Smartphones reconditionnés : faudra-t-il payer une redevance pour copie privée ?

La réponse est non... pour le moment

 
En France, les smartphones reconditionnés échappent pour le moment à la redevance pour copie privée, malgré les réclamations du ministère de la Culture. L’occasion de revenir sur ce sujet épineux afin de bien en expliquer les enjeux et de montrer qu’il n’est peut-être pas totalement clos.
Smartphone ouvert
Un smartphone ouvert, batterie apparente // Source : Tyler Lastovich sur Pexels

Le sujet est souvent revenu sur la scène politique en 2021 : faudra-t-il payer une taxe supplémentaire sur les smartphones reconditionnés ? Pour le moment, nous pouvons rétorquer par la négative après qu’un projet de loi dans ce sens a été adopté. Toutefois, les quelques rebondissements qui ont animé ce dossier méritent de faire le point sur la notion de redevance pour copie privée en France.

En outre, regardons pourquoi cette problématique n’est pas encore tout à fait derrière nous. Or, avant toute chose, il est bon de faire un petit rappel sur le concept des appareils reconditionnés et ses enjeux.

C’est quoi un smartphone reconditionné ?

Le marché du reconditionné a deux atouts majeurs. D’une part, il permet aux utilisateurs d’acheter des appareils électroniques — essentiellement des smartphones — déjà utilisés, mais en bon état, à des prix attractifs. D’autre part, il valorise des comportements écoresponsables puisque les polluantes chaînes de production sont moins sollicitées sur ce circuit que sur des produits neufs.

Un téléphone réparé par iFixit

Plusieurs entreprises — Certideal, BackMarket, YesYes, etc. — se sont ainsi spécialisées pour faire le lien entre l’offre et la demande et garantir le bon fonctionnement des appareils — le cas échéant en remplaçant certains composants, en signalant un petit défaut esthétique ou en proposant une garantie.

Grosso modo : un smartphone reconditionné est quelque part à mi-chemin entre le produit flambant neuf et celui d’occasion en fin de vie.

La redevance pour copie privée et les smartphones

L’autre élément important à comprendre, c’est la redevance pour copie privée. Il s’agit d’une taxe créée par une loi datant de 1985 pour mieux protéger les droits d’auteurs et rémunérer les ayants droit.

L’objectif concret pour l’État français est de prélever une commission sur la vente des produits pouvant servir à copier une œuvre (film, série, livre…) pour un usage privé. Au début des années 2000, on pensait surtout aux DVD vierges, aujourd’hui la redevance pour copie privée s’étend à tous les appareils dotés d’un espace de stockage.

En 2020, Copie France a récolté 273 millions d’euros

Par exemple, pour commercialiser un smartphone neuf et profitant de 64 Go de stockage, un constructeur doit verser environ 14 euros de redevance pour copie privée. Sur un iPhone 11 de 256 Go, il faut compter sur une taxe à hauteur de 1,43 %. Les PC, clés USB, disques durs externes, tablettes ou encore les box sont soumis aux mêmes règles et cette somme est très souvent répercutée sur le prix de vente de l’appareil, au moins en partie.

Comment Copie France distribue la redevance pour copie privée
La distribution de la redevance pour copie privée // Source : Copie France

Petite précision au passage : la copie privée n’est pas un délit tant qu’elle est réservée à un usage personnel. La redevance n’est donc pas une amende ou une sanction. C’est une rémunération récoltée par l’organisme Copie France qui en reverse ensuite 75 % aux auteurs, artistes, éditeurs et producteurs — sans prendre en compte les frais administratifs — et utilise les 25 % restant pour financer des projets culturels comme les festivals.

En 2020, Copie France a ainsi récolté 273 millions d’euros de cette manière, contre 36 millions d’euros en 1986.

Faudra-t-il aussi payer une taxe pour copie privée sur les smartphones reconditionnés ?

Nous arrivons maintenant à la question fatidique. Les smartphones reconditionnés seront-ils un jour eux aussi soumis à cette redevance pour copie privée ? Le sujet fait débat au sein même du gouvernement. Cédric O et Barbara Pompili, respectivement secrétaire d’État au Numérique et ministre de la Transition écologique, ne sont pas favorables à une telle mesure. Ils estiment que cela découragerait les consommateurs à se tourner vers le marché du reconditionné.

En face, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot milite pour l’extension de la taxe pour copie privée. « Encourager l’achat de produits reconditionnés ne peut se faire au détriment de la culture », écrit-elle dans un tweet.

Au cœur des discussions se trouve le projet de loi « visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France » adopté par le Sénat en début d’année. Plus précisément, c’est l’article 14 bis B qui attire tous les regards. Celui-ci propose d’exonérer les appareils reconditionnés pour ne pas prélever deux fois la redevance pour copie privée sur un même produit à des étapes différentes de son cycle de vie. Il va donc dans le sens de Cédric O et Barbara Pompili.

La rémunération pour copie privée n’est pas due non plus lorsque les supports d’enregistrement sont issus d’activités de préparation à la réutilisation et au réemploi de produits ayant déjà donné lieu à une telle rémunération. – Article 14 bis B du projet de loi pour la réduction de l’impact environnemental du numérique.

Fin mai, c’est au tour de la Commission du développement durable à l’Assemblée nationale d’adopter ce même article sans modification. L’article en question a été particulièrement porté par le député de La République En Marche Éric Bothorel. Ce dernier est même allé plus loin puisqu’il a carrément demandé — avec succès — au gouvernement de produire un rapport sur la fameuse redevance pour copie privée dans le but d’améliorer « la transparence et l’efficacité du fonctionnement ».

Le député affirme ne pas vouloir créer un conflit entre développement durable, numérique et culture. Le rapport qu’il demande a pour but « d‘objectiver la situation ». Le gouvernement a jusqu’à la fin de l’année pour rendre le document exigé.

Pour résumer : les smartphones reconditionnés ne sont pas concernés par la redevance pour copie privée… pour le moment. Toutefois, il n’est pas impossible que les partisans d’une taxe sur ces produits relancent les discussions. Une question notamment n’a pas été totalement éclaircie : celle des appareils reconditionnés importés de l’étranger par l’acheteur final.

Tous les pays à travers le monde n’appliquent pas forcément une telle taxe sur les appareils électroniques. Certains produits importés échappent donc à la redevance pour copie privée. D’aucuns pourraient donc espérer pouvoir prélever une commission sur les appareils reconditionnés qui, à l’état neuf, ont été acquis hors de France.

En politique, les affaires de ce genre ont tendance à s’éterniser…

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