Ça roule ou ça refoule. Ce dimanche 2 avril 2023, un référendum dira stop, ou non, aux trottinettes en libre-service. Peu importe l’issue, nous arrivons en 2023 à pratiquement cinq ans de la courte mais intense histoire de cette solution de mobilité à Paris. Sans cadre au début, puis progressivement réglementée, la progression de ces petits véhicules électriques partagés a vécu de nombreux rebonds.
Retour sur les différents chapitres de la trottinette en libre-service dans la capitale.
Au début, l’anarchie jusqu’à 12 opérateurs de trottinettes à Paris
On vient de loin, et pourtant, ce n’est pas si vieux que cela. Les toutes premières trottinettes en libre-service ont débarqué à Paris en juin 2018, à l’initiative de Lime. L’entreprise américaine surfait sur les premiers essais vélo en « free-floating » comparé à Ofo, Obike, Gobee. Or, les engins blanc, noir et vert ne sont pas restés longtemps seuls dans la capitale.
En janvier 2019, on comptait déjà six opérateurs via Bird, Bolt, Tier, Voi et Wind. Et quelles étaient voyantes ces trottinettes, chacune jouant d’une couleur différente pour se faire remarquer. Et ça fonctionnait. Le jeune public parisien a tout de suite adhéré à cette mobilité, plus rapide que la marche, moins claustrophobe que le métro, et profitant des déboires du Vélib’.
Au printemps 2019, à peine un an après Lime, Paris enregistrait 12 opérateurs, dont Dott encore actif à ce jour. Malgré la croissance de l’offre, le nombre de trottinettes électriques en libre-service n’a pas évolué de manière identique. Si la mairie misait en 2019 sur une flotte globale de 40 000 engins un an plus tard, le marché a stagné jusqu’à 20 000 unités.
Des règles dès 2019 pour la trottinette en libre-service
Dès les premiers jours, les utilisateurs se sont faits les meilleurs promoteurs, mais aussi les ennemis des autres usagers et piétons. Car en 2018, aucune loi ne régissait les trottinettes électriques, qu’elles soient en libre-service ou non. Sans code ni législation, rouler sur les trottoirs est donc devenu une habitude autant que sur la chaussée ou les pistes cyclables. Et en fin de trajet, on les retrouvait partout : trottoirs, chaussée, parcs, ou dans les cours d’eau pour les pires utilisateurs.
Anne Hidalgo, maire de Paris, a ainsi élevé la voix contre ces machines au fonctionnement anarchique. Dès le début 2019, un stationnement spécifique était déjà à l’étude, financé par une redevance et des mises à la fourrière (plus de 5 000 en février 2020). En juillet 2019, l’interdiction tombe pour le stationnement des trottinettes sur les trottoirs, en adéquation avec le déploiement de places dédiées.
En parallèle, les utilisateurs de trottinettes en libre-service ont reçu leurs premières amendes pour conduite sur trottoir : 135 euros. Le 1er juillet 2019 a sonné aussi la fin de circulation dans les parcs et jardins, tout comme la réduction de la vitesse maximale à 20 km/h, contre 25 km/h pour le reste de la France. La ville a instauré en plus un bridage à 8 km/h dans les zones piétonnes et les « zones de rencontre ».
Enfin, la législation nationale sur les trottinettes électriques – incluant le libre-service – est entrée en vigueur en novembre 2019 : 8 ans minimum, pas de casque ou oreillettes au guidon, gilet réfléchissant la nuit ou encore passagers interdits. Ces règles ont évolué depuis — notamment sur l’âge légal minimum -, consultez ici la réglementation actuellement en vigueur.
2022, l’année de la pression sur les opérateurs de libre-service
Publié en décembre 2019, le premier appel d’offres a découlé sur l’éviction de 9 des 12 opérateurs alors présents à Paris. Un tri nécessaire pour mieux contrôler leurs activités, et réduire le nombre d’interlocuteurs. Certains étaient même partis d’eux-mêmes avant l’heure, comme Jump passant sous le giron de Lime. Ainsi, à partir du 24 juillet 2020, seulement trois opérateurs officiels – sur 16 candidats – ont été retenus à Paris : Dott, Lime et Tier, toujours en action aujourd’hui. Chacun dispose depuis d’une limite de 5 000 trottinettes en libre-service, soit 15 000 en tout dans la capitale.
Avec les confinements liés au Covid-19, le nombre de trajets mensuels avait chuté de 650 000 à 300 000 en un an. Et en corrélation avec ces chiffres, un apaisement de la colère des habitants ou piétons. Les véhicules ont progressé en confort (roues plus grandes, suspensions) et en sécurité. Après une gestion polémique et l’emploi de nombreux autoentrepreneurs pour la recharge des engins, la durabilité fut enfin au point avec le recyclage en entrepôts ainsi que la généralisation des batteries amovibles.
Cependant, avec la reprise du nombre de trajets, et bien qu’avec les mesures exposées ci-dessus, la cohabitation avec les machines est redevenue difficile. Les trottinettes en libre-service avaient une faille : la mauvaise conduite des utilisateurs et utilisatrices. Trop de personnes roulaient encore sur les trottoirs, voire à deux, sans oublier le fait de garer le véhicule n’importe où.
En 2021 et surtout en 2022, les échanges se sont donc multipliés entre des élus de la Mairie de Paris et les opérateurs, afin d’améliorer la situation. On peut citer les 700 zones à forte densité humaine, à vitesse limitée de 10 km/h. Sous le feu des phrases vindicatives via la presse ou les réseaux sociaux des premiers, les seconds ont ensuite répondu par des initiatives.
Ce fut d’abord de façon ponctuelle, comme la technologie anti-trottoirs de Lime (sans toutefois la déployer). L’événement le plus marquant fut l’alliance des trois entreprises à l’automne 2022, pour concocter 11 propositions, dont certaines appliquées dans la foulée : immatriculation des trottinettes en libre-service, et une vérification de la carte d’identité pour contrôler l’âge des utilisateurs — car interdit aux mineurs.
Mais il manque encore quelques idées et systèmes pour améliorer les trottinettes en libre-service à Paris, dont le système anti-conduite à deux de Lime présenté en mars 2023 et cité ci-dessus.
2023, le vote fixant le sort des trottinettes en libre-service
Les opérateurs se sont habitués aux menaces récurrentes de la mairie, réticente à l’idée de renouveler le contrat des trois entreprises. L’accident mortel d’une touriste en juin 2021 n’a pas aidé. Sans compromis trouvé entre les deux parties pour gérer la situation, la municipalité a pris une décision étonnante en janvier 2023 : un vote sur l’interdiction de ces engins dans la capitale.
Résultat, le dimanche 2 avril 2023, les Parisiens et Parisiennes (seulement) expriment leur voix dans les urnes. La question est simple : « Pour ou contre les trottinettes en libre-service à Paris ? » Simple, mais efficace ?
Non, puisque l’on note des freins à une participation forte et hétéroclite. Déjà, la date tombe le jour du Marathon de Paris, un évènement sportif suivi par plus de 200 000 personnes selon les organisateurs. Le nombre de bureaux de vote est également restreint à 203, avec une plage de 9h à 19h. Enfin, le référendum, uniquement ouvert aux inscrits sur les listes électorales, n’accepte pas la procuration.
Quant au résultat, nous le connaîtrons probablement dans la soirée du 2 avril 2023. La Mairie, qui annonce vouloir « respecter le vote », se prononce plutôt contre, quand (sans surprise) les opérateurs militent pour leur préservation et communiquent via publicité et réseaux sociaux – de manière parfois maladroite. Mais ce sont les habitants qui décident. Vont-ils faire interdire les trottinettes en libre-service ? Tout est encore ouvert…
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