Carlos Tavares, PDG de Stellantis, groupe qui réunit de grands noms de l’automobile comme Peugeot, Citroën, Jeep, Fiat et Opel, n’y est pas allé de main morte lors de son interview avec Le Figaro. L’homme d’affaires s’est exprimé avec une franchise peu commune, n’hésitant pas à qualifier de « brutalité » le virage vers l’électrique que l’industrie automobile est contrainte de prendre.
Brutalité est le mot qui convient pour décrire l’amplitude du changement qui nous est imposé dans un espace-temps très limité. L’industrie doit passer d’une technologie qui a été optimisée, affûtée, pendant plus d’un siècle à une technologie encore balbutiante.
Selon Carlos Tavares, cette transition « brutale » est d’autant plus ardue qu’elle s’effectue dans un contexte de concurrence accrue, notamment de la part des constructeurs chinois. En effet, ceux-ci ont déjà une longueur d’avance sur leurs homologues occidentaux en termes de technologie électrique et de structures de coûts plus compétitives.
La technologie n’est pas aboutie. Rien n’est optimisé. Cela, c’est la réalité face à laquelle nous devons être lucides. (…) les constructeurs chinois ont pris de l’avance et nous devons être prêts au combat face à eux.
Mais au-delà de cette brutale transition technologique, c’est l’ampleur du défi organisationnel qui est souligné par le dirigeant de Stellantis. Comparant l’électrification à un saut à la perche pour des basketteurs aguerris, il souligne le bouleversement nécessaire des organisations et des infrastructures industrielles pour réussir cette transition.
Carlos Tavares se montre résolument lucide et prône une approche globale plutôt que protectionniste
Face à la concurrence chinoise, Carlos Tavares se montre résolument lucide et prône une approche globale plutôt que protectionniste. Pour lui, Stellantis, en tant qu’entreprise internationale, doit faire face à ses concurrents partout dans le monde, y compris en Europe. Un protectionnisme européen, selon lui, pourrait davantage entraver les affaires du groupe sur les marchés étrangers.
Bien que Stellantis ait déjà introduit une douzaine de véhicules électriques, Carlos Tavares estime que le groupe n’est pas encore totalement prêt pour l’électrification. Il souligne également que les subventions ne sont pas la solution miracle pour sauver le secteur automobile de cette transition délicate. Pour lui, la réussite se jouera sur le prix de vente et la capacité à rivaliser avec des structures de coûts low cost, sans nécessairement recourir à la production en Chine.
Dans le même temps, Carlos Tavares n’est pas convaincu par l’idée de relocaliser la production en France. C’est particulièrement le cas pour des modèles comme la 208 électrique, la voiture électrique la plus vendue en France en 2022. Selon lui, une telle relocalisation forcerait le groupe à augmenter ses coûts, ce qui serait contraire à l’objectif de compétitivité. Il appelle à une réflexion stratégique pour combler le fossé entre les coûts de production en Europe et en Chine, et pour tirer parti des atouts des pays européens.
C’est sur le prix de vente que la réussite de cette transition se fera. Or, la relocalisation augmente les coûts. Cela nous éloigne donc de l’objectif. (…) Une subvention à l’investissement ne peut pas contrer une différence de coûts variables sur le cycle de vie d’un modèle. Faisons preuve de sagesse, ce n’est probablement pas la meilleure façon d’utiliser l’argent du contribuable.
Face à la concurrence chinoise, il envisage deux solutions : « La première, c’est de lutter avec les mêmes armes que nos concurrents ; en clair, de profiter de structures de coûts low cost. La deuxième, c’est de produire dans nos pays des voitures avec une forte valeur ajoutée et un plus grand contenu technologique. ».
L’une des préoccupations de Carlos Tavares est la modification potentielle du bonus écologique en France. À l’heure actuelle, le bonus écologique est une aide financière octroyée par l’État français pour encourager l’achat de véhicules propres, notamment électriques. Tavares estime que ce système, bien qu’il ait été créé avec de bonnes intentions, favorise indirectement les constructeurs chinois en raison de leurs coûts de production inférieurs. Le PDG de Stellantis espère donc une révision de cette aide, comme le souhaite Emmanuel Macron, de manière à favoriser une concurrence plus équilibrée entre les constructeurs européens et chinois. Il prône néanmoins l’intégration des pays européens dans le calcul, et pas seulement ceux qui produisent en France.
Carlos Tavares est conscient des défis que représente la transition vers l’électrique et l’arrivée massive des constructeurs chinois. Sa lucidité est rafraîchissante, mais la question se pose : est-ce suffisant pour relever les défis à venir ?
Le groupe Stellantis ne reste pas les bras croisés face à ces défis
Le groupe Stellantis ne reste néanmoins pas les bras croisés face à ces défis. En effet, plusieurs de ses marques avancent à grands pas vers la transition électrique. Jeep, par exemple, a récemment commercialisé son premier véhicule entièrement électrique, illustrant bien l’évolution vers l’électrification même des constructeurs traditionnellement axés sur les véhicules tout-terrain à essence.
Par ailleurs, Fiat, une autre marque emblématique du groupe Stellantis, a annoncé le lancement de la Fiat 600e, un petit SUV entièrement électrique. Ce lancement représente une avancée significative pour Fiat dans sa transition vers une gamme de modèles plus respectueux de l’environnement.
Peugeot, quant à lui, est également en train de faire des progrès notables dans le domaine des véhicules électriques. La marque est en effet en train de tester la version remodelée de sa 2008 électrique.
Parmi les initiatives de Stellantis pour élargir son offre de véhicules électriques, Citroën, l’une de ses marques phares, a annoncé sa future Citroën ë-C3 électrique. Ce modèle, qui sera produit en Slovaquie et offert à un prix inférieur à 25 000 euros, incarne la volonté de Stellantis de proposer des véhicules électriques abordables.
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