La recharge rapide des voitures électriques est-elle rentable : ce que disent les chiffres

 
Est-il possible de gagner de l’argent uniquement avec la charge rapide ? Nous allons voir que malgré des tarifs salés, la plupart des acteurs du segment peinent à être rentable.

Le nombre de bornes de recharges rapides a explosé, de manière à rendre les voyages en voiture électrique bien plus faciles pour tous les électromobilistes.

Bien que la plupart des charges soient effectuées à domicile, il est nécessaire de disposer de nombreux points de charge rapide le long des grands axes pour développer la mobilité électrique.

Ainsi, nous retrouvons en 2025 de nombreux acteurs sur le marché des charges rapides, avec certains nouveaux venus qui souhaitent en faire leur cœur de métier (Fastned, Electra), tandis que d’autres n’en font qu’une partie de leur activité (Totalenergies, Shell, ou encore Tesla).

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Sur fond de crise énergétique en 2022, les prix de l’énergie ont explosé et furent souvent répercutés sur le client final. Malgré certaines hausses importantes, il reste difficile de gagner de l’argent en 2025 grâce à la vente d’électricité lors des charges rapides. Faisons le point sur ceux qui arrivent à tirer leur épingle du jeu.

La charge rapide reste chère

Malgré les hausses et les baisses, charger sa voiture électrique à la maison reste très bon marché. En effet, même sans aucune optimisation tarifaire, 100 km en voiture électrique coûtent environ 4 euros, contre plus du double pour un véhicule thermique.

Avec des offres d’électricité adaptées aux possesseurs de voitures branchées (Tempo, ou heures creuses), il est même possible de s’approcher des 3 euros aux 100 kilomètres.

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En itinérance, c’est une autre histoire, étant donné que les puissances impliquées ne sont pas comparables.

Nous parlons d’un facteur multiplicateur de la puissance délivrée par 10, 20 ou 30 (350 kW par borne contre jusqu’à 22 kW à domicile par exemple), ce qui a nécessairement un impact sur le prix à payer pour bénéficier de cette puissance colossale.

En outre, les installations nécessaires pour acheminer une énorme puissance sont, elles aussi, très coûteuses, tout comme les contrats de maintenance assurant un bon fonctionnement des bornes de recharge.

Le but de la charge rapide est simple : il s’agit de rester moins de 30 minutes en charge, avant de pouvoir continuer son voyage. Qui plus est, il faut un emplacement privilégié (peu ou pas de détour pour ne pas perdre de temps), une utilisation simple, et limiter au maximum la congestion pour qu’il n’y ait pas d’attente avant de pouvoir se brancher.

Dimensionner correctement une station de charge rapide demande alors une mobilisation financière qui se compte souvent en millions, avant même d’avoir vendu un seul kilowattheure d’électricité. Tous ces coûts d’installation doivent être répercutés sur le consommateur, ce qui explique un prix étant souvent 3 à 8 fois plus cher qu’à domicile.

Fastned est devenu rentable pour la première fois de son histoire en 2023

Si l’on connaît les quelques géants du secteur que sont Tesla, Ionity, Fastned ou Totalenergies, 2023 a été l’essor de nombreux nouveaux réseaux, souvent inconnus du grand public.

Ceci montre qu’il y a un intérêt de la part de beaucoup d’acteurs de s’octroyer une part du gâteau. On pourrait naïvement se dire qu’acheter de l’électricité pas chère et la revendre au prix fort suffit à gagner beaucoup d’argent.

En effet, si l’on prend un simple raccourci en imaginant que l’on peut acheter de l’électricité au même prix qu’un particulier (autour de 0,20 euro/kWh), et la revendre quatre fois plus chère, l’affaire semble être financièrement très intéressante.

La réalité est toutefois bien différente, puisque gagner de l’argent en grâce à la charge rapide relève de l’exception plutôt que de la règle. Le dernier rapport de Fastned nous apprend beaucoup sur l’état actuel de la charge rapide en Europe, et le groupe néerlandais réalise une prouesse jusqu’alors jamais réalisée : il est rentable depuis 2023.

Depuis 2012, Fastned n’avait connu qu’un seul semestre où il n’a pas perdu d’argent, et c’est au premier semestre 2023. Selon les prévisions, Fastned s’attend à être dans le vert — au niveau de l’excédent brut d’exploitation seulement —pour le second semestre également, ce qui confirmerait que le marché de la charge rapide peut rapporter de l’argent.

Cependant, le cas de Fastned est une exception, et a mis plus de 10 ans à se matérialiser. La première moitié de 2022 par exemple, le groupe affichait un excédent brut d’exploitation négatif de 2,7 millions d’euros, pour un profit net de – 11,4 millions d’euros.

Et malgré son excédent brut d’exploitation (EBITDA en anglais) positif en début d’année 2023, ainsi qu’un profit brut par kilowattheure de 0,47 euro, et d’une marge opérationnelle de plus de 40 %, cela ne suffisait toujours pas pour afficher un profit net positif (- 10,3 millions d’euros).

Tout le monde perd de l’argent avec la charge rapide, sauf exception

L’installation d’une unique borne de recharge Ionity, Fastned ou Totalenergies coûte entre 100 000 et 250 000 euros. Une station entière coûte alors plusieurs millions d’euros, et avant de les rentabiliser, il faut énormément d’utilisation.

Les réseaux actuels étant en pleine expansion (7,8 millions d’euros dépensés pour Fastned au premier semestre 2023 rien que pour agrandir son réseau), il faut un nombre de charges conséquent pour tenter de compenser la construction de nouvelles bornes.

Selon les chiffres de Fastned, avec un profit par kilowattheure de 0,47 euro, une unique borne de recharge à 150 000 euros par exemple, il faut 320 000 kilowattheures facturés pour la rembourser. Autrement dit, avec autour de 170 kWh facturés par borne de recharge par jour (selon les chiffres communiqués par Fastned dans son rapport aux Pays-Bas et en Allemagne, en comptant une moyenne de 6 bornes par station), plus de 5 ans sont nécessaires avant d’avoir dégagé autant d’argent que le coût d’installation.

Une Tesla Model Y en charge sur le réseau Totalenergies // Source : Bob JOUY pour Frandroid

En outre, après ces cinq années, l’argent engrangé ne suffit toujours pas à être dans le vert : une fois la marge brute mise de côté, il faut déduire les coûts liés à la maintenance, qui ne font qu’augmenter. Bien entendu,  le nombre de véhicules électriques en circulation croît très rapidement, et la quantité d’énergie facturée par les opérateurs va grimper en flèche.

C’est sans doute ce qui explique la ruée vers l’or actuelle, car même si le futur proche annonce des pertes financières, en allongeant la durée, les nouveaux acteurs s’assurent de jolis profits.

Une fois les infrastructures rentabilisées et les réseaux déployés en quasi-totalité, le nombre de véhicules électriques en circulation va logiquement rendre les affaires des opérateurs de recharge très juteuses.

Les clés du succès

Au final, la situation de Fastned est représentative de ce qui devrait concerner la plupart des opérateurs de recharge dans les prochaines années. Ionity ou Totalenergies appliquent une stratégie comparable, à savoir celle d’implanter des stations directement sur les grands axes, à des emplacements très fréquentés.

Le numéro un de la charge rapide en Europe actuellement reste Tesla, mais sa stratégie est assez différente des autres. En effet, l’entreprise américaine choisit rarement des aires de services aux abords des autoroutes pour implanter ses Superchargeurs, comme nous l’avons déjà rappelé antérieurement.

En choisissant des lieux moins prisés, comme des parkings de centres commerciaux ou d’hôtels à quelques kilomètres des grands axes de circulation. Ceci permet à Tesla d’implanter entre 12 et 30 bornes à chaque station, contre la moitié dans le meilleur des cas pour les autres.

Qui plus est, grâce à une intégration verticale — Tesla produit les bornes et les alimentations —, Tesla est capable de contrôler les coûts comme personne d’autre sur le marché, ce qui lui permet d’afficher des prix bien plus bas que le reste des acteurs.

Ayant une avance conséquente (27 % des bornes de charge rapide implantées en France sont exploitées par Tesla, alors que le deuxième acteur, Totalenergies, n’en a que 11 %), la plupart des installations sont déjà bien amorties. Qui plus est, le cœur de métier de Tesla étant la voiture électrique, la santé financière de l’entreprise ne dépend pas entièrement des revenus liés à l’utilisation ou non de ses Superchargeurs.

En face, les autres acteurs sont pour encore quelques années dans le dur, étant donné qu’ils doivent continuer une implantation massive de bornes, sans pour autant avoir beaucoup de revenus. Cependant, comme le montre Fastned, la recette semble fonctionner. Il leur reste à confirmer lors des prochains bilans trimestriels que ce n’était pas juste un coup de chance.


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