Comme vous l’avez peut-être constaté si vous suivez avec assiduité l’actualité automobile, les voitures chinoises occupent aujourd’hui une bonne partie de cette rubrique.
Pour recontextualiser un peu, après le scandale du Dieselgate intervenu en 2015, nous avons assisté à une transition sans précédent avec l’avènement de l’électrification dans nos voitures.
Les constructeurs, sous la pression du législateur, se sont penchés sur les voitures électrifiées (hybrides d’abord, puis rapidement 100 % électriques). La Chine a bien évidemment vu cela comme une opportunité de marché sans précédent et a concentré ses efforts autour de cette énergie.
Des constructeurs pas si « nouveaux » que ça
Résultat, moins de dix ans après le Dieselgate, les constructeurs chinois s’installent progressivement sur d’autres marchés que le leur, avec des produits qui, sur le papier, n’ont absolument rien de ridicules, même si quelques hérésies ont vu le jour. Il y a environ trois ans, après la pandémie, nous avons vu émerger de nombreux « nouveaux » constructeurs, pour la plupart chinois.
« Nouveaux », ces constructeurs l’étaient pour nous, consommateurs européens, mais en réalité, ils officiaient déjà depuis de nombreuses années en Chine. Alors certes, il y a eu des marques qui ont disparu aussi rapidement qu’elles sont apparues, mais globalement, les constructeurs que nous avons découverts montraient de jolies promesses.
La Chine est le berceau de plusieurs marques de voitures électriques, telles que BYD, NIO, XPeng et Li Auto, qui ont conquis à la fois le marché chinois et le marché mondial. Ces constructeurs proposent une gamme diversifiée de véhicules électriques, des SUV aux berlines, en passant par les véhicules de luxe. Certains de ces modèles rivalisent en termes de performances et de fonctionnalités avec leurs homologues européens.
Et ça, nous avons pu le vérifier à plusieurs reprises. Récemment, nous avons pris en main la nouvelle BYD Seal. Un modèle qui, globalement, nous a agréablement surpris, avec une qualité de finition plutôt dans la bonne moyenne de la catégorie et des performances assez remarquables.
Cette berline électrique chinoise n’a pas grand-chose à envier à la Tesla Model 3 sur le papier, et même si tous les produits chinois que nous avons essayés ne sont à ce niveau, force est de constater que la plupart des produits que nous essayons sont convaincants, et disposent même d’une avance assez significative en termes de technologies électriques face à des mastodontes comme le groupe Volkswagen ou encore Stellantis.
Comment se démarquent les constructeurs chinois ?
L’innovation technologique est aussi l’un des piliers de la réussite des voitures électriques chinoises. Le pays investit massivement dans la recherche et le développement, notamment dans les domaines des batteries, de la connectivité et de la conduite autonome. Ces investissements ont conduit à des avancées significatives en matière de performances, d’autonomie et de fiabilité des véhicules électriques chinois.
Nous n’allons pas vous faire le listing de tout ce que proposent les différents constructeurs chinois en termes de technologies (parfois très gadgets pour nous, clients européens), mais certaines d’entre elles montrent aussi pourquoi les constructeurs chinois sont redevenus maîtres sur leur propre marché.
Une récente étude réalisée par le cabinet Oliver Wyman en 2022 a révélé que 90 % des conducteurs chinois seraient prêts à changer de marque pour bénéficier de davantage de connectivité. Cela contraste fortement avec moins de la moitié des consommateurs européens. La connectivité est devenue un facteur déterminant pour les constructeurs sur le marché chinois.
Les constructeurs européens en sont d’ailleurs bien conscients, comme le souligne d’ailleurs Walter Mertel, le directeur financier de BMW : « Si vous n’avez pas cette offre en Chine, aucun client ne vous prend en compte. »
Les constructeurs multiplient les partenariats avec des applications de musique, de navigation et de vidéo pour les intégrer à leurs plateformes. BYD va même jusqu’à développer une application de karaoké, très prisée en Chine, pour le public européen.
Chez Leapmotor, un assistant virtuel baptisé Xiao Ling peut identifier jusqu’à huit personnes utilisant la voiture grâce à un système de reconnaissance faciale, une tendance de plus en plus adoptée par les constructeurs. Il mémorise les préférences des utilisateurs en ajustant la position des sièges, l’éclairage intérieur et en proposant automatiquement l’adresse de leur domicile. Vous aurez beau chercher chez les constructeurs européens, ce type de technologie n’existe pas encore.
Avec la perspective de la conduite autonome qui détournera l’attention du conducteur de la route, les écrans occupent désormais une place prépondérante dans les véhicules. Certaines marques chinoises, telles que Hiphi, vont encore plus loin. Leur assistant virtuel est capable de se déplacer grâce à un bras articulé pour s’adapter à la personne qui lui parle. De plus, la voiture peut projeter des films contre un mur ou des symboles sur la chaussée à l’aide de ses phares. Des émoticônes s’affichent même sur un écran situé sous les phares pour avertir les piétons. Ça aussi, vous pouvez regarder en Europe, ça n’existe pas encore.
Des voitures parmi les plus sécuritaires du marché
Bien que des différences puissent subsister par rapport aux normes européennes en matière de sécurité et de qualité, l’industrie automobile chinoise a fait des progrès significatifs dans ce domaine. De nombreuses marques chinoises se conforment désormais à des normes de sécurité européennes, et de toute manière, ils n’ont pas le choix s’ils veulent vendre en Europe.
Et cela tombe plutôt bien que ces fameuses voitures chinoises soient bardées de technologies d’aides à la conduite, puisque l’organisme Euro NCAP, avec son nouveau protocole, met aujourd’hui l’accent sur les aides à la conduite. Ainsi, les voitures chinoises les plus récentes commercialisées en Europe écopent souvent de la note maximale en matière de sécurité, à savoir cinq étoiles, alors même que certaines voitures européennes n’ont que 3 ou 4 étoiles.
Ont-elles encore l’avantage du prix ?
Les voitures électriques chinoises sont souvent vantées pour leur prix compétitif. En général, elles sont plus abordables que leurs homologues européennes, ce qui les rend attrayantes pour un large éventail de consommateurs. Cette accessibilité financière contribue à l’adoption croissante des véhicules électriques en Chine et dans le monde.
Mais nous allons toutefois nuancer un peu ce propos, car ce n’est plus si vrai. Comme nous vous l’avions expliqué dans un précédent dossier, « Voiture chinoise » ne rime pas avec « low-cost ». Les constructeurs chinois qui s’implantent sur le Vieux Continent affichent leurs modèles à des tarifs très proches des constructeurs « traditionnels », et par conséquent, parfois très éloignés des prix pratiqués sur leur marché local.
Produire en Chine, c’est avant tout minimiser les coûts de production, et ainsi maintenir les prix. Mais cet adage est de moins en moins vrai dans le contexte actuel, et cela se vérifie même dans l’industrie automobile où l’on pourrait croire qu’une voiture électrique chinoise s’affiche moins chère que son équivalence européenne.
Prenons l’exemple de la BYD Seal, dont les prix viennent d’être dévoilés en France : les tarifs démarrent à 46 990 euros pour la Seal propulsion de 313 ch, et grimpent à 49 990 euros pour la version quatre roues motrices de 530 ch. Avec un prix inférieur à 47 000 euros, la Seal d’entrée de gamme est éligible au bonus écologique de 5 000 euros en France (7 000 pour les foyers modestes). Néanmoins, la voiture est produite en Chine et devrait à ce titre être exclue du dispositif dès 2024. La situation changera à nouveau lorsque BYD se sera doté d’une usine en Europe.
Avec ces prix, BYD se place au-dessus du segment des « access premium » (Volkswagen, Peugeot…) et vient jouer des coudes avec les Allemands (Audi, Mercedes, BMW), puisque ces prix sont semblables à ceux d’un Audi Q4 très bien équipé ou qu’une BMW i4. Elle s’affiche aussi au-dessus de la Tesla Model 3 (à partir de 42 990 euros, autonomie WLTP de 491 km) pour la Seal Design et légèrement en dessous de la Model 3 Grande Autonomie (à partir de 50 990 euros, autonomie de 629 km) pour la Seal Excellence.
Et BYD n’est pas le seul constructeur chinois à afficher ses produits aux mêmes prix que les constructeurs européens. Great Wall Motors a récemment lancé plusieurs produits sur le Vieux Continent, des produits également vendus en Chine. Ainsi, le Great Wall Wei Pai Mocha PHEV (appelé « Coffee 01 » en Europe) démarre à partir de 55 900 euros, contre l’équivalent de 40 700 euros en Chine. Le Lantu Free, un modèle uniquement vendu en Norvège pour le moment, débute à partir de 719 000 couronnes norvégiennes (environ 67 300 euros hors taxes), contre l’équivalent de 46 000 euros en Chine.
Pourquoi les voitures électriques chinoises sont-elles aussi chères en Europe ?
Comment expliquer une telle différence entre les prix pratiqués en Chine et ceux en Europe ? Il y a deux raisons principales : lorsqu’une voiture chinoise débarque sur le Vieux Continent, outre le fait que la qualité doit être au niveau des standards du marché, et elle doit aussi être importée (avec des frais de douanes) puisque les constructeurs chinois ne possèdent pas d’usines en Europe, mais cela devrait vite changer, MG et BYD ont déjà annoncé des usines pour bientôt.
Construire une usine, c’est évidemment coûteux, et il faut que le marché garantisse une certaine stabilité avant d’envisager une production sur le marché européen, d’autant plus que les coûts ne sont pas les mêmes, à commencer par la main d’œuvre.
Aussi, pour les constructeurs chinois, se positionner en termes de prix face à des constructeurs européens, c’est aussi une manière de montrer que leurs voitures n’ont pas grand-chose à envier à ce qui se fait aussi en Europe, et qu’elles peuvent aussi s’inscrire comme de vraies alternatives. C’est aussi un risque à prendre, puisque ces mêmes voitures peuvent aussi ne pas se vendre sous prétexte qu’un modèle européen équivalent en tout point s’affiche au même prix.
Les constructeurs chinois auront donc fort à faire en Europe pour arriver à leurs fins, et le premier objectif semble avant tout de mettre un terme à la mauvaise image que peuvent avoir les marques chinoises en Europe. Mais cela prendra sans doute plusieurs décennies.
Certains, comme MG, pratiquent des prix bas, d’autres, comme BYD, préfèrent se calquer sur les constructeurs locaux. Toujours est-il que même si les ventes des constructeurs chinois progressent (particulièrement chez MG, qui surfe sur l’aura d’une marque, à la base, européenne), mais avec les avancées technologiques des constructeurs européens dans le domaine de l’électrique, nous n’assisterons pas forcément au raz-de-marée promis par certains analystes.
Comme Toyota, Hyundai ou encore Kia il y a trois décennies, les constructeurs chinois vont sans doute adopter la même méthode que les constructeurs japonais ou coréens. Il va falloir faire des différences, avec l’hybride pour Toyota notamment, ou encore le SUV avec le Qashqai en 2007 pour Nissan, pour qu’un constructeur chinois fasse partie intégrante du paysage automobile local. Sans oublier le réseau, parce que n’est pas Tesla qui veut. Si Aiways ne l’a pas forcément compris, MG et BYD préfèrent adopter une stratégie plus « conservatrice » en établissant un réseau de distribution solide.
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