
Et si l’avenir de la bonne santé du réseau électrique passait par la voiture branchée ? C’est en tout cas ce que l’on peut croire avec la charge bidirectionnelle, qui solutionne tellement de problèmes que l’on a du mal à croire que ce soit pour aujourd’hui. Revenons sur cette technologie autant méconnue que révolutionnaire.
Nous en entendons parler depuis des années, avec le V2G, V2L, ou encore le V2H, qui permettent en somme de transformer la batterie de nos voitures électriques en accumulateur utilisable par autre chose que le moteur du véhicule. De nombreuses preuves de concept ont vu le jour depuis quelque temps, sans pour autant que le grand public ait l’impression que ce soit prêt pour être généralisé.
Cependant, certains modèles arrivent aujourd’hui sur le marché avec tout ce qu’il faut pour soulager le réseau, tout en permettant de réaliser des économies pour les particuliers. C’est par exemple le cas de la Renault 5 électrique, qui a été conçue avec cette idée dès le départ. La technologie est donc mature, et prête pour être généralisée.

Malheureusement, nous constatons en 2025 que ce n’est pas une option généralisée sur la totalité des voitures électriques sortant d’usine, alors qu’il y aurait un fort intérêt à ce que cela le soit. Aussi, les fournisseurs d’énergie ne semblent pas encore mettre en avant les avantages du V2H ou V2G, ni même n’incitent les particuliers à s’y intéresser.
Nous allons alors revenir sur ce que permettent les diverses technologies de redistribution d’énergie pour les opérateurs, avant de présenter les avantages pour le particulier, qui sont bien réels. Enfin, nous tenterons de comprendre pourquoi en 2025, c’est encore trop rare de pouvoir utiliser la batterie de sa voiture électrique au repos comme source d’alimentation électrique.
Utiliser sa voiture pour soulager le réseau
Nous avons déjà expliqué en détail les différentes technologies de charge bidirectionnelle ici, et sous les divers termes se cachent toujours la même chose : que la batterie de la voiture puisse restituer de l’énergie à votre maison, au réseau ou à des appareils électriques.
C’est une fonctionnalité qui a deux principaux intérêts : la première est pour le réseau électrique, qui peut utiliser une voiture branchée comme un tampon pour stocker de l’énergie, et l’autre est pour le particulier, qui peut optimiser sa consommation d’une manière impossible sans autant de batterie à disposition.
En effet, si les particuliers peuvent aujourd’hui s’équiper d’une batterie à domicile pour faire face aux coupures de courant, ou bien stocker leur surplus d’énergie solaire, elle n’est en aucun cas comparable à celle d’une voiture électrique.
Les batteries des voitures électriques en 2025 stockent souvent plus de 50 kWh, avec les plus grosses dépassant même les 100 kWh. En face, les solutions de stockage d’énergie à domicile sont plutôt de l’ordre de quelques kilowattheures, et où dépasser les 10 kWh est extrêmement rare.

Ainsi, les opérateurs d’énergie ont tout intérêt à pouvoir utiliser les véhicules stationnés des possesseurs de voitures électriques, puisque les quantités d’énergies sont assez importantes pour faire une réelle différence. La théorie est la suivante :
- Vous branchez votre voiture, et indiquez un niveau de charge souhaité à une certaine heure
- Entre le moment où le véhicule est branché et l’heure de fin de charge souhaitée, la batterie peut se charger ou se décharger selon les besoins émis par le gestionnaire du réseau électrique.
Pour vous donner un cas pratique, imaginons une voiture branchée à 19 heures, avec 30 % de batterie, et une limite de charge souhaitée à 80 % à 8 heures du matin le lendemain.
- De 19 à 22 heures, le gestionnaire du réseau constate qu’il y a une contention sur la quantité d’énergie produite, et décide de vider une partie de la batterie pour la restituer au réseau.
- À 22 heures, la batterie de la voiture est à 20 %, et la charge débute, atteignant 90 % à la fin des heures creuses à 6 heures du matin.
- De 6 heures à 8 heures, le gestionnaire du réseau a encore un tampon à utiliser, puisque le niveau de batterie souhaité par le propriétaire à 8 heures est de 80 %. La batterie de la voiture se vide donc de 10 % en deux heures, pour restituer de l’énergie pendant les heures pleines, et à 8 heures, le propriétaire retrouve sa voiture prête à partir, avec 80 % de batterie comme demandé.
Tout le principe de l’utilisation d’une batterie en tant que tampon emmagasinant de l’énergie pour le réseau réside dans le fait que l’électricité n’est pas disponible en quantité égale à chaque instant, et les prix sur les marchés SPOT ne sont pas les mêmes selon les périodes.
En l’occurrence, lorsque l’énergie est abondante et peu onéreuse (l’été lors des pics d’activité solaire, ou lorsque le vent souffle suffisamment, ou encore lors des heures creuses la nuit), une voiture branchée peut se remplir, quitte à ce qu’elle dépasse la consigne de charge. Ensuite, dès que l’énergie se raréfie ou que les tarifs dépassent un certain seuil, le gestionnaire du réseau peut récupérer de l’énergie contenue dans la batterie pour ne pas mettre de pression sur les infrastructures de production, ou tout simplement gagner de l’argent.

Cet exemple unitaire est à imaginer à grande échelle, où des centaines de milliers — voire des millions — de voitures électriques pourraient être à disposition à chaque instant. Si tel était le cas, les courbes de prix de l’électricité seraient à la fois plus plates, mais également avec un prix moyen bien plus bas. Ajoutez à cela la flexibilité et l’assurance de ne pas mettre trop de pression sur les infrastructures de production, et vous comprendrez pourquoi les gestionnaires de réseau ont tout intérêt à électrifier le parc de véhicules roulants. Mais en tant que particulier, qu’est-ce qu’on a à y gagner ?
Un atout pour le particulier : économies et indépendance énergétique
Pour démocratiser une technologie utilisant au gré des besoins du réseau électrique la batterie d’une voiture d’un particulier, il faut nécessairement une incitation importante. La première est donc financière, puisque c’est une manière presque indolore de réduire la facture d’électricité d’un foyer.
En effet, tout le système de charge bidirectionnelle repose sur le fait que les opérateurs d’énergie répercutent la baisse des prix moyens de l’énergie sur les clients, sans quoi personne n’acceptera de prêter la batterie de son véhicule, évidemment. Car bien que les puissances de charge et de décharge soient relativement faibles (entre 2 et 11 kW) par rapport à des charges rapides, les batteries des véhicules qui utilisent quotidiennement la charge bidirectionnelle vont avoir bien plus de cycles que les autres.

Et aujourd’hui, les batteries sont faites pour tenir quelques milliers de cycles tout au plus (entre 500 et 1000 pour les batteries NMC, et autour de 4000 cycles pour les batteries LFP), ce qui signifie que l’utilisation répétée de charge bidirectionnelle va drastiquement en réduire la durée de vie. Dans l’exemple présenté plus haut, un cycle de batterie est ajouté tous les cinq jours environ, soit près de 75 cycles par an. Si le possesseur du véhicule n’est pas un gros rouleur, cela peut représenter plus que l’utilisation réelle du véhicule sur la route.
Certains opérateurs reconnaissent dès aujourd’hui l’intérêt de piloter la charge d’un véhicule électrique, comme par exemple Octopus Energy, qui se permet de proposer des tarifs défiant la concurrence, même sans charge bidirectionnelle. Nul doute qu’avec, les prix seraient encore plus intéressants.
S’affranchir des heures pleines à la maison
Avec la charge bidirectionnelle, les particuliers peuvent reprendre le contrôle sur leur consommation d’une manière encore inimaginable il y a quelques années. Avec une batterie de plusieurs dizaines de kilowattheures, nous pouvons imaginer des usages très concrets, et particulièrement intéressants, comme ne consommer qu’en heures creuses lorsque la voiture est branchée.
Bien sûr, pour que cela soit le cas, il faut que le véhicule reste à la maison en journée, ce qui n’est pas toujours possible au quotidien, mais qui peut tout de même exister certains jours de la semaine. La nuit, le propriétaire du véhicule décide de remplir sa voiture à 100 %, pendant que l’électricité est la moins chère. Une fois que les heures pleines débutent, c’est alors uniquement la batterie de la voiture qui va alimenter le foyer, puisque les plusieurs dizaines de kilowattheures disponibles suffiront amplement au foyer. Le résultat est alors simple : le réseau n’aura été sollicité qu’en heures creuses, baissant ainsi la facture d’électricité du propriétaire.
Si l’on se place lors d’un jour rouge Tempo, une consommation de 20 kWh via la batterie de la voiture en heures pleines plutôt que du réseau fera économiser autour de 13 euros au tarif actuel, ce qui est loin d’être négligeable. Même de grosses installations solaires à domicile ne permettent pas d’atteindre de tels chiffres, puisque les heures pleines durent bien plus longtemps qu’il n’y a d’activité solaire.
Dire adieu aux pannes de courant, et bonjour à la revente d’électricité
Parmi les autres avantages de la charge bidirectionnelle pour les particuliers, nous pouvons citer le fait de ne plus avoir à subir les pannes de courant, puisque la batterie du véhicule peut servir à prendre le relais sur le réseau.
Nous avons vu ce genre d’utilisation mises en avant par Ford avec le F-150 Lightning, ou encore via la Nissan Leaf aux États-Unis, où certaines catastrophes climatiques provoquent des coupures de plusieurs jours. Sans pour autant imaginer des coupures extrêmement longues, force est d’admettre que ne pas avoir à subir une coupure de courant est un atout de taille.
Enfin, les particuliers qui souhaitent se tourner vers l’autoconsommation via des panneaux solaires notamment pourront profiter de la batterie de leur voiture pour stocker de l’énergie, et parfois même en avoir plus que ce dont ils ont besoin. L’excédent pourra alors être revendu à un opérateur de recharge, à un moment où l’électricité est plus rare, et donc à un prix plus élevé. C’est alors un avantage financier indéniable, permettant encore de baisser les factures d’énergie.
Pourquoi la charge bidirectionnelle n’est toujours pas généralisée ?
Si vous êtes conquis par les nombreux avantages de la charge bidirectionnelle, vous pourriez vous demander pourquoi ce n’est pas le standard d’aujourd’hui, que ce soit côté voitures comme du côté des offres d’électricité.
La première raison est le manque d’infrastructures adaptées au V2G, qui n’est pour le moment pas aussi simple que de brancher sa voiture quelque part, et de laisser la magie opérer. Ce serait particulièrement intéressant pour les bornes publiques en courant alternatif, où les voitures branchées restent généralement toute une nuit, ou bien une grande partie de la journée. Tant que la consigne de charge demandée est atteinte à l’heure souhaitée, autant que l’opérateur en profite pour gérer du mieux possible la consommation d’énergie.
La seconde est bien entendu liée aux constructeurs, qui ne mettent pas de série la charge bidirectionnelle sur la plupart des véhicules. Si nous avons cité plus haut la Renault 5 E-Tech, le Ford F-150 Lightning, ou encore des Nissan Leaf, il s’agit bel et bien là d’exceptions. Les voitures les plus vendues au monde ne proposent pas de charge bidirectionnelle, donnant alors très peu de visibilité à cette fonctionnalité.
Enfin, les fournisseurs d’énergie ne mettent pour le moment pas l’accent sur l’intérêt de la charge bidirectionnelle, ni ne proposent des offres intéressantes destinées au grand public. Pour que la charge bidirectionnelle se démocratise, il faut que les pouvoirs publics se saisissent du sujet, et mettent en place un cadre clair et incitatif pour les particuliers. Les constructeurs devraient également se voir imposer le support de la charge bidirectionnelle pour tous les futurs véhicules, de manière à ce que cela devienne rapidement la norme.
Il s’agit d’un levier clé pour stabiliser le réseau électrique dans un futur où les voitures électriques seront légion, et où consommer de l’énergie propre à faible coût serait une évidence.
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