Le nom de Joe Rogan ne vous dit sans doute rien. Pourtant, outre-Atlantique, son nom est sur toutes les lèvres et l’homme a même déclenché un séisme qui ébranle sérieusement Spotify. Ce n’est pas peu dire pour une personne qui n’est même pas un artiste.
Car si Joe Rogan fait trembler le numéro un du streaming musical, c’est en raison de son podcast diffusé en exclusivité sur Spotify et écouté par près de 11 millions d’utilisateurs, selon le Wall Street Journal. Tout allait bien jusqu’à ce que l’intéressé se pose en expert du Covid-19 et de la pandémie, déclenchant alors un tollé.
Joe Rogan, l’homme au cœur de la tempête
Si sa renommée peine à se faire dans l’Hexagone, Joe Rogan est une star aux États-Unis. Cet ancien comique, devenu acteur, commentateur de combats de MMA ou encore animateur TV et radio, tient depuis près de 13 ans un podcast intitulé The Joe Rogan Experience dans lequel il donne son avis sur absolument tout. À un rythme effréné de deux à trois épisodes par semaine, avec de nombreuses célébrités fréquemment invitées. On se souvient notamment de la visite d’Elon Musk fumant un joint en direct dans le studio…
Ce n’est pas sans raison qu’il se murmure que Spotify aurait déboursé plus de 100 millions de dollars pour avoir l’exclusivité du podcast en 2020, le plus écouté aux États-Unis et dans le monde anglo-saxon. Initialement un peu potache et comique, le podcast a rapidement dévié alors que sa notoriété grandissait. Du « bullshit initial entre potes », Joe Rogan est passé à des sujets plus sérieux comme la politique, l’activisme, la musique, les ovnis ou les drogues (ses sujets de prédilections), pour forcément aboutir à des questions scientifiques. Et c’est là que le bât blesse.
Des artistes et des abonnés qui désertent
Durant trois ou quatre heures parfois, il a donné son avis notamment sur le coronavirus, la pandémie, la gestion du COVID-19, etc. Drapé dans sa tenue de pourfendeur des libertés d’expression, invoquant son droit à débattre de tout avec tout le monde (de nombreuses personnalités controversées sont souvent invitées), Joe Rogan s’est donc librement exprimé sur le sujet. Il a ainsi encouragé ses auditeurs à ne pas se vacciner pour les plus jeunes, a fait la promotion de l’Ivermectine (traitement non autorisé et aux effets non avérés) après avoir pourtant attrapé le Covid ou encore laissé un invité parler de population « hypnotisée » par le gouvernement. Non vacciné, il a également expliqué avoir « une immunité naturelle » après son injection d’Ivermectine.
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De quoi provoquer l’ire de médecins et scientifiques qui ont écrit une lettre ouverte à Spotify pour ce qu’ils considèrent comme de la désinformation et pour réclamer une politique de modération à la plateforme. Face au peu de réactions de l’entreprise suédoise, les artistes ont emboîté le pas des scientifiques. Neil Young a menacé de retirer ses contenus sans réaction de Spotify et s’y est attelé, suivi de près par la chanteuse Joni Mitchell. James Blunt a, lui, émis l’hypothèse de ne pas mettre ses prochains titres sur la plateforme tandis que Harry et Meghan, qui doivent lancer un podcast exclusif, ont demandé à Spotify de lutter contre la désinformation sur son service.
En perte de vitesse, bien que toujours leader, Spotify a dû faire face à un afflux de désabonnements après l’affaire Joe Rogan, accompagné d’un décrochage en bourse. De quoi faire enfin réagir le numéro un du streaming musical, trollé également par la concurrence, de Deezer à Apple Music, ravie de montrer que Neil Young était toujours chez eux.
Spotify modifie sa politique
Mais comment résoudre un problème à plus de 10 millions d’auditeurs par épisode ? En contournant l’obstacle pour mieux l’enjamber. C’est un peu le tour de passe-passe auquel s’est livré Spotify pour tenter de satisfaire tout le monde. Dimanche soir, via un post sur Twitter, Daniel Ek son PDG a annoncé la mise en place d’une nouvelle politique encadrant les podcasts sur le Covid-19 avec des règles bien spécifiques désormais consultables par le public.
Ont ainsi été définis les contenus « faisant la promotion d’informations médicales dangereuses, fausses ou trompeuses susceptibles de causer des dommages hors ligne ou de constituer une menace directe pour la santé publique ». Cela inclut donc, selon Spotify, tout contenu présentant les maladies (Covid, cancer, Sida, etc.) comme des « canulars ou des inventions », encourageant des traitements absurdes pour se soigner, suggérant que les vaccins sont conçus pour causer la mort ou incitant les auditeurs à se faire volontairement contaminer.
Tout contenu enfreignant les règles sera donc immédiatement supprimé. Spotify indique que 20 000 podcasts sur la pandémie ont déjà été retirés de la plateforme ces derniers mois. Mais pas ceux de Joe Rogan donc. Daniel Ek reconnaît le manque de transparence des politiques appliquées et assure que cela va donc changer. « Sur la base des commentaires de ces dernières semaines, il est devenu clair pour moi que nous avons une obligation de faire plus pour assurer l’équilibre et l’accès à des informations largement acceptées des communautés médicales et scientifiques qui nous guident à travers cette période sans précédent », écrit-il.
Pas véritablement de sanctions
Spotify va donc ajouter des messages de signalement avant chaque épisode de podcast traitant du Covid-19 et a également créé un hub Covid-19 vers lequel les utilisateurs seront renvoyés. Cependant, celui-ci ne compile pas d’informations ou d’articles externes à Spotify, mais d’autres podcasts étiquetés plus sérieux par l’entreprise (ABC News, Bloomberg, BBC, CNN…). Une playlist Spotify de plus en quelque sorte.
Et Joe Rogan dans tout ça ? La vie continue pour lui. Au pire, ses podcasts vont avoir droit au même message d’alerte que ceux de la BBC ou tout autre contenu spécialisé traitant de Covid-19. Mais sans faire de différence sur le fond du propos et les erreurs colportées. Ses podcasts sont toujours accessibles et ils ne semblent donc pas s’exposer aux récriminations soulevées ou aux règles de Spotify dont l’appréciation reste floue. Sa notoriété paraît bien l’immuniser contre toute forme de sanction et il peut continuer à diffuser de fausses informations.
Que ce soit le harcèlement, les comportements nuisibles ou bien les propos controversés, modérer sur les plateformes restent toujours un sujet délicat. Bien plus encore quand il est soumis au jugement humain avec toutes ses sensibilités individuelles et ses approches différentes…
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