non pas les applications et services Google pour Android — puisqu’ils ne sont pas disponibles en Chine — mais les composants : « Huawei pourrait toujours passer par des fournisseurs chinois, mais les fournisseurs américains proposent des composants de meilleure qualité ». S’il venait à s’alimenter avec des composants de qualité inférieure, Huawei pourrait voir son image de marque se détériorer. Or, comme on l’a vu dans les cas de Samsung et Huawei, l’image de marque est bien l’un des principaux facteurs d’achat en Chine. « Le marché chinois est patriotique, mais ce n’est pas le seul facteur. Si le produit n’est pas bon, les consommateurs ne vont pas l’acheter », analyse Will Wong.

Un marché qui passe par les boutiques physiques… et sans Google

On l’a vu dans notre précédente escale, les États-Unis sont un marché particulier en cela que les opérateurs y sont omnipotents. Il faut dire qu’ils vendent à eux seuls 90% des smartphones  sur ce marché. Autant le dire de suite, la Chine en est loin. Si les opérateurs avaient un rôle particulièrement important dans les ventes jusqu’à l’arrivée de la 4G, ce n’est plus le cas depuis. Seuls 22% des smartphones sont vendus par les opérateurs et 25% à peine sur les sites de e-commerce. C’est surtout vers les boutiques physiques que se pressent les consommateurs chinois, à 45%, pour acheter leurs nouveaux smartphones.

Des boutiques physiques de smartphones à Shenzhen

Enfin, il convient de le rappeler, mais l’une des plus grandes particularités du marché chinois est qu’il est largement acquis à Android… mais que Google y est absent. Les utilisateurs font donc sans YouTube, sans Google Maps, sans Gmail ou sans Google Drive. Autant dire que les conséquences du conflit entre les États-Unis et la Chine, qui pourraient priver les prochains smartphones Huawei des services Google, ne concernent ni les États-Unis — où Huawei n’est pas présent directement — ni la Chine — où les services Google sont absents.

En l’absence des applications Google, chaque constructeur propose donc sa propre boutique d’application. C’est le cas avec APPGalery pour Huawei par exemple, également installé sur les smartphones français de la marque, ou l’App Store de Xiaomi. « En Chine, les constructeurs gagnent de l’argent avec la vente des smartphones bien sûr, mais surtout avec la préinstallation des applications et la commission prélevée sur les achats dans les boutiques d’applications », nous précise Will Wong d’IDC.

Plus contraignant, les développeurs doivent faire sans les Google Mobile Services qui sont souvent utilisés pour intégrer certaines fonctions aux applications. Dès lors, il convient pour chaque constructeur de développer des alternatives. Une stratégie encore inconnue en France, où Google se charge en grande partie de cette implémentation, mais que l’on pourrait découvrir dans les prochains mois… si Huawei reste privé à l’avenir d’installation des services Google.

Pour aller plus loin
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