La voiture électrique est présentée comme ayant beaucoup d’avantages face aux voitures thermiques : silence, absence de vibration, conduite plus confortable, simplicité de la recharge à domicile, ou encore plus respectueuse de l’environnement. Certains détracteurs remettent en question la légitimité des véhicules branchés particulièrement sur le dernier point, en affirmant qu’ils sont, au final, plus polluants qu’une voiture thermique.
Nous avons déjà parlé de certains cas particuliers comme le Hummer EV qui peut être plus polluant à l’utilisation qu’une voiture thermique, ou plus généralement des grosses voitures électriques qui consomment beaucoup d’électricité pour rouler. Dans ces cas particuliers, effectivement, le bilan carbone à l’utilisation peut être plus favorable pour la voiture thermique. Mais de manière générale, comme l’a montrée une étude récente dont nous avons parlé, les voitures électriques sont bien moins polluantes que leurs homologues thermiques.
Nous avions déjà tenté de répondre aux idées reçues sur les véhicules propres dans ce dossier, et même imaginé l’impact sur le réseau électrique de l’augmentation du nombre de voitures électriques en circulation en France. Aujourd’hui, tentons de vérifier si les voitures électriques vont bel et bien devenir de plus en plus propre, et ce que le futur nous réserve.
Les voitures électriques de 2024
Au moment d’écrire ces lignes en 2024, il est désuet de considérer que la production des voitures électriques est 100 % locale. En effet, malgré l’essor des gigafactories en Europe qui est annoncé, le gros de la production de batteries reste bel et bien en Chine. De plus, certaines marques qui se sont implantées en Europe pour produire localement — comme Tesla — continuent d’importer certains modèles depuis la Chine, où les batteries et le véhicule sont produits.
En l’occurrence, trouver une voiture électrique 100 % française dans le haut du tableau des ventes est désormais assez rare, et l’hexagone est loin d’être une exception. En 2023, la voiture la plus vendue au monde était majoritairement chinoise : il s’agit de la Tesla Model Y (plus de la moitié de la production sort de la Gigafactory de Shanghai).
Sur le plan de l’impact écologique, avoir une voiture électrique partiellement ou totalement produite en Chine revient à faire un mauvais départ au niveau de la dette carbone, comme nous le verrons plus bas. Pour rappel, la dette carbone d’une voiture électrique désigne usuellement la différence d’émissions de CO2 qu’il y a à la sortie d’usine entre une voiture thermique et une voiture électrique. La production des batteries est le principal responsable de cette dette carbone, puisque le reste du véhicule n’est que peu différent.
Cependant, la dette carbone d’une voiture électrique est aisément rattrapée à l’utilisation. Et le nombre de kilomètres nécessaires pour arriver à l’équilibre avec une voiture thermique est de plus en plus petit selon que l’électricité utilisée pour la recharge est faiblement carbonée.
Pays | Distance | Durée |
---|---|---|
USA | 41 000 km | 2,2 ans |
Royaume-Uni | 48 000 km | 4 ans |
Allemagne | 58 000 km | 5,1 ans |
Chine | 118 000 km | 9,6 ans |
Japon | 57 000 km | 5,6ans |
La récente étude de Bloomberg estime qu’en 2023, il faut 41 000 kilomètres aux États-Unis pour qu’une voiture électrique rattrape sa dette carbone, ce qui correspond à un peu plus de 2 ans pour un américain moyen. Sachant que l’électricité américaine est très carbonée (402 gCO2/kWh en 2023), il y a une belle marge de progression pour diminuer ces chiffres.
L’étude se concentre sur cinq pays : Royaume-Uni, Allemagne, Japon, Chine et États-Unis. Dans le pire des cas, il faut 118 000 kilomètres pour atteindre la parité avec une voiture thermique, et c’est en Chine. Voyons ce qui fait la particularité de ce pays, et comment va évoluer la situation d’ici la fin de la décennie.
Le cas particulier de la Chine
La Chine de 2024 est un pays où la production d’électricité a un bilan carbone assez mauvais, et cela se ressent sur l’utilisation d’une voiture électrique. En effet, ce sont pas moins de 121 gCO2 rejetés par kilomètre parcouru qui sont estimés en roulant en voiture électrique. À titre de comparaison, c’est plus que les émissions estimées d’une voiture thermique au Royaume-Uni.
Les autorités européennes ne s’y trompent pas, avec notamment la récente saga du bonus écologique en France, qui tient désormais compte du score environnemental des véhicules pour l’éligibilité. En pratique, les voitures venant de Chine comme la Tesla Model Y, la MG4 ou la Dacia Spring sont exclues du dispositif.
Cependant, l’empire du milieu compte bien faire évoluer son réseau, en mettant les bouchées doubles pour décarboner son électricité. Dans les 15 prochaines années, l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays devraient permettre de diviser par 5 ou 6 la quantité de CO2 par km roulé en voiture électrique rechargée en Chine.
Comme le montre le graphique ci-dessus, nous sommes en réalité au pic de l’électricité sale en Chine. En effet, la part de l’éolien et du solaire dans le mix énergétique chinois va exploser dans les 15 prochaines années, permettant notamment de passer à 83 % d’électricité 0 carbone en 2040. Dans le même temps, la part de l’électricité issue des centrales à charbon va passer de 58 % à 17 %, signant bien le début de la fin de l’électricité chinoise carbonée.
Les mini véhicules électriques à la rescousse ?
Si l’on compare les mêmes voitures électriques en Europe ou aux USA et en Chine, effectivement le bilan est bien plus mauvais en 2024 pour les véhicules chargés en Chine. Cependant, il existe tout un segment de véhicules électriques en Chine qui permettent de minimiser l’impact écologique, et donc de diminuer la dette carbone : les mini véhicules électriques.
Il s’agit de voitures qui sont loin d’être insignifiantes en termes de ventes, puisqu’en 2023, elles représentaient plus de 10 % des ventes de voitures électriques du pays. Pour avoir un bilan carbone plus faible, il n’y a pas de secret : il faut une plus petite batterie. En moyenne, le pack de batterie de ces mini voitures est de 17 kWh, ce qui équivaut à moins de 30 % d’un pack d’une Tesla Model 3 Propulsion de 60 kWh par exemple.
Par conséquent, ces véhicules sont légers, et consomment très peu (moins de 12 kWh/100 km en conditions réelles). Tout ceci permet de diminuer de 79 % les émissions liées à la fabrication du pack de batterie et de 32 % celles liées à l’utilisation par rapport à une voiture électrique de taille moyenne. Sur tout le cycle de vie (250 000 kilomètres) et en comptant la fabrication du châssis, les émissions totales sont estimées à 16 tonnes de CO2, contre 29 tonnes pour la moyenne des voitures électriques en Chine.
Et la France ?
Sur l’étude publiée par Bloomberg, la France n’apparaît pas, mais il est important à nos yeux d’en parler pour savoir où nous situer par rapport aux autres pays considérés. Selon les derniers chiffres publiés par EDF, la fourniture d’un kWh d’électricité par EDF a induit l’émission de 114,25 grammes de CO2. Le meilleur élève de l’étude de Bloomberg était le Royaume-Uni avec 138 gCO2/kWh. Cela place donc la France tout en haut du tableau, en tant que fournisseur d’électricité peu carbonée.
Il est important de garder à l’idée que ce chiffre est bien celui relatif à la fourniture d’un kilowattheure, mais pas à la production, qui peut être plus ou moins décarbonée selon les importations ou les exportations d’électricité du pays. RTE permet d’aller un peu plus loin dans l’analyse si cela vous intéresse.
Avec le chiffre de 114 gCO2/kWh pour la France, il faudrait probablement moins de 40 000 kilomètres pour atteindre l’équilibre avec une voiture thermique, soit moins de 4 ans d’utilisation selon les chiffres de l’INSEE. Si par contre on prend les chiffres de production d’électricité par EDF, le constat est alors sans appel : 96 % de l’électricité produite en France est décarbonée, permettant d’afficher un bilan de 20 gCO2/kWh. En consommant uniquement cette électricité, l’équilibre avec une voiture thermique serait atteint en moins de 10 000 kilomètres.
Cette étude se concentre toutefois sur les émissions de CO2 de l’électricité, et non pas uniquement sur l’électricité issue des énergies renouvelables. Par exemple, en Chine, la part du nucléaire est faible, mais la part de solaire et éolien devrait exploser d’ici 2050, permettant de baisser l’intensité carbone de l’électricité. De notre côté, en France, la part du nucléaire atteint près de 70 % de la production totale d’énergie électrique, alors que nous sommes à moins de 14 % d’énergies renouvelables, selon EDF. Le constat pourrait donc être différent si l’on se concentrait uniquement sur les énergies renouvelables.
Un futur décarboné qui va enterrer les véhicules thermiques
Outre l’évolution du mix énergétique décarboné, nous allons également assister à l’avènement du V2G, V2H ou V2L, qui permettra de soulager les réseaux électriques pour répondre à une demande croissante de puissance. Les particuliers qui s’équipent en panneaux solaires et privilégient l’autoconsommation vont également petit à petit devenir des consommateurs d’électricité 100 % zéro carbone, et s’ils rechargent leur voiture électrique avec cette énergie, ils roulent vraiment sans émettre de CO2.
Le challenge actuel qui peut rendre ponctuellement l’électricité moins propre est au moment des pics de consommation où des centrales polluantes doivent être redémarrées pour subvenir aux besoins. Mais dans le futur, on devrait pouvoir s’en passer en partie grâce aux voitures électriques et à leur interconnexion avec le réseau.
Au final, non seulement les voitures électriques ne sont pas si polluantes que les thermiques à l’utilisation, mais elles font surtout partie intégrante de la solution pour s’assurer un futur décarboné. Les technologies de pointe qui commencent tout juste à arriver sur certaines voitures électriques permettront de soulager le réseau, et parfois le portefeuille.
En face, les voitures thermiques ne sont pas encore mortes, et elles continuent bien sûr à évoluer, mais dans une moindre mesure. Dans de nombreux marchés, la fin des ventes de véhicules thermiques a été actée, et c’est pour bientôt. Enfin, dans toute l’étude de Bloomberg, la partie pollution induite par la production d’essence n’est pas prise en compte : nul doute que si tel fut le cas, l’écart entre électrique et thermique serait encore bien plus important.
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