Le futur sera sans doute bien plus fourni en véhicules électriques que le présent, étant donné que l’ensemble des constructeurs de la planète ont d’ores et déjà entamé leur virage vers l’électrification. Outre le problème actuel de la production qui semble être le goulot d’étranglement, que se passerait-il si tous les véhicules devenaient électriques ?
Il y aurait, a priori, une grosse baisse des émissions de gaz à effet de serre, mais le réseau électrique pourrait-il tenir la charge ? Aurait-on besoin de construire d’autres centrales pour répondre à la demande ? Comment sera gérée la recharge de l’ensemble du parc automobile, alors qu’aujourd’hui la part de véhicules électriques reste minime ?
Beaucoup de questions peuvent se poser lorsque l’on imagine les décennies futures comme étant placées sous le signe de la mobilité électrique. Dans ce dossier, nous reviendrons donc sur les plus grosses interrogations que l’on est en droit de se poser et tenterons d’apporter des éléments de réponses pour savoir si l’impact de l’électrification de la flotte de véhicules sera aisément absorbable ou s’il faudra trouver des solutions à moyen terme.
Un nombre de véhicules électriques à multiplier par trente en quinze ans
En France, à la fin de l’année 2021, on dénombrait au total près de 450 000 voitures particulières 100 % électriques immatriculées depuis 2010. L’immense majorité de ces immatriculations sont encore sur les routes de l’hexagone étant donné que les modèles les plus anciens ont tout juste dix ans, comme la Nissan Leaf ou la Renault Zoe.
La part de marché de la voiture électrique en France n’a fait qu’augmenter, même si entre 2010 et 2019, elle n’a jamais réussi à atteindre 2 %. En 2020, avec l’arrivée de nouveaux modèles à la fois plus abordables et embarquant des batteries permettant d’en faire le véhicule principal d’un foyer, la part de marché a atteint 6,4 % pour la première fois. En 2021, la barre des 10 % a presque été atteinte, avec 9,8 % des immatriculations de voitures particulières qui étaient des véhicules 100 % électriques.
L’année 2022 verra sans doute la barre symbolique des 10 % dépassée, l’ensemble des constructeurs ayant des objectifs d’émissions de CO2 des voitures neuves vendues en France toujours plus bas et les consommateurs étant de plus en plus enclins à sauter le pas vers la voiture électrique.
Si la part de marché des voitures 100 % électriques reste pour le moment assez faible dans nos contrées, les prévisions réalisées par RTE (Réseau de transport d’électricité) affirment que d’ici 2035, il faudrait compter jusqu’à 15 600 000 de véhicules électriques. La plateforme de la filière automobile (PFA) en France a quant à elle annoncé que le scénario le plus probable conduirait en 2035 à un parc français atteignant 9 millions de véhicules électriques.
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Ces scénarios envisagent une part de véhicules 100 % électriques au niveau européen de 19 % seulement en 2035, ce qui signifie que plus de quatre voitures sur cinq qui seraient vendues ne seraient pas électriques. En France, la plateforme de la filière automobile prévoit toutefois une grosse part de véhicules 100 % électriques en 2035, atteignant plus de 30 % des nouvelles immatriculations.
Tous ces véhicules 100 % électriques à venir auront bien entendu besoin d’être rechargés et, pour cela, il faut que les points de charge soient disponibles en quantité suffisante d’une part, mais également que le réseau électrique soit en capacité d’absorber la charge plus importante. Examinons ce qui est prévu.
Une augmentation de la consommation électrique à anticiper ?
Si le nombre de véhicules électriques va exploser de manière quasi certaine dans la décennie en cours, l’impact global que cela aura sur la consommation électrique d’un pays comme la France ne devrait pas être très important pour autant. Selon les prévisions du RTE, un million de véhicules électriques en circulation équivaudraient à 2,5 TWh de consommation annuelle. Cela revient à considérer chaque véhicule électrique comme consommant 2 000 kWh par an (soit l’équivalent de 10 000 à 15 000 kilomètres par an, sachant que la moyenne nationale est actuellement située autour de 12 000 kilomètres).
Pour aller plus loin
Comment préparer ses longs trajets en voiture électrique ?
Dans les scénarios les plus optimistes en faveur de l’électrique, la consommation en 2035 liée à la voiture électrique atteindrait alors environ 40 TWh, pour une consommation totale en France située autour de 500 TWh. Ainsi, ce serait autour de 8 % de la consommation totale d’électricité en France qui serait associée au développement de la mobilité électrique. Malgré l’augmentation conséquente du parc de véhicules électriques, l’ensemble des études s’accordent sur le fait que la consommation totale d’électricité en France ne dépasserait pas son niveau actuel, étant donné que beaucoup d’autres domaines vont être amenés à réduire leur consommation électrique d’ici 15 ans.
Nous pouvons citer la Norvège en exemple, qui compte un grosse part de véhicules électriques, avec près de deux véhicules sur trois vendus en 2021 qui étaient électriques. Pour autant, la consommation moyenne annuelle sur les vingt dernières années ne s’envole pas, ce qui conforte les prévisions faites pour la France dans leurs estimations. Toutefois, bien que la consommation globale d’électricité ne devrait pas augmenter dans l’hexagone, on ne peut néanmoins pas en dire autant de la puissance maximale appelée. Avec plus de 15 millions de véhicules électriques dans les cas les plus optimistes, si tout le monde se branche en même temps, que va-t-il se passer ?
Des pics de puissance à répartir
Dans son rapport de 2020, le RTE annonce que « le développement généralisé des solutions simples de pilotage de la charge permet de limiter les appels de puissance à la pointe ». Concrètement, cela signifie que bien que toutes les voitures puissent être branchées simultanément, elles ne chargeront pas toutes à leur puissance maximale dès leur branchement. Ainsi la contribution des véhicules électriques aux pointes de consommations hivernales serait comprise entre 2,2 et 3,6 GW dans le scénario le plus probable, ce qui ne devrait pas poser problème dans l’état actuel du réseau électrique national.
En effet, en plein hiver, lorsque les foyers consomment le plus d’électricité, le pic de consommation était de 83,2 GW en 2020. Cette hausse d’appels de puissance de 2,2 à 3,6 GW est donc très faible comparé à la consommation électrique totale de la France avec moins de 5 %.
Le RTE considère qu’en 2035, le pilotage de la recharge sera largement adopté, mais dans ses formes les plus simples : une recharge en heures creuses, aisément contrôlée par un compteur communiquant comme le Linky. Ce serait ainsi 60 % des recharges qui seraient pilotées de cette manière, ce qui a un effet bénéfique pour le consommateur qui verra sa facture d’électricité baisser et pour le réseau qui sera plus à même de fournir une puissance maximale pendant ces heures de basse consommation.
Quoi qu’il en soit, bien que la charge de tous les véhicules simultanément soit possible à l’heure actuelle, elle reste une hypothèse extrême et très improbable selon le RTE. Dans son scénario le plus pessimiste, les appels de puissance pourraient atteindre jusqu’à 8 GW lors de la recharge des véhicules électriques. Cette simulation visant à tester une configuration défavorable pour le système électrique est réalisée pour anticiper ce qu’il se passerait si tous les mauvais choix étaient faits pendant la décennie en cours en matière de pilotage de recharge, d’habitudes de déplacements ou encore de développement de points de charge sur le lieu de travail.
Concrètement, ce scénario prévoit que 85 % des utilisateurs de véhicules électriques rentrent à la même heure en début de soirée, branchent leur voiture systématiquement et que la charge démarre immédiatement à pleine puissance pour 60 % d’entre eux. Le réseau électrique serait alors fortement sollicité et pourrait potentiellement ne plus pouvoir assurer le niveau de sécurité d’approvisionnement requis par les pouvoirs publics. Le RTE modère toutefois son propos en assurant qu’il suffirait de pouvoir piloter seulement 55 % des recharges pour éviter tout problème.
Il est ainsi très aisé d’éviter le moindre souci, rien qu’en démarrant la charge en heures creuses pour une majorité des utilisateurs de véhicules électriques, ce qui correspond à ce que font d’ores et déjà bon nombre d’électromobilistes. Mais il y a encore un autre moyen d’optimiser la charge sur le réseau, voire de grandement améliorer la situation actuelle : la charge bidirectionnelle.
Vers une voiture intelligente qui partage sa batterie
Dans un scénario plus optimiste sur la généralisation du pilotage des recharges et de l’utilisation de la technologie V2G (vehicle to grid) où 80 % des recharges seraient pilotées et 20 % d’entre elles utiliseraient la technologie V2G, le RTE affirme même que l’appel de puissance maximal à la pointe hivernale diminuerait de plus de 5 GW. Bien entendu, cela implique une modification des comportements, avec un branchement systématique des véhicules lorsqu’ils sont stationnés à domicile, à une borne de recharge offrant une puissance de 7,4 kW.
Ceci permettra d’offrir d’importants services de flexibilité au système électrique, assurant une gestion très intelligente de la répartition de la charge sur le réseau, permettant de lisser les appels de puissance de manière conséquente. Certains véhicules électriques offrent cette possibilité dès aujourd’hui dans une certaine mesure, à l’image des Kia EV6 et Hyundai Ioniq 5 notamment, qui permettent d’utiliser leur batterie comme une source d’alimentation pour des équipements annexes.
Dans un futur proche, il est probable que les solutions de V2G se développent, à petite échelle dans un premier temps, puis se généralisent en même temps que le réseau électrique deviendra de plus en plus intelligent. Avec le développement nécessaire des énergies renouvelables (éolien et solaire notamment) dans le mix énergétique français, utiliser les batteries des millions de véhicules électriques branchés pour emmagasiner le surplus de production ou fournir de l’énergie au réseau en cas de besoin deviendra de plus en plus utile. Ce futur pourrait sembler utopique, mais les études du RTE qui comportent seulement 20 % du parc comme étant équipé de la technologie V2G affirment que les gains seraient conséquents, tant financièrement pour le consommateur final que pour la santé du réseau électrique national.
Un problème qui n’en est pas un
Quel que soit le scénario envisagé pour la décennie à venir, le réseau électrique national semble d’ores et déjà suffisant pour répondre à la demande de recharge des véhicules électriques à venir. Si les études les plus pessimistes prévoient un pic de puissance considérablement accru, un simple pilotage de la charge comme nous savons déjà le faire suffit à résoudre le problème pour la sécurité du réseau. Là où les plus optimistes voient une nette inflexion de la puissance disponible appelée grâce au V2G et une consommation électrique totale ne dépassant pas celle d’aujourd’hui même en ajoutant 15 millions de véhicules électriques, la vérité de 2035 se trouvera sans doute quelque part entre ces deux estimations.
La part des véhicules électriques va nettement augmenter dans les années à venir, avec sans doute 2022 qui verra pour la première fois plus de 10 % de voitures neuves immatriculées qui seront électriques, et les habitudes de déplacement vont évoluer également. Si les grands trajets sont aujourd’hui encore une source d’anxiété pour certains et que le problème de la recharge à domicile ou au travail n’est toujours pas solutionné, les politiques européennes en matière de mobilité sont en train d’évoluer. Nul doute que la décennie en cours verra ces deux problèmes disparaitre, et le souci de la charge sur le réseau électrique n’est d’ores et déjà plus d’actualité.
Pour aller plus loin
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