Bird repart conquérir la capitale. En juillet 2020, la mairie de Paris régularisait le nombre d’opérateurs autorisés à déployer leur flotte de trottinettes électriques, après des mois de pagaille et d’abus. Pour Bird, ce fut la douche froide. L’un des pionniers du free floating n’était pas retenu par les élus, au profit de Lime, Dott et Tiers.
Contrainte de quitter la capitale, la société californienne a poursuivi le développement de son activité partout en France. Elle est désormais implantée dans 23 villes. « À la fin de l’année 2022, on veut être présent dans 30 villes pour une flotte de 10 000 à 13 000 véhicules déployés », espère Mickaël Mamou, directeur général de Bird France.
Objectif Paris
À l’heure actuelle, Bird compte 7500 engins répartis aux quatre coins de la France. Mais son chantier du moment se trouve du côté de Paris, où le groupe fait son grand retour après presque deux années d’absence. Un retour loin d’être symbolique à ses yeux et qui a surtout vocation à vérifier des hypothèses, selon une stratégie bien définie.
Ce come-back fait fi des trottinettes électriques pour mettre au cœur du projet des vélos électriques en libre-service. Un challenge de taille au regard du marché actuel dominé par plusieurs acteurs publics et privés, de Vélib à Dott en passant par Lime et Pony. Les VAE sont partout. La question étant : y a-t-il encore une part du gâteau à prendre ?
Pour Mickaël Mamou, la vision à long terme de Bird consiste « à opérer dans le Grand Paris afin de relier la périphérie au cœur de Paris », nous explique-t-il. « Il y a un vrai sujet de désenclavement de la périphérie, avec une typologie de trajets pas encore couverte », poursuit l’intéressé.
« L’idée, c’est de couvrir massivement les portes de la capitale et les bords périphériques le matin, un créneau prisé par les utilisateurs. Ils ont besoin d’être rassurés pour aller au travail, d’avoir une garantie que les transports n’apportent pas toujours », constate Mickael Mamou. Sauf qu’à court terme, cette stratégie s’avère plus compliquée qu’elle n’y paraît.
Une stratégie à contre-courant
« Pour le moment, ce n’est pas encore possible, car l’on a besoin d’une autorisation de chaque ville pour opérer. C’est un travail de fourmi d’aller convaincre toutes les villes alentour. Il faut aussi que l’on définisse les masses quantitatives d’utilisateurs dans chaque zone de la périphérie, la première couronne, la deuxième couronne ».
Pour Bird, « déployer 3000 vélos dans Paris n’aiderait pas » à valider leurs hypothèses selon lesquelles les VAE en libre-service peuvent apporter une vraie solution de mobilité pour les habitants de banlieue désireux de se rendre dans Paris. « Je n’y crois pas à cette stratégie », assure Mickaël Mamou.
« Aujourd’hui, on veut apprendre et comprendre avec notre flotte de 600 vélos. Cela prendra du temps, mais on parle quantitativement de plusieurs centaines de milliers de personnes » potentiellement sujettes à utiliser un service comme Bird. « On a besoin de mesurer le besoin des personnes qui viennent travailler dans Paris », ajoute-t-il.
Pour justement apprendre, comprendre et analyser le marché, Bird va utiliser la même stratégie qu’à Marseille par le biais d’une consultation publique auprès de plusieurs milliers de citadins. Un formulaire soumis physiquement et en ligne permettra d’apporter de premiers éclaircissements sur les attentes, les blocages et les typologies de clients.
Tirer les enseignements du marché parisien
Selon les réponses, la stratégie est alors susceptible d’évoluer en redéfinissant par exemple les zones où est déployé le parc de vélos électriques, afin de maximiser les chances de rentabilité. Et Bird n’attend pas de miracle tout de suite : « On ne sera pas rentable sur les 6 premiers mois, on le sait », prévient le patron.
« Mais sur 12 mois, si nos hypothèses sont avérées, on aura trouvé quelque chose. Et si ce n’est toujours pas rentable, on se demandera ce que l’on a encore à apprendre de Paris. Tous les enseignements qu’on peut tirer à Paris, on pourra l’appliquer à d’autres villes », explique notre interlocuteur. « Donc oui, on restera à Paris tout de même et on définira le montant qu’on pourra investir pour tester de nouvelles hypothèses ».
Bird ne considère pas Paris comme une ville laboratoire pour autant, mais cherche tout simplement à trouver sa place sur un marché saturé où il est difficile de percer. Surtout que le vélo électrique mis en service ne se démarque absolument pas de la masse : c’est exactement le même modèle que Dott, fourni par le chinois Okaï.
Panier avant, 34 kilos, pneus pleins pour éviter les crevaisons, diagnostics automatisés, système de géolocalisation, GPS : sur le papier, rien ne change. Au niveau des prix, Bird s’est également aligné sur la concurrence avec un déblocage facturé 1 euro et une minute d’utilisation coûtant la somme de 21 centimes. Lime et Dott pratiquent les mêmes tarifs.
Quid de la concurrence ?
C’est peut-être sur les abonnements qu’il faut se pencher pour mieux opposer les offres de chacun. Voici les forfaits de Bird :
- Forfait mensuel avec déverrouillages gratuits et illimités à 5,99 euros (la tarification de 21 centimes s’applique ensuite) ;
- Forfait journée avec trajets illimités et frais de déblocage offerts à 8,90 euros ;
- Forfait trimestriel avec déverrouillages gratuits et illimités à 9,99 euros ;
- Forfait mensuel avec trajets illimités et frais de déblocage offerts à 34,99 euros.
En face, Lime propose différentes offres :
- Forfait 1h avec frais de déverrouillage offerts et trajets illimités à 10,99 euros ;
- Forfait journée avec frais de déverrouillage offerts et trajets illimités (45 minutes maximum) à 12,99 euros ;
- Forfait 3 jours avec frais de déverrouillage offerts et trajets illimités (45 minutes maximum) à 28,99 euros ;
- Forfait « Minutes » avec frais de déverrouillage offerts et 300 minutes de temps de trajet sur 30 jours à 39,99 euros.
Ainsi, Bird paraît plus avantageux sur certaines propositions, notamment le forfait à la journée. Les deux opérateurs optent par ailleurs pour des stratégies légèrement différentes, notamment au niveau des périodes proposées. Cela aura le mérite de combler le maximum de personnes possibles.
Comment Bird s’organise-t-il pour gérer la maintenance et la recharge de ses engins ? En 2019, l’entreprise a décidé d’internaliser le maximum d’opérations pour ne plus faire appel à des travailleurs freelance. Entrepôt, camions, chauffeurs, mécaniciens : les recrutements ont été nombreux pour atteindre une certaine indépendance.
Trouver le bon équilibre
Aujourd’hui, Bird jongle entre les deux systèmes pour développer une stratégie « sur-mesure » pour chaque ville. « On a mis en place de véritables valeurs sociales fondamentales, notamment sur la mécanique. Nos mécaniciens sont en CDI », avance Mickaël Mamou. Du côté de la recharge, la stratégie diffère légèrement.
Le groupe fait appel à un total de 8 partenaires régis par une charte commune, mais non rémunérés selon le nombre de recharges effectuées. Cet écosystème de partenaires est associé aux intérêts de Bird et touche des revenus selon les trajets effectués par les utilisateurs.
À Paris, la société américaine n’aborde pas la chose de la même manière. Avec peu de visibilité sur son succès et sa rentabilité, Bird ne veut pas prendre de risques et externalise donc la charge et la mécanique. Si sa présence parisienne se pérennise, l’internalisation de certaines ressources devrait alors avoir lieu.
Les ambitions de Bird vont le pousser à s’inviter dans plusieurs autres agglomérations du pays. « En France on pense qu’il y a entre 80 et 100 villes pour développer nos types de services qui sont pertinentes ». Paris reste bel et bien en ligne de mire sur le marché des trottinettes électriques, eu égard du nouvel appel d’offres prévu en 2023.
« En septembre 2020, on a quitté Paris la mort dans l’âme. C’est une immense fierté pour nous d’y revenir (sur le créneau des vélos électriques) », se félicite le DG de Bird France. La fierté en sera d’autant plus grande si Bird parvient à faire coup double avec les trottinettes électriques. Comme un goût de petite revanche qui plane dans l’air.
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