
L’ensemble des citoyens risque de subir une injustice énergétique au profit d’une minorité aisée. C’est ce que révèle une étude récente démontrant que le niveau de taxes sur l’électricité destinée à la production d’e-fuels (carburants de synthèse) pour l’aviation est nettement inférieur à celui imposé aux ménages.
E-fuels, carburants synthétiques ou encore électro-carburants, ces solutions s’avèrent prometteuses pour décarboner différentes filières difficiles à électrifier, dont l’aviation, dans le contexte de la transition énergétique. L’Union européenne prévoit ainsi qu’à l’horizon 2050, au moins 35 % des carburants utilisés dans le transport aérien devraient être constitués de ces technologies moins polluantes, qui font partie des SAF (Sustainable Aviation Fuel) pour carburant d’aviation durable.
Pour aller plus loin
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La fabrication des e-fuels nécessite d’importants volumes d’électricité achetée à prix cassé. Selon une étude récemment publiée dans la revue Climate Policy, le coût de l’électricité à usage domestique serait jusqu’à trois fois supérieur à celui payé pour la production de ces carburants du futur.
La situation reflète une injustice énergétique, et est susceptible d’entraîner une hausse généralisée des prix, au détriment de la majorité des citoyens qui, pour la plupart, voyagent rarement, voire jamais en avion.
De l’électricité trois fois plus chère pour la population
Avant d’aller plus loin, notons que l’étude classe les besoins en électricité en trois catégories distinctes :
- les besoins primaires, qui se rapportent aux usages essentiels (chauffage, éclairage, cuisson et divers autres usages domestiques) ;
- les besoins secondaires, relatifs à la mobilité courte distance, notamment la recharge des véhicules électriques ;
- et les besoins tertiaires, qui concernent les usages jugés moins essentiels, comme la mobilité longue distance (les déplacements en avion notamment).
Selon les données de l’étude, en 2019, le tarif moyen appliqué aux besoins primaires et secondaires atteignait 194 € / MWh, alors que l’électricité destinée à la production des e-fuels n’était facturée qu’à hauteur de 65,5 € / MWh. En d’autres termes, l’électricité utilisée pour satisfaire des besoins quotidiens et essentiels coûte trois fois plus cher que celle utilisée pour produire ces carburants synthétiques. L’écart s’élève à plus de 128 € / MWh (soit 0,128 € / kWh de différence).
Des avantages fiscaux
Cette différence tarifaire s’explique principalement par les avantages fiscaux dont bénéficie l’électricité destinée à la production des e-fuels. Par exemple, celle-ci est effectivement exonérée de l’accise et de la TVA, qui, en temps normal, s’élèvent respectivement à 32 et 28 € / MWh. La contribution tarifaire d’acheminement (CTA), quant à elle, n’est que de 0,5 à 0,7 € / MWh pour les e-fuels, contre environ 5 € / MWh pour l’électricité utilisée pour les besoins primaires et secondaires.

À cela s’ajoute une taxation faible, voire nulle accordée aux installations électro-intensives nécessaires à la production de ces carburants synthétiques. Au total, les taxes appliquées à l’électricité pour les e-carburants coûtent seulement 11,2 € / MWh, contre 120 € / MWh pour les autres usages. Soit plus de 10 fois plus.
Une injustice énergétique ?
Dans son travail, l’auteur, Jean-Baptiste Jarin, pointe l’injustice énergétique résultant de cet écart tarifaire. Il rappelle en effet que le marché du transport aérien ne concerne qu’une fraction de la population : principalement la classe aisée. Or, la production des e-fuels est particulièrement énergivore. Pour en avoir une idée, en moyenne, un Français consommerait annuellement 5 000 kWh d’électricité pour les besoins primaires et secondaires, tandis qu’un unique voyage aller-retour Paris-New York coûterait en électricité 7 300 kWh par passager.

L’étude indique même que l’électricité requise par les 1 % les plus riches de la population de l’UE pour la mobilité aérienne atteindrait 200 000 kWh (dans une hypothèse de 100 % de e-carburant).
De plus, sachant que la loi européenne oblige le secteur de l’aviation à inclure des e-fuels parmi sa consommation d’ici quelques années, la production de ces e-carburants devrait bientôt fortement augmenter. Et avec la faible taxation actuelle, la demande en électricité propre risque d’exploser compte tenu des besoins élevés. Résultats : face à la hausse de la demande, les prix risquent d’augmenter pour l’ensemble des consommateurs, « et pas seulement aux heures de pointe », prévient l’étude.
Une réforme des politiques fiscales
Les principales recommandations de la recherche portent sur une réforme du système de politiques fiscales, avec l’application d’une taxation proportionnelle à la finalité de l’énergie. Ainsi, l’électricité utilisée à des fins tertiaires devrait avoir des taxes plus élevées par rapport à celle répondant aux besoins primaires.

L’auteur plaide alors pour une « fiscalité juste et explicite, sans être en contradiction avec l’incitation au développement de nouvelles technologies ». L’objectif est de soutenir le développement des e-fuels tout en évitant de compromettre la justice énergétique. « Ma recommandation vers les principaux décideurs politiques serait de prendre des dispositions quant à la fiscalité pour ne pas interférer avec la justice énergétique, tout en permettant à cette technologie d’éclore dans les prochaines années », écrit Jean-Baptiste dans un article publié sur Connaissance des énergies.
Il insiste également sur l’importance d’une production « raisonnée » des e-fuels afin de limiter le déséquilibre entre la hausse et la demande. En effet, dans un scénario où le transport aérien fonctionnerait exclusivement avec des e-carburants, les besoins en électricité pourraient atteindre jusqu’à 120 000 TWh, soit cinq fois la consommation mondiale en 2022.
Pour aller plus loin
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Ces carburants synthétiques doivent donc rester complémentaires d’autres alternatives comme celles issues de la biomasse, ou même les avions 100 % électriques à batterie qui pourraient arriver dans quelques années, notamment sur l’aviation d’affaires.
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