Qui se cache derrière les téléphones en marque blanche ?

 
Quechua Phone, Qilive, Hi 4G, Ultym 4 : tous ces téléphones possèdent un point commun, ce sont des appareils en marque blanche. Cela signifie que ces téléphones ou tablette affichent une marque différente de celle de leur constructeur réel. En d’autres termes, des constructeurs de téléphones revendent certains de leurs terminaux à des marques qui désirent proposer des appareils mobiles. Auchan, Décathlon, Toy’r’us, mais aussi tous les opérateurs téléphoniques possèdent désormais chacun des téléphones ou des tablettes à leur nom.  Mais quelles marques se cachent derrière ces téléphones ? Et quel est l’intérêt pour les marques et pour les constructeurs d’utiliser des marques blanches ? Nous avons sorti notre imper’ de journalistes d’investigation et avons tenté de trouver des réponses.
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Marque Blanche : mode d’emploi

BS-402-ZTE-Blade-Q-mini

Prenons un exemple très concret pour illustrer le principe de la marque blanche. Il y a quelques semaines, nous testions dans nos colonnes le Bouygues Telecom BS 402 vendu « exclusivement » par Bouygues Telecom. Ce téléphone bon marché vendu moins de 120 euros sur la boutique B&You n’a pas été conçu ni construit par Bouygues Telecom. Il s’agit en fait d’un téléphone de la marque chinoise ZTE : le Blade Q Mini. Un terminal d’entrée de gamme au rapport qualité-prix très convenable et surtout désimlocké dès l’achat. Aujourd’hui, on ne retrouve pas moins de cinq téléphones en marque blanche dans la boutique en ligne de Bouygues Telecom, à des prix s’échelonnant de 119 à 229 euros.

Le ZTE Blade Q Mini ou BS 402. On ne retrouve aucune mention de la marque chinoise sur le téléphone.
Ces téléphones et tablettes en marques blanches ont tous les mêmes points communs quelle que soit la marque. Il s’agit toujours de téléphones chinois d’entrée de gamme qui ne possèdent presque jamais de surcouche logicielle. Tout juste disposent-ils de quelques applications « maison » installées par les marques, mais jamais rien de vraiment intrusif. Ces téléphones en marque blanche sont apparus assez récemment. S’ils étaient déjà présents sur le marché, ils ont proliféré quelques mois après l’arrivée de Free sur le marché des opérateurs mobiles. Ce n’est pas évidemment pas une coïncidence.
On ne va pas vous refaire l’histoire, quand Free Mobile est arrivé sur le marché des opérateurs, le prix des appels téléphoniques a drastiquement baissé. Cette baisse de prix a eu énormément de répercussions sur notre façon de consommer les téléphones portables. Non seulement les forfaits sans engagements se sont démocratisés, mais surtout l’achat d’un téléphone portable était enfin devenu possible sans passer par un forfait à plus de 35 euros par mois. L’open market, puisque c’est le nom donné à ce marché de téléphones nus et non subventionnés par des forfaits, était né. Il a permis à de nombreux revendeurs grand public d’entrer dans la danse.

Qui fait quoi ?

Ces revendeurs, ce sont des marques bien connues du grand public. Auchan, Carrefour, Toy’r’us, Decathlon mais aussi Orange, Bouygues Telecom ou SFR y vont tous de leur tablette ou téléphone maison. Nous avons fait le tour de leurs offres et tenté de savoir à quelle marques de constructeurs correspondaient leur téléphone. Trois gros acteurs chinois se partagent le marché : Huawei, ZTE et Alcatel One Touch.

Marque blancheNom du modèleMarque réellePrix vendus par les marquesPrix vendus par les constructeursTaille de l’écranCompatibilité réseau
Bouygues TelecomBs 402 noirZTE Blade Q Mini119 €Introuvable4 pouces3G+
Bouygues TelecomBs 451 noirMobiwire Auriga139 €Introuvable ?4,5 pouces3G+
Bouygues TelecomUltym 4Alcatel one Touch Idol S229 €239 € chez Darty
258 € chez CDiscount
179 € chez Free Mobile
5 pouces4G
OrangeHi 4GZTE Blade Apex 2129,90 € chez Orange
119 € chez Sosh
Introuvable4,5 pouces4G
SoshLe mobile SoshAlcatel one Touch Idol Mini99 €159,90 € chez CDiscount
144,90 € chez Materiel.net
4,3 pouces3G+
Android by SFRStartrail 4ZTE Blade Q109,99 €Introuvable4,5 pouces3G+
Android by SFRStaraddict IIICoolpad 8861U199,99 €Introuvable4,5 pouces4G
Android by SFRStarXtremZTE Grand Memo329,99 €356,99 € sur Amazon.fr
374,95 € chez Redcoon.fr
5,7 pouces3G+
Android by SFRStarShine IIMobiwire Mensa79,99 €Introuvable3,5 pouces3G+
Android by SFRStarTrail IIIMobiwire Pysix129,99 €Introuvable3,5 pouces3G+
Android by SFRStarAddict II PlusZTE Grand X Intel189,99 €Introuvable4,3 pouces3G+
Quechua Quechua PhoneArchos229,90 €Introuvable5 pouces3G+
AuchanQilive 4Archos 40 Titanium98,90 €99.99 € sur le site officiel d’Archos4 pouces 3G+
AuchanQilive 4.5Archos 45 Titanium129 €129,99 € sur le site officiel d’Archos4,5 pouces 3G+
AuchanQilive 5Archos 50 Titanium149 €149,99 € sur le site officiel d’Archos5 pouces 3G+
AuchanQilive 5.3Archos 53 Platinum199 €195,99 € sur Amazon5,3 pouces 3G+
CarrefourSmart 5Hisense HS-U970179 €162,77 € sur Amazon5 pouces3G+
BoulangerEssentiel B Diamond 2Mobiwire Cetus²149 €Introuvable4,3 pouces3G+
BoulangerEssentiel B Connect 4.7Coolpad ?179,90 €Introuvable4,7 pouces3G+
BoulangerEssentiel B Connect 5.3Coolpad ?199 €Introuvable5,3 pouces3G+
Smartphones Qilive

Comme vous pouvez le constater dans ce tableau, la grande majorité de ces téléphones sont des appareils d’entrée de gamme dont le prix excède très rarement les 300 euros. À l’exception des quelques terminaux compatibles 4G, tous possèdent des SoC MediaTek et tournent donc tous pratiquement sous Android 4.2.2. Avec la récente décision de MediaTek de supporter Android 4.4.2 KitKat sur ses puces, ils devraient théoriquement pouvoir passer à Android 4.4.2, mais rien ne dit que les opérateurs et les constructeurs réalisent la mise à jour. Il est plus probable que ces téléphones soient remplacés d’ici quelques mois.
On notera également que la majorité de ces téléphones a beau être d’origine chinoise, les téléphones proposés par les opérateurs sont systématiquement doté d’un unique port SIM tandis que les grandes enseignes commerciales ne se gênent pas pour proposer des téléphones double SIM. Lorsque nous avons fait remarquer cette différence à un porte parole de Bouygues, celui-ci nous a assuré que ce n’était pas tant pour des questions de concurrence entre les opérateurs que pour des questions techniques. Ça n’a pourtant pas l’air de déranger des millions de Chinois…

Les téléphones Qilive de Auchan sont fabriqués par Archos. Ce sont aussi des téléphones dotés de deux ports carte SIM.
Nous n’avons pas réussi à compléter entièrement ce tableau. À vrai dire, il est vraiment difficile de retrouver la trace d’un téléphone chinois vendu par un opérateur ou une marque précise sans autre indications que le design. Nous avons eu beau chercher sur le site des marques, il n’y a absolument aucune indication de l’origine réelle du téléphone. Si vous désirez vous connaître la provenance réelle de votre téléphone, seuls quelques passionnés sur des forums spécialisés pourront vous aider. D’ailleurs, si vous reconnaissez des téléphones que nous n’avons pas pu identifier dans ce tableau, faites-le nous savoir dans les commentaires, nous le mettrons à jour.

Le cheval de Troie des constructeurs chinois

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Si ces appareils en marques blanches sont présents partout, c’est que tout le monde y trouve son compte. Du côté des constructeurs chinois, les marques blanches sont un excellent moyen de s’inviter sur les marchés occidentaux. Pour une entreprise chinoise dont le chiffre d’affaires se fait majoritairement en Asie, il est compliqué de venir s’imposer sur les marchés européens et américains. Pour beaucoup de raisons.
Le marché est déjà occupé par des constructeurs plus connus et déjà présent sur ces territoires depuis plus longtemps qu’eux. Apple, Samsung, LG, Blackberry et Nokia occupent actuellement plus de 90 % du marché des smartphones. Ces constructeurs, souvent présents depuis plus de dix ans, sont aussi des spécialistes de l’électronique grand public et se sont internationalisés bien plus tôt que ces nouveaux arrivants. Ils connaissent donc bien mieux les marchés occidentaux, que ce soit en termes d’attentes du consommateur, de communication ou de réseau de distribution. Ils ne voient donc pas d’un bon œil de nouveaux arrivant entrer sur le marché et, pire, casser les prix avec des téléphones bon marchés dans un environnement économique déjà très disputé.

Le Hi 4G de Orange est l’un des rares téléphones 4G a être vendu moins de 150 euros. Il s’agit en fait d’un Blade Apex 2 de ZTE.
De fait, il n’est pas simple pour une entreprise chinoise de s’implanter sur le territoire français. Les distributeurs n’acceptent pas, ou difficilement, de rogner leurs marges pour vendre des téléphones chinois parfois équivalent en termes de performance avec ceux des grandes marques. Les normes de sécurités sont très différentes d’un continent à l’autre et les frais de communication (publicité, mise en avant dans les magasins, relation presse) qu’il faudrait engager pour se faire connaître seraient faramineux.
Ces entreprises chinoises ont toutefois un argument de poids à faire valoir : le prix de leurs téléphones. Leurs tarifs sont beaucoup moins élevés que ceux de Samsung, Apple ou Nokia. Ces prix bas, ils ne les proposent pas directement aux consommateurs (même si en fouillant bien sur des sites de e-commerce, il est possible d’acheter directement ces terminaux nus), mais ils les proposent à des marques déjà connues. Non seulement cela leur permet d’écouler des téléphones sur des marchés occidentaux sans avoir à déployer une filiale sur un territoire précis, mais en plus ils peuvent commencer à grignoter des parts de marché sans débourser de sommes folles. La contrepartie, naturellement, c’est que leur marque en propre n’est pas mise en avant. Peu importe, finalement, les marques blanches ne sont qu’un moyen – un cheval de Troie – de grignoter peu à peu des parts de marché. Avec le temps et le développement de l’open market les consommateurs apprendront à repérer leurs téléphones. Le pari n’est pas gagné, mais les firmes chinoises ont le temps.

Rassurer et fidéliser le client

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Pour les marques qui utilisent ces téléphones chinois, l’avantage paraît plus évident. Elles proposent à leurs clients des appareils à leurs couleurs. Les bénéfices sont nombreux. D’abord et surtout, le fait de trouver une marque grand public apposée sur un téléphone rassure à la fois le client et le vendeur. C’est la garantie pour le consommateur de se retrouver avec un produit qui présente un rapport qualité/prix convenable, pour ne pas dire supérieur à un autre appareil d’entrée de gamme d’une marque inconnue, et l’assurance de ne pas avoir un mauvais produit dans les mains. Le fait est que si l’on propose à un client classique (entendez par là pas aussi technophile que peut être le lectorat de FrAndroid) deux téléphones chinois identiques mais dont l’un est aux couleurs de Bouygues Telecom et l’autre affichant la marque ZTE, il y a de grandes chances pour que ce client aille plus spontanément vers le téléphone Bouygues. Le lien de confiance entre une marque donnée et son client régulier joue beaucoup, et accentue en plus sur sa fidélité.
L’aspect économique est également à prendre en compte. Lorsque Bouygues Telecom a commencer à déployer la 4G en France, l’opérateur s’est rendu compte qu’il existait peu de téléphones compatibles 4G à des prix abordables. Difficile dans ce cas de la rendre accessible au plus grand nombre alors que l’opérateur débourse des sommes considérables dans son réseau pour offrir une couverture 4G honorable. Bouygues Telecom a alors entamé des discussion avec Alcatel One Touch pour sortir un téléphone 4G bon marché capable de satisfaire des clients qui n’avaient pas les moyens de se payer un appareil à plus de 400 euros. Dans les faits, ils ont simplement rebrandé le Alcatel One Touch Idol S et l’ont renommé Ultym 4. Résultat : un téléphone 4G tout à fait convenable à moins de 230 euros. Certes, il tourne sous Android 4.2.2, mais il n’existe pratiquement pas d’offres alternatives à ce prix. Orange et SFR ont d’ailleurs eu exactement la même démarche en proposant chacun le Hi 4G (ZTE Blade Apex 2) ou Staraddict III (Coolpad 8861U), tous deux compatibles avec la 4G.

Le Bouygues Telecom Ultym 4 ou Alcatel one Touche Idol S
Gilles Guillemot, le responsable marketing terminaux de Bouygues Telecom nous a confirmé que Bouygues et les constructeurs chinois travaillent désormais en étroite relation. Bouygues Telecom entre en contact avec des constructeurs chinois et leur soumet un cahier des charges précis. Si Bouygues a besoin d’un téléphone avec une technologie particulière (la 4G, par exemple), un prix a ne pas dépasser ou un design précis (pas moins de 4,5 pouces), la société entame des discussions avec les constructeurs 9 ou 12 mois avant la sortie du téléphone et signe un contrat de production 6 mois avant la sortie prévue. Bouygues s’engage alors à prendre un certain nombre de millier de pièces, voire plus en fonction de la durée de l’offre qu’il compte faire avec le téléphone. Généralement, les téléphones en marques blanches sont disponibles en boutique entre 6 mois et 1 an avant d’être remplacés par d’autres téléphones plus récents. Là encore nous parlons de Bouygues Telecom, mais toutes les marques citées plus haut utilisent les mêmes pratiques commerciales.
Et si l’on en croit toujours Gilles Guillemot, ces téléphones se vendent bien. Nous n’avons pas réussi à avoir de chiffres précis mais ils représentent aujourd’hui « entre 10 et 30 % de part de marché » européen. Une estimation corroborée plus ou moins par un porte-parole d’Orange qui déclarait au micro de ZDNet l’année dernière que 20 % des téléphones vendus en Europe étaient des terminaux en marque blanche. Un chiffre à nuancer, puisque en Europe les marchés et les économies sont très différentes d’un pays à l’autre. Mais avec la crise économique, il ne fait aucun de doute que ces appareils sont amenés à prospérer. Pour autant, il est peu probable qu’en tant qu’Européens nous ayons tous des téléphones chinois dans les mains d’ici les trois prochaines années. Les marques blanches ne sont finalement (en France tout du moins) qu’un aspect du développement de l’open market. Aujourd’hui, le marché du téléphone nu représente 30 % des ventes de mobiles en France et continue de progresser. Ce qui est sûr, c’est que l’on va de plus en plus acheter des téléphones nus et que cette tendance profitera forcément aux terminaux chinois.


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