Aujourd’hui, la plupart des automobilistes souhaitant acheter une voiture électrique ou ayant déjà sauté le pas évoquent les économies de carburant, selon une étude du cabinet Deloitte. Mais pour nombre d’entre eux, notamment en Allemagne et aux États-Unis, la préservation de l’environnement fait également partie des principales raisons. En effet, il est communément admis que la voiture électrique est plus propre que les véhicules thermiques, alors qu’elles ne rejettent pas de CO2 en circulation.
Un mécanisme méconnu
Or, et comme nous vous l’expliquions dans un précédent article, ce n’est pas toujours le cas. En effet, les voitures électriques sont loin d’être irréprochables, alors que l’extraction du lithium nécessaire à la fabrication de la batterie est par exemple très polluante et en partie effectuée en Chine dans des conditions peu éthiques.
Mais ce n’est pas tout, car la recharge pose aussi un problème. En effet, en 2021, l’Agence Internationale de l’Energie estimait qu’un kilowattheure d’électricité génère 458 grammes de CO2 en moyenne dans le monde. C’est beaucoup moins dans certains pays, avec par exemple environ 53 grammes de CO2 en France. Ce qui permet de dire que la voiture électrique pollue moins que la voiture thermique.
Mais, outre les émissions ainsi que l’impact sur un réseau déjà sous tension (en attendant l’essor de la charge bidirectionnelle permettant de réduire celle-ci), il y a un autre problème. Celui-ci est encore méconnu et a notamment été révélé par une étude menée par le fournisseur d’énergie solaire allemand Lichtblick.
L’entreprise dénonce tout d’abord la situation de monopole sur le marché des bornes de recharge pour voitures électriques. En effet, alors que l’Allemagne compte 46 956 bornes et 3 300 opérateurs, ceux-ci coopèrent avec des fournisseurs d’électricité régionaux et s’assurent de très fortes parts de marché. Ces dernières dépassent bien souvent les 60 %, voire même dans certains cas les 80 %. Lichtblick cite notamment le fournisseur Enercity, qui représente 90 % des points de charge dans la ville d’Hanovre.
Mais comment cela s’explique-t-il ? En réalité, c’est assez simple. En effet, depuis 2005, l’Union européenne offre la possibilité aux entreprises d’acheter des crédits CO2 à une autre, afin de répondre aux objectifs en termes d’émissions. C’est ce qui se fait par exemple avec Tesla, qui ne commercialise que des voitures électriques et qui revend ses crédits CO2 à d’autres marques proposant des modèles thermiques.
Ce qui permet aux constructeurs historiques d’être tout de même dans les clous face aux exigences de l’Europe. Ce qui devrait toutefois changer avec l’interdiction des voitures à combustion interne en 2035.
Financer les énergies fossiles
Or, seuls les opérateurs de bornes de recharge peuvent revendre les crédits des recharges issues d’énergies renouvelables et non pas les fournisseurs d’électricité. Cela signifie qu’un fournisseur d’énergies renouvelables doit alors mettre en place ses propres points de charge, afin d’empocher les deniers, puisque c’est l’entreprise faisant fonctionner ces bornes qui en profitera. On comprend alors mieux pourquoi TotalEnergies, par exemple, se met à déployer son réseau de bornes rapides à vitesse. grand V.
Cette situation crée alors un déséquilibre, puisque les fournisseurs d’énergie « verte » qui revendent cette dernière à des opérateurs tiers ne bénéficient pas du quota de GES (gaz à effet de serre) mis en place par l’Europe. À la place, ce sont les opérateurs de recharge, qui se gavent de ces millions de crédits CO2 par an, sans forcément participer à l’essor des énergies renouvelables.
Mais alors, qui rachète ces crédits CO2 ? Et bien les sociétés pétrolières, comme l’explique le média allemand Automobilewoche, sans toutefois citer de noms. Concrètement, en rechargeant votre véhicule sur une borne rapide, vous financez sans le savoir cette industrie. Un véritable non-sens écologique au profit de l’économie.
Et ce système représente une belle manne financière pour les opérateurs de bornes de recharge, alors que les revenus générés ont représenté plus de 100 millions d’euros en 2022 rien qu’en Allemagne. Litchblick ajoute que les opérateurs de bornes empochent alors 0,25 euros sur chaque kWh vendu à ses clients
Résultat, ils ont alors tout intérêt à conserver des prix élevés afin d’augmenter leurs profits. Pour lutter contre ce phénomène, Litchblick préconise un autre système, qui permettrait au fournisseur d’énergie de profiter de ce quota de GES, qui l’échangerait ensuite. Enfin, le produit de cette transaction profiterait alors aux clients, en permettant de réduire le coût de l’électricité.
En France, l’amortisseur électricité à la rescousse
Une situation semblable en France, alors que ces quota concernent toute l’Europe. Ce qui explique le prix aussi élevé de la recharge, dont le manque de transparence a été récemment dénoncé par le sénateur de la Seine-Saint-Denis Gilbert Roger, qui demandait notamment la mise en place du bouclier tarifaire promis en octobre dernier. Une mesure finalement mise en place il y a quelques semaines.
Le gouvernement a toutefois rappelé que « la recharge ouverte au public des véhicules électriques relève du secteur concurrentiel, dont les tarifs sont librement définis par les opérateurs. Ces tarifs peuvent dépendre des kilowattheures distribués, mais également d’autres facteurs, notamment la rapidité de la recharge« . Aucune mesure visant à plafonner les prix de la recharge sur les bornes publiques n’est donc envisagée pour l’instant sur le territoire.
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