Depuis quelques années, l’accessibilité est devenue un paramètre bien mieux pris en compte dans le jeu vidéo sous l’impulsion de Xbox et PlayStation notamment, mais aussi d’éditeurs comme Electronic Arts, Ubisoft, Square Enix et bien d’autres qui ont intégré cette dimension dès la conception de leurs derniers jeux.
Rendre un jeu accessible est un débat qui fait rage, même auprès des joueurs concernés. Car il n’existe pas un ou deux types de handicap, mais bel et bien plusieurs. Des versions différentes, des approches différentes et propres à chacun. Car chaque personne apprivoise déjà le sien différemment au quotidien comme le jeu vidéo.
Pour aller plus loin
Pour Xbox, il est temps de montrer que « le jeu vidéo est accessible à tous »
Plusieurs handicaps à prendre en compte
Il est impossible de faire un jeu qui réponde au besoin spécifique de chacun, un jeu accessible à la demande. En quelques années, la vision de l’accessibilité est passée de l’idée de faire des sous-titres plus gros, des effets visuels pour mieux voir les ennemis ou des menus avec aide vocale, à la possibilité d’ajuster les paramètres de commandes, la vision pour les différents types de daltonisme, ou encore de régler la difficulté en fonction des séquences de jeu.
Si tout cela est désormais possible, c’est aussi parce que les éditeurs les plus impliqués et les fabricants poussent toute l’industrie à se mobiliser avant même les premières lignes de code d’un jeu. Et plus seulement en fin de conception d’un jeu. « Tout le monde n’a pas compris que le jeu vidéo était déjà accessible. C’est aussi notre rôle de le montrer, dans les fonctionnalités qu’on propose, nos jeux, le matériel, etc. Ça évolue et ça fait du bien », explique Ina Gelbert, à la tête de Xbox France. « Le vrai message est là : il faut sensibiliser les personnes en situation de handicap et leur entourage sur le fait qu’elles peuvent jouer aux jeux vidéo en toute simplicité. »
Un avis que partage Chris Bruzzo, Chief Experience Officer au sein de Positive Play, l’unité qui supervise notamment l’accessibilité dans les jeux d’Electronic Arts : « Tous les jeux peuvent avoir des fonctions pour l’accessibilité. Les principales consoles comme comme la PlayStation ou la Xbox, les plateformes comme Steam ou notre propre plateforme EA Origin ont désormais des paramètres de réglages qui s’appliquent ensuite à tous les jeux pour le contraste, la luminosité. C’est déjà un excellent début et cela devrait être le minimum à fournir aux joueurs pour n’importe quel jeu ».
Des options de jeu de plus en plus fournies et diverses
Un peu partout, les jeux commencent à ajouter des paramètres d’accessibilité qui se fondent dans le menu traditionnel de leurs jeux. Chez Ubisoft, on s’est depuis plusieurs années doté d’un responsable Accessibilité pour que la notion d’un jeu pour tous soit bien dans les esprits dès les premières lignes couchées sur papier d’un futur blockbuster. Far Cry 6 a ainsi fait étalage d’un impressionnant menu proposant de multiples réglages pour équilibrer les chances, quel que soit le handicap du joueur et même sa spécificité.
Ubisoft a fait de son menu accessibilité dans Far Cry 6, un menu de réglages comme les autres, comme on peut le voir dans cette vidéo ci-dessous.
Preuve que le sujet est pris au sérieux chez Square Enix aussi, Marvel’s Guardians of the Galaxy avait même dévoilé ses différents paramètres d’accessibilité sur une page dédiée au titre avant sa sortie, proposant notamment un ralentissement de la vitesse de jeu pour faciliter les séquences de combat selon ses besoins et son handicap. Une fonction également intégrée dans Forza Horizon 5 permet de mieux contrôler son véhicule quand on n’a pas forcément les mêmes réflexes et capacités physiques que les joueurs valides.
Aux États-Unis, Xbox et Playground Games ont également ajouté la traduction en langue des signes lors des cinématiques. Un interprète intervient alors à l’écran pour traduire les dialogues. Une innovation dont l’utilité peut faire débat, mais qui a le mérite de tenter de nouvelles choses et les personnes concernées ont salué le geste (en France, il faudra encore attendre avant d’y avoir accès).
Xbox, le fer de lance
Xbox a fait depuis longtemps de l’accessibilité dans le jeu vidéo son cheval de bataille. Il faut dire qu’à l’échelle de Microsoft, c’est une demande à tous les niveaux, pour tous les produits et logiciels conçus. C’est ainsi qu’est sortie d’un laboratoire de R&D du campus de Redmond la Manette adaptative Xbox, le contrôleur le plus novateur pour console de l’industrie.
Avec son allure de très large manette dont les deux pads et les boutons peuvent être utilisés même avec les pieds, la manette adaptative, qui fonctionne seule aussi, propose de brancher de très nombreux accessoires en option pour faciliter la vie du joueur. Elle peut ainsi s’adapter à ses besoins physiques pour jouer dans de bonnes conditions.
Une manette, des jeux, mais aussi une philosophie au global pour secouer l’industrie : Xbox ne cesse de bouger le secteur vidéoludique en ce sens. Pour que les joueurs s’y retrouvent, le Microsoft Store indique désormais sur la fiche d’un jeu une partie Accessibilité pour connaître immédiatement les options intégrées au jeu en cas de handicap physique, moteur, visuel ou auditif. Des étiquettes permettent en un coup d’œil de le savoir. Et un menu dans la boutique en ligne regroupe les jeux proposant les meilleures options d’accessibilité.
Pour aller plus loin
Xbox Series X|S et Xbox One : Microsoft rend ses consoles et ses jeux encore plus accessibles
Mais avant de pouvoir mettre en lumière les jeux les plus accessibles, encore faut-il en avoir. Pour cela, Xbox a mis au point un guide des bonnes pratiques (les Xbox Accessibility Guidelines) pour accompagner les développeurs de jeu et leur faire prendre conscience de l’importance d’intégrer les paramètres d’accessibilité très tôt dans leur parcours de création.
Autant pour aider les créateurs à penser à de nouveaux éléments de gameplay « que pour leur fournir une liste d’éléments à vérifier pour garantir l’accessibilité d’un jeu ». Et au final, pour les développeurs d’y gagner une frange de la population de gamers qui ne se serait pas forcément tournée vers leur jeu, mais sait désormais qu’elle va trouver une œuvre qui peut répondre à ses besoins et possibilités.
PlayStation emboîte le pas
Aider les développeurs, mais aussi les joueurs à s’y retrouver en améliorant les paramètres des consoles, Xbox n’est pas le seul à y avoir pensé avec ses Xbox Series X | Xbox. À la traîne initialement, PlayStation refait son retard avec un gros coup d’accélérateur. La PS5 s’est vu doter de véritables paramètres en lien avec l’accessibilité. Dans les pas du studio Naughty Dog (The Last of Us Part II, Uncharted 4 : A Thief’s End) farouche défenseur du sujet, d’autres studios PlayStation ont pris la suite et doté leurs jeux de nombreux réglages, à l’instar de Ratchet & Clank : Rift Apart, jeu lumineux digne d’un film d’animation qui a su s’adapter notamment aux joueurs ayant des problèmes de vue.
Comme Electronic Arts qui a mis au point l’an dernier un site expliquant les différents réglages d’accessibilité proposés dans ses jeux, PlayStation a lancé, fin décembre 2021, un site dans le même esprit autour de l’accessibilité de ses différents titres exclusifs. Disponible pour le moment uniquement en anglais, il présente les diverses options proposées sur PS4 et PS5 en cas de problèmes auditifs, visuels ou physiques. Vous saurez ainsi comment paramétrer votre manette DualSense et assigner des boutons selon vos besoins, ajouter la retranscription écrite de votre chat en cours de jeu, mais aussi prendre connaissance de tous les réglages possibles dans 12 des jeux les plus emblématiques de PlayStation.
En mettant mieux en avant l’accessibilité qu’il ne le faisait il y a encore peu, PlayStation apporte sa pierre à l’édifice. Celui-ci réalise qu’il ne peut plus exclure les millions de joueurs concernés à travers la planète (on estime à 15 % de la population).
Des sites comme CanIplaythat, qui s’attachent à passer en revue les options de jeu pour les joueurs handicapés, contribuent aussi à faire prendre conscience à l’industrie qu’il faut aller plus vite sur ce point. Ce ne sera jamais parfait, car le handicap est trop divers à appréhender. Mais si les principaux ténors poussent en ce sens, c’est tout le monde qui suivra avec un peu de volonté. Encore faut-il aussi avoir les moyens d’injecter cela dans son jeu.
Pour enclencher un mouvement, EA met ses brevets à disposition
On l’a dit, Electronic Arts a depuis quelque temps déjà pris la balle de l’accessibilité au bond. Le papa des franchises FIFA et Battlefield sait aussi que ses jeux attirent des millions de joueurs qui peuvent y passer des heures. On pourrait croire l’américain davantage préoccupé par ses millions de dollars de chiffres d’affaires que par le bien-être de ses joueurs et le service après-vente. Il n’en est rien.
Ici, l’expérience de jeu prime avant tout et il existe même un département dédié pour cela : Inclusive Player Experience (IPeX – l’expérience joueur inclusive). Il inclut désormais toutes les équipes liées à l’accessibilité au sein d’une division baptisée Positive Play (jeu positif).
« Nous avons fait de grands progrès en matière d’accessibilité ces dernières années. Il faut désormais que cela devienne la norme dans la création, » martèle Chris Bruzzo dont le département est en charge de l’expérience utilisateur « pour tous les joueurs », rappelle-t-il aussi. « Le fait que nous ayons désormais des technologies qui peuvent être brevetées est un bon indicateur. Les choses prennent une place beaucoup plus importante qu’il y a encore 5 ans ».
Si aujourd’hui, de très nombreux jeux ne sont pas adaptés à tous les joueurs, c’est souvent parce que les équipes de développement derrières ne savent pas toujours par où commencer ni comment y parvenir. C’est dans ce but qu’EA a décidé de partager ses brevets avec tous les développeurs de jeux. « Nous fournissons des choses spécifiques autour de l’audio, de la couleur, du contraste ou encore des options de contrôle des manettes, résume-t-il. Cela peut aider tous ceux qui en ont besoin et c’est pour cela que nous voulions les mettre à disposition de tous les développeurs du monde ».
Parmi les cinq brevets, on trouve des technologies d’amélioration de la visibilité des couleurs en cas de déficience visuelle, de détection et mise à jour automatique des taux de contraste des sous-parties à l’écran, la création audio personnalisée en temps réel basée sur la réponse physiologique de l’utilisateur (gestion de la musique et de ses préférences selon les difficultés auditives de l’utilisateur).
Mais le système le plus bluffant élaboré par EA est à trouver du côté du jeu Apex Legends. Pour ce jeu de tir nerveux en multijoueur, l’éditeur américain a mis au point son système de Ping qui permet aux joueurs de communiquer sans avoir besoin de recourir à la parole ou à l’écrit.
Grâce à une roue de fonctions, ils peuvent envoyer des messages visuels ou audio via des actions raccourcies et des commandes de jeu. Cela pourra être sur l’approche d’une zone ennemie, un élément à récupérer, un adversaire à proximité, etc. L’apport du système de Ping, intuitif, ergonomique et rapide, pour les personnes souffrant de troubles de la parole, de l’audition et cognitifs a été maintes fois salué par les joueurs et pourrait se retrouver rapidement dans d’autres jeux.
La balle dans le camp des développeurs de jeux
Regroupés au sein d’une initiative nommée Engagement sur les brevets, ces cinq brevets sont désormais disponibles gratuitement en open source sur GitHub. « Les technologies implantées sont à présent plus discrètes alors qu’elles permettent des choses étonnantes, notamment pour les joueurs malvoyants qui représentent la majorité des problématiques à résoudre », se félicite Chris Bruzzo. « Il n’y a plus de raison que les joueurs avec n’importe quel handicap puissent être gênés dans la compréhension globale d’un jeu ou leur progression. »
Désormais, la balle est dans le camp des développeurs. Entre les Xbox Accessibility Guidelines et la manette adaptative d’un côté, des brevets pour intégrer des technologies de l’autre, et même la puissance des consoles qui permettent des affichages encore plus pointus, on serait tenté de dire qu’il n’y a plus d’excuses possibles.
Pour Chris Bruzzo, il ne reste plus qu’une mission à remplir pour que l’accessibilité dans le jeu vidéo soit sur de bons rails : « Il faut que les gens y prêtent attention. Nous aurons toujours plus à faire encore. Nous n’en sommes très probablement qu’au début de ce que nous pouvons apporter aux jeux et aux joueurs, car nous avons encore beaucoup à apprendre de ces derniers sur les besoins. »
Quand on sait que la plupart des avancées en matière d’accessibilité finissent par bénéficier à tous les joueurs en devenant des mécaniques utilisées par tous, il n’y vraiment plus aucune raison de ne pas y aller.
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