Qui dit voiture électrique dit, forcément, batterie. Comment faire pour allier charge rapide, autonomie optimale, durée de vie maximale et prix au plus bas ? Deux grands axes de travail se présentent aujourd’hui : d’un côté, la batterie au sodium, dont la Chine raffole, moins chère mais à la faible densité énergétique ; de l’autre, la batterie solide, promise de longue date et potentiellement révolutionnaire, mais qui tarde à arriver.
C’est de cette dernière dont nous allons parler aujourd’hui. Un groupe de chercheurs de la Harvard John A. Paulson School of Engineering and Applied Sciences vient de publier dans la prestigieuse revue Science Material la présentation d’une batterie solide d’un nouveau genre. Au programme : charge éclair en dix minutes et durée de vie inégalée.
Des performances inédites
L’équipe de chercheurs a en effet développé une batterie solide inédite, aux propriétés remarquables : en particulier, les cellules de cette batterie peuvent supporter 6 000 cycles de charge-décharge et toujours conserver 80 % de leurs capacités à la fin. Pour rappel, Volkswagen a lui aussi communiqué il y a quelques jours sur une batterie solide, mais qui ne s’aventure pas au-delà des 1 000 cycles.
Plus concrètement, si une voiture était dotée d’une batterie de 60 kWh (soit environ 500 km d’autonomie) avec cette technologie, elle pourrait rouler 3 millions de kilomètres et toujours avoir 48 kWh de capacité restante !
Et ce n’est pas fini : la recharge semble également être de premier ordre, puisque l’étude, reprise par le média américain Electrek, annonce une recharge en dix minutes seulement. Une performance qui nécessite, on l’imagine, des bornes très puissantes… mais qui sont en train de voir le jour.
Une nouvelle chimie
Pour arriver à ces impressionnants résultats, l’équipe, menée par Xin Li, s’est penchée sur ce qui se passe à l’intérieur d’une batterie solide durant sa charge.
Le problème
C’est l’heure de parler des dendrites. Vous n’en avez jamais entendu parler ? C’est pourtant le frein majeur au développement de ce type de batteries. Pour faire simple, une dendrite, c’est une projection de métal sur l’anode (l’électrode négative de la batterie, à ne pas confondre avec la cathode, l’électrode positive), qui peut se ramifier et créer des sortes de racines qui pénètrent dans l’électrode.
Deux désavantages majeurs suivent cette formation : plus il y a de dendrites, plus la surface de l’anode est inégale, et plus cela attire de nouvelles dendrites — une sorte de cercle vicieux, donc. Dans le pire des cas, ces dernières peuvent rejoindre la cathode, créant un court-circuit, pouvant aller jusqu’à l’inflammation de la batterie. À éviter, donc.
Dans une batterie solide « traditionnelle », l’anode doit se débarrasser de ces dendrites, mais cela prend du temps et peut même détériorer encore davantage sa surface — de quoi attirer encore plus de dendrites, si vous avez bien suivi.
La solution
Et c’est là que l’équipe de Xin Li innove, puisqu’elle a doté l’anode de leur batterie d’un placage de particules de silicone (à l’échelle du micron). Lorsque les ions de lithium arrivent dessus, ils s’y déposent de façon homogène et ne forment aucune dendrite.
Xin Li a d’ailleurs une drôle de comparaison pour illustrer le processus : « Dans notre conception, le lithium se plaque autour de la particule de silicium, comme une coque de chocolat autour d’une noisette ». Vous avez l’image ?
De fait, l’évacuation du lithium sur l’anode se fait bien plus facilement et rapidement, tout en la laissant intacte. Nous avons donc l’explication sur cette recharge express et cette durée de vie assez incroyable.
Encore un long chemin
Cette batterie existe et fonctionne dans les laboratoires d’Harvard… sous la forme d’une cellule de la taille d’un timbre-poste. C’est elle qui a tenu les 6 000 cycles, mais les chercheurs sont formels : « Nos recherches constituent une étape importante vers des batteries solides plus pratiques pour les applications industrielles et commerciales », rien de plus.
Les recherches continuent toutefois : l’équipe a fourni la licence de cette technologie à une entreprise rattachée à Harvard, Adden Energy, qui va tâcher de créer une batterie d’une taille comparable à celle d’un smartphone. Un petit pas vers l’industrialisation d’une batterie solide pour nos voitures électriques !
Pour rappel, BMW et Toyota annoncent leurs premiers modèles à batterie solide pour 2030 ; seul Nissan est plus optimiste, avec une arrivée sur le marché dès 2028. Les travaux continuent d’arrache-pied ; Microsoft, par exemple, nous a expliqué il y a quelques jours seulement comment il avait découvert un matériau inconnu grâce à l’IA, pouvant lui aussi servir dans les batteries solides.
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