Le groupe autoroutier Sanef a organisé un sondage auprès de plus de 1000 automobilistes à la fin du mois de mars 2023. Les questions étaient toutes tournées autour de la voiture électrique, et de sa capacité à réaliser de longs trajets comme on peut le découvrir dans le communiqué de presse.
80 % des Français font fausse route
Ainsi, on peut lire que « Si 8 Français sur 10 pensent que les véhicules 100% électriques sont adaptés à la ville, seuls 2 sur 10 jugent que c’est le cas pour l’autoroute ». En d’autres termes, les Français pensent, majoritairement, que la voiture électrique n’est pas adaptée aux longs trajets autoroutiers, par exemple lors des départs en week-end ou vacances.
La raison ? Il y en a plusieurs : le manque d’autonomie en première place (pour 75 % des sondés), la durée de recharge (65 %) et les difficultés à trouver des stations de recharge (56 %). Mais le pire est à venir : « 42% seulement des propriétaires de véhicules 100% électriques pensent que ces véhicules sont adaptés aux autoroutes ». Il y a donc de nombreux possesseurs de voitures électriques qui pensent que ce type d’automobile n’est pas faite pour l’autoroute.
Loin de nous l’idée de vouloir jeter la pierre à ces conducteurs. Mais ces réponses, en partie décorrélées de la réalité, montrent à quel point la voiture électrique a été la cible de campagnes de désinformation massive, de la part de nombreux acteurs. Ces réponses montrent aussi à quel point certains modèles ont terni l’image des voitures électriques. Et surtout, les raisons pour lesquelles la voiture électrique nécessite une formation et une information exhaustive et de qualité des conducteurs, pour tordre le cou aux idées reçues.
La preuve par l’expérience
Vous lisez ces ligne et pensez encore que les voitures électriques ne sont pas faites pour prendre l’autoroute à 130 km/h (ou 110 km/h dans un futur sûrement pas si lointain) ? Certains membres de notre rédaction possèdent une voiture électrique depuis 2019 et réalisent de longs trajets autoroutiers tout au long de l’année.
Vous pouvez d’ailleurs lire le témoignage de Bob, l’un de notre pigiste auto, qui a même troqué une Tesla Model 3 Grande Autonomie contre une Tesla Model Y Propulsion, perdant au passage près de 150 km d’autonomie théorique, après avoir roulé plus de 135 000 km en trois ans, à travers la France.
Vous pouvez également lire le témoignage de Romain, qui a parcouru 4 000 km à travers la France lors de la (redoutée) période des chassés-croisés, à l’été 2022. Et sans y perdre de plumes !
Des voitures électriques qui jouent contre leur camps
Mais, il est vrai, toutes les voitures électriques ne se valent pas au jeu des longs trajets. La voiture électrique la plus populaire en France a longtemps était la Renault Zoé. Précurseur en son temps, elle a justement fait son temps. On se souvient d’un reportage télévisé où elle était la risée de toute une rédaction, aux yeux de la France entière. En cause : de multiples erreurs du journaliste et de Renault lors du casting de la voiture.
La Renault Zoé a sûrement fait du bien à la voiture électrique en France, en permettant de démocratiser ce mode de transport, face aux voitures thermiques. Mais, d’un autre côté, elle aura aussi fait du mal à la voiture électrique. Il n’y a qu’à regarder sa fiche technique : 395 km d’autonomie et une recharge de 10 à 80 % en 50 minutes. Une autonomie correcte, mais une recharge trop longue pour les longs trajets. Et encore, c’est en prenant l’option de recharge rapide. Mais, la Zoé n’avait pas été pensée comme une berline autoroutière, d’où sa recharge assez « lente ».
Et c’est justement un élément qui est trop souvent oublié et qui induit ces nombreuses idées reçues sur la voiture électrique : la recharge rapide.
Toutes les voitures ne se valent pas
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Lors d’un dossier dédié, nous avions justement comparé trois voitures électriques dotées d’une autonomie théorique de 400 km sur un trajet Paris – Marseille. Bien sûr, l’autonomie a un impact direct sur les temps de trajet. Plus l’autonomie est élevée, et moins la voiture nécessitera des arrêts de recharge. Mais, la vitesse de recharge est sûrement l’élément le plus important de l’équation.
Ainsi, la Tesla Model 3 Propulsion de 2020, avec son autonomie de 409 km (elle est désormais de 510 km sur la version 2022), ne demande que 25 minutes pour passer de 10 à 80 % lors de la recharge. Ce qui implique, approximativement, un arrêt recharge de 20 minutes toutes les deux heures sur autoroute, en moyenne et en roulant à 130 km/h.
Beaucoup de consommateurs attendent une voiture électrique avec une autonomie similaire à celle d’une voiture essence ou diesel (de 800 à 1000 km) avant de franchir le pas. Mais, l’autonomie est un faux problème, et certains constructeurs l’ont bien compris.
Les voitures électriques avec 1 000 km d’autonomie
Certes, les voitures électriques chinoises dotées d’une autonomie théorique de 1 000 km se multiplient comme des petits pains. On pense notamment à la Zeekr 001 ou encore aux Nio ET5 et ET7, surpassant les Lucid Air, Tesla Model S et Mercedes EQS. Mais pour parvenir à ces autonomies délirantes, les constructeurs chinois intègrent dans leurs voitures électriques des batteries presque trois fois plus imposante que dans une Tesla Model 3 Propulsion. On parle d’une capacité de 140 à 150 kWh, à comparer avec les 50 kWh d’une Tesla Model 3 de 2020.
Pour aller plus loin
Voiture électrique avec 1000 km d’autonomie : on connaît enfin le prix de sa batterie
La conséquence : un coût hors norme (qui se traduit par un prix de vente peu abordable), un besoin en matière première énorme et une pollution à la fabrication plus importante. C’est pour cette raison que certains constructeurs, comme Ford, Renault ou encore Volkswagen, prennent la voie inverse.
L’idée : produire des voitures avec une batterie de taille raisonnable, mais dotées d’une recharge ultra-rapide. L’objectif : viser une autonomie correcte, qui ne permette pas de traverser la France d’une traite, certes, mais avec une recharge en quelques minutes.
C’est le cas de la future Volkswagen ID.2, qui vise un prix de vente de 25 000 euros, avec une autonomie de 450 km et une recharge en 20 minutes. Ford veut faire pareil avec son futur SUV, qu’il qualifie de « train à grande vitesse » du fait des optimisations apportées au véhicule pour réduire drastiquement la capacité de sa batterie, sans toucher à l’autonomie.
Renault, de son côté, veut prendre la même voie, avec des batteries de taille raisonnable (on parle de 40 à 50 kWh pour la future Renault R5 électrique). La conséquence : un prix contenu, une consommation diminuée et une empreinte carbone plus faible.
La recharge rapide en ligne de mire
Comme vous l’aurez compris à la lecture de ces lignes, l’autonomie n’est pas l’enjeu principal de la voiture électrique. Certes, une forte autonomie permettra de rassurer les plus frileux, mais avec toutes les conséquences néfastes listées plus haut.
À l’inverse, la bataille de la voiture électrique se situe dans le domaine de la recharge rapide. Et à ce petit jeu, les constructeurs réalisent des avancées considérables. Nio (encore lui) propose des stations d’échange de batterie (que nous avons pu essayer) qui permettent de « recharger » (ou plutôt d’échanger) une batterie en moins de cinq minutes.
Tesla a récemment mis à jour discrètement sa Tesla Model Y dotée d’une batterie de son concurrent principal, le chinois BYD, numéro 2 mondial de la voiture électrique, permettant de passer de 10 à 80 % en 20 minutes lors d’une recharge. C’est toujours moins rapide que les 18 minutes de la Hyundai Ioniq 6 grâce à son architecture 800 volts.
Mais les constructeurs chinois arrivent fort dans le domaine, avec une promesse d’une recharge en 12 minutes dans les prochains mois, et 5 minutes dans les prochaines années comme l’a annoncé le géant CATL. C’est limite trop rapide, empêchant de prendre son café et de réaliser la pause technique dans de bonnes conditions, sans se presser.
Le choix de la voiture et l’autonomie
Enfin, dernier élément au sujet de l’autonomie des voitures électriques : un modèle qui aurait une autonomie réelle sur autoroute de 130 km (soit environ 250 km sur le cycle WLTP, soit à peu près l’autonomie de la Dacia Spring) nécessiterait de s’arrêter pour la pause recharge toutes les heures. Même si celle-ci ne dure que 10 minutes (ou plus), c’est tout de même une contrainte.
Mais, lors du choix d’une voiture, faut-il prendre en compte ces longs trajets, que la plupart des Français ne réalisent qu’une fois par an ? Ne vaut-il mieux pas prendre en compte ses besoins réels, au quotidien ? En Europe, la moyenne des trajets en voiture est de 30 km par jour. Largement suffisant pour toutes les voitures électriques, sans avoir besoin de recharger tous les jours.
Où sont les stations de recharge ?
On ne peut pas terminer ce tour d’horizon sans citer les deux autres problématiques soulevées par les Français : le manque de stations de recharge et la difficulté de trouver ces dernières. Les Français marquent un point… mais à court terme.
Le réseau de recharge pour voitures électriques connaît une croissance fulgurante depuis ces dernières années en France. Le pays a passé la barre des 100 000 bornes de recharges publiques (1 million au total en comptant les bornes privées) au mois de mai 2023. Les opérateurs de bornes et l’État doit maintenant la pression pour que cette croissance continue.
Mais en tant qu’utilisateurs quotidiens de voitures électriques, nous avons pu voir la différence entre 2019 et 2023. La densité des bornes est largement supérieure sur le territoire français. Sanef en profite d’ailleurs pour rappeler que toutes les aires de services du réseau sont équipées de bornes de recharges, soit tous les 50 km en moyenne.
Pour aller plus loin
Voiture électrique : une borne de charge rapide tous les 60 km, voici la carte des routes concernées
Le nombre de bornes ne suffit pas, il faut aussi que celles-ci soient fiables, et disponibles. Et à ce petit jeu, Tesla reste clairement le leader. Rouler en voiture électrique sur de longues distances en Tesla est simple. Dans les voitures électriques concurrentes qui n’ont pas accès à la totalité du réseau de Superchargeurs Tesla, les longs trajets sont un peu moins tranquilles, à cause de la fiabilité plus aléatoire des bornes, qui s’améliore toutefois de jour en jour.
Le planificateur d’itinéraire : un élément à ne pas oublier
Enfin, la question de trouver facilement les bornes de recharge n’est pas anodine. Il existe des applications (comme Chargemap ou A Better Route Planner) qui permettent d’identifier facilement les bornes de recharge sur son trajet et qui indiquent même à quel moment il faut s’arrêter pour rmplir la batterie. On appelle cela un planificateur d’itinéraire.
Mais tous les constructeurs ne sont pas égaux sur le sujet. Certains intègrent un planificateur d’itinéraire à leurs voitures, quand d’autres n’y pensent même pas. C’est pour cette raison que sur Frandroid, une voiture électrique qui n’intègre pas de planificateur d’itinéraire n’aura jamais une note supérieure à 8/10. C’est un élément important pour faciliter et fluidifier les longs trajets. On ne pense pas à la recharge, c’est la voiture qui s’en occupe à la place du conducteur.
Comme nous venons de le voir, le problème de l’autonomie sur les voitures électriques est un faux problème. Sur le court terme, il est vrai que l’autonomie est un critère à prendre en compte pour traverser la France en voiture électrique. Mais une autonomie de 400 km avec une recharge rapide suffit amplement. Inutile d’attendre les (coûteuses) voitures électriques à l’autonomie de 1000 km pour sauter le pas.
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