Privatisation de La Poste Mobile : pourquoi SFR fait traîner le rachat par Bouygues Telecom ?

 
La Poste Mobile, MVNO appartenant majoritairement à un service public, est en passe de basculer dans le privé suite à un accord de rachat de toutes ses parts par Bouygues Telecom mais depuis février dernier, rien ne se passe. Selon Bouygues, des divergences entre SFR et La Poste affectent le calendrier du rachat prévu pour la fin de l’année.

Premier MVNO de France en nombre d’abonnés, La Poste Mobile est en passe d’être racheté à 100 % par le Bouygues Telecom pour la coquette somme de 950 millions d’euros. C’est ce qui a été annoncé en février dernier par l’opérateur, mais depuis, rien… Pas un bruit, si ce n’est ceux des désaccords entre les deux co-actionnaires du MVNO qui ne sont toujours pas d’accord sur les modalités de la vente. D’un côté, le groupe La Poste, actionnaire majoritaire détenant 51 % des parts, de l’autre, SFR qui en détient 49 %. Le casus belli selon les informations du Monde : le partage des 950 millions d’euros de la vente de La Poste Mobile.

Une brouille à 950 millions d’euros

Fin mai, Bouygues Telecom s’est fendu d’un communiqué de presse concernant les avancées du rachat de La Poste Mobile… qui n’avance pas du tout :

« Bouygues Telecom indique avoir été informé par SFR et La Poste de divergences qui les opposent s’agissant des modalités de réalisation de l’opération, conduisant La Poste à mettre en œuvre les mécanismes de résolution des différends prévus par leurs accords »

L’origine de la brouille remonte à la vente en elle-même. Malgré la bonne santé de la Poste Mobile, qui enregistrait un chiffre d’affaires avoisinant les 300 millions d’euros, un bénéfice record de 22 millions d’euros en 2023 et 2,3 millions de clients, le groupe a pris la décision de céder toutes les parts de son MVNO, SFR inclus. Si l’opérateur au carré rouge ne peut user de son droit de préemption, il est toujours en mesure de ralentir les négociations. C’est actuellement ce qu’il fait en contestant le partage des 950 millions d’euros au prorata des parts des deux co-actionnaires.

Problème à trois corps, version télécom

D’un côté, nous avons le groupe La Poste qui compte vendre son MVNO et partager le butin des 950 millions d’euros dans les règles. Étant donné qu’elle détient 51 % des parts de La Poste Mobile, le service public repartirait avec 484,5 millions d’euros dans les poches tandis que SFR obtiendrait de son côté une somme à peu près équivalente, 465,5 millions d’euros. Cependant, SFR convoite une plus grosse part du gâteau.

Selon SFR qui, rappelons-le, met à disposition son réseau contre un « loyer » pour que La Poste Mobile puisse assurer ses services, un partage 75 % – 25 % en sa faveur serait plus juste puisque ce sont ses services qui donneraient sa valeur actuelle à La Poste Mobile. L’opérateur au carré rouge espère donc empocher plus de 700 millions d’euros de cette vente, ce qui pourrait lui permettre de reprendre un peu de souffle alors qu’il se traîne une dette de 24 milliards d’euros.

En troisième lieu, Bouygues Telecom voit son calendrier de rachat prévu pour fin 2024 sérieusement compromis puisque le désaccord entre La Poste et SFR paralyse totalement la vente. Si la filiale d’Altice fait traîner les discussions plus que de raison, il se peut que Bouygues finisse par se retirer.

Dans tous les cas, un rachat définitif fin 2024 devient impossible, d’autant plus que nous parlons là d’une privatisation. La procédure prend plus de temps, il faut notamment attendre un avis favorable de la Commission des participations et des transferts qui doit également se prononcer sur les modalités de vente. Enfin, si la médiation entre La Poste et SFR ne suffit pas, l’affaire pourrait être portée au tribunal.


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