54 euros par mois pour une Citroën ë-C3 en début d’année, 40 euros par mois pour une Renault Twingo E-Tech, ou encore 150 euros par mois pour une Mégane E-Tech… Ce sont les mensualités que proposaient certains constructeurs (français pour la plupart) en ce début d’année 2024. Depuis l’avènement des financements de type LOA (location avec option d’achat) ou LLD (location longue durée) il y a une quinzaine d’années, nous n’avions jamais vu des mensualités aussi peu élevées.
Au début de l’année, ce phénomène s’expliquait surtout à cause (ou « grâce » devrait-on dire) au leasing social, une aide gouvernementale qui venait s’ajouter au bonus écologique et qui dépendait des revenus du foyer. Dans le cas de la Citroën ë-C3 par exemple, cela permettait de faire baisser la facture de 13 000 euros en cumulant les aides, une somme qui, mécaniquement, servait d’apport, et permettait ainsi de baisser considérablement les mensualités.
Le leasing social a profité à environ 50 000 Français cette année et, bonne nouvelle, celui-ci sera reconduit l’année prochaine. Dans le même temps, le bonus écologique devrait aussi perdurer, même s’il pourrait baisser encore de 1 000 euros, passant de 4 000 à 3 000 euros. Cela devrait ainsi faire augmenter de quelques dizaines d’euros les mensualités sur les mêmes produits concernés par le leasing social en 2024 et en 2025.
Mais globalement, même en dehors d’une voiture concernée par le leasing social, les loyers des LOA et des LLD ont particulièrement diminué avec le temps ces dernières années… alors que le prix des voitures n’a fait qu’augmenter ! Paradoxal n’est-ce pas ? Il y a plusieurs facteurs à cela, à commencer par les taux d’intérêt, car avant cette année et la fin d’année dernière, ceux-ci n’ont jamais été aussi bas et cela influe évidemment sur les mensualités.
Il y a aussi un mécanisme un peu moins connu, mais savamment maîtrisé par les constructeurs et les captives. Et il s’avère que ce mécanisme est étroitement lié au contexte économique global (souvent, les économistes se réfèrent beaucoup au marché automobile pour évaluer l’état de santé d’une économie). Et figurez-vous que l’on observe depuis quelques mois de gros changements dans ce domaine, qui se matérialisent très concrètement pour vous et votre portefeuille, surtout si, comme 80 % des Français, vous financez votre voiture neuve.
Les constructeurs sortent leur boule de cristal
Nous avions eu quelques signes avant-coureurs l’année dernière, même si les subventions sur certains modèles permettaient de maintenir les prix très bas, mais sous perfusion. Avec les changements de critères d’éligibilités du bonus écologique (toute voiture qui n’est pas fabriquée en Europe, hormis pour la Mazda MX-30, ne bénéficie plus de subventions), la hausse des taux d’intérêt et un changement stratégique de la part des constructeurs, on a pu voir certains financements littéralement exploser.
Ce qui nous a mis la puce à l’oreille, c’est la MG4 qui était proposée à 99 euros par mois l’an dernier, et qui est maintenant disponible à partir de 249 euros par mois. « Mais qu’est-ce donc que cette diablerie ? » Dans le cas de la MG4, c’est plutôt assez simple, puisqu’on pourrait tout simplement dire que l’arrêt du bonus écologique de 5 000 euros qui lui était attribuée l’année dernière et qui constituait l’apport (avec la prime à la conversion par la même occasion) fait inévitablement augmenter les mensualités. C’est vrai, mais ce n’est pas la seule raison.
L’autre réalité à prendre en compte, c’est la baisse des valeurs résiduelles (VR) des voitures. Pour rappel, la valeur résiduelle, c’est la valeur d’un véhicule après un certain temps et kilométrage, avec différentes combinaisons d’âge et de kilométrage. Il existe un nombre quasiment infini de scénarios qui peuvent s’appliquer à un véhicule, et globalement, pour fixer une valeur résiduelle, le constructeur anticipe la valeur de la voiture quand elle va lui revenir, en l’occurrence dans trois, quatre ou cinq ans.
Si vous voyez des LOA ou des LLD « limitées » à 30 000 km sur trois ans par exemple, c’est notamment pour anticiper le kilométrage et ainsi s’assurer d’une certaine cohérence entre ce qui a été calculé il y a trois, quatre ou cinq ans. Car la voiture intègre ensuite le réseau de l’occasion, et il ne vaut mieux pas se tromper sur le calcul initial de la VR si on veut s’assurer une bonne revente. D’ailleurs, si vous dépassez le kilométrage prescrit, le constructeur vous facturera chaque kilomètre en plus.
On observe donc que les valeurs résiduelles commencent donc à baisser sur certaines voitures, elles qui étaient très hautes il y a encore deux ou trois ans. C’est ce qui fait monter les mensualités. Et comment sait-on que la valeur résiduelle est basse ? En regardant tout simplement ce que vous payez sur trois ans de location. Et un autre cas que la MG4 nous a fait tiquer récemment.
Le marché de la voiture électrique d’occasion bientôt saturée ?
En effet, en parcourant la nouvelle offre de Renault avec sa R5 E-Tech (certes, proposée uniquement en version haut de gamme à son lancement), on remarque que l’offre « à partir de » est affichée à 280 euros ! Une somme conséquente par rapport à ce que nous avons eu l’habitude de voir, surtout pour une citadine électrique, d’autant plus que l’apport s’établit à 3 500 euros, une fois le bonus de 4 000 euros et la prime à la conversion de 1 500 euros déduits. Sur trois ans, pour une R5 E-Tech à 280 euros par mois et 3 500 euros d’apport, vous allez payer 48 % du prix de la voiture, soit quasiment la moitié, alors que la décote de ce type de voiture oscille plutôt entre 30 et 35 %.
Et qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que chez Renault, on anticipe surtout une baisse des prix des voitures d’occasion d’ici les prochaines années par rapport à aujourd’hui, du fait notamment de la multiplication de l’offre sur le marché et l’augmentation des ventes de voitures électriques.
Le constructeur au losange ne veut aussi peut-être pas « s’encombrer » avec des milliers de voitures d’occasion dans son parc d’ici trois ans, avec des prix trop élevés par rapport à la concurrence, du fait d’une valeur résiduelle trop importante. La stratégie de Renault est différente de ce que nous voyons depuis plusieurs années, et cela prouve qu’il devrait y avoir du remous sur le marché de la voiture électrique, qu’elle soit neuve ou d’occasion, d’ici les prochaines années.
Renault aussi est en première ligne d’un phénomène assez « inquiétant » qui se passe en ce moment même. Souvenez-vous, à l’après Covid, nous nous sommes retrouvés avec une pénurie de voitures d’occasion du fait de l’inertie des usines à se relancer et à produire des voitures neuves, sans compter la pénurie de composants électroniques. En 2021 par exemple, il fallait plus d’un an et demi avant de se faire livrer certaines voitures. De ce fait, le marché de l’occasion n’a jamais été aussi vide et les prix des voitures jamais été aussi élevés, le tout soutenu par des prix des voitures neuves en hausse.
Sauf que depuis moins de deux ans, c’est l’effet inverse qui se produit. Les parcs de voitures d’occasion sont pleins, et les prix ont tendance à diminuer. Regardez par exemple chez Tesla, quand il fallait encore se battre pour avoir une Model 3 d’occasion il y a deux ans, il y a désormais l’embarras du choix. Pareil pour les Model Y.
Mais pourquoi y en t-a-t-il autant aujourd’hui ? La plupart du temps, sur les parcs des véhicules d’occasions (VO) des constructeurs, ces modèles sont des retours de LLD ou de LOA sur trois ou quatre ans. À l’époque, les voitures étaient proposées à des mensualités attrayantes, donc elles se sont plutôt très bien vendues, mais elles reviennent en nombre sur le marché du VO. Les constructeurs, notamment les nouveaux, ont inondé le marché avec leurs produits et leurs loyers très faibles, impliquant donc des valeur résiduelles (VR) très haute. Sauf que la VR détermine aussi le prix de la voiture en occasion, et si la VR est élevée, le prix de l’occasion le sera aussi.
Et c’est là que ça commence à causer quelques problèmes. Car si les voitures sont chères et qu’elles reviennent en nombre, les clients ont à la fois plus de choix et, en plus, peuvent vite remarquer que les prix sont élevés par rapport au marché. Ce phénomène, nous avons pu l’observer avec plusieurs constructeurs par le passé, notamment chez BMW et Mini, avec des parc VO plein à craquer de retours de LLD ou de LOA à loyers cassés, mais quasi invendables aux prix qu’elles étaient affichés en VO. Résultat ? Les voitures sont bradées voire même, pour certaines, vendues à marchand. Car une voiture en stock, c’est une voiture immobilisée et qui perd de l’argent avec le temps.
Et c’est exactement ce qui se passe avec MG et sa MG4 sur les premier retours de LOA ou de LLD, où il y a parfois plusieurs milliers d’euros entre la VR du modèle et sa valeur sur le marché de l’occasion. Mais alors, est-ce un mauvais calcul des constructeurs ?
Une équation pas si simple à résoudre
On pourrait dire que c’est un bien mauvais calcul de la part des constructeurs et des établissements financiers, et à vrai dire, si c’était à refaire, peut-être que les VR seraient (un peu) moins élevées et les loyers un peu plus haut. Mais pour des marques comme MG qui cherchent à pénétrer un marché, ce n’est pas forcément un problème, car les clients qui ont financé une MG neuve il y a deux ou trois ont peut-être été fidélisé et sont peut-être repartis sur un nouveau modèle de la marque. C’est donc aussi un excellent moyen de conquête qu’afficher des prix agressifs d’entrée, même si, avouons-le, passer de 99 euros par mois pour sa MG4 à 249 euros, ça peut aussi rebuter.
Le cas de Renault est un peu différent de la MG4, car le constructeur n’a pas vraiment besoin de pénétrer un marché, bien au contraire, d’autant plus que la R5 E-Tech a reçu un excellent accueil lors de sa présentation, ce qui laisse présager un bon succès commercial. Comme quoi, la recette de la Fiat 500 par Luca de Meo fonctionne toujours !
D’autant plus que les versions d’entrée de gamme de la R5 E-Tech arriveront aussi en début d’année 2025 (à moins de 25 000 euros en prix de façade) et seront aussi concernées par le leasing social, ce qui implique donc, là encore, un sacré paquet de voitures qui vont revenir en occasion les années qui suivront.
En proposant des loyers, certes, plutôt élevés par rapport à ce que nous connaissions (et encore, avec le changement de conjoncture, ils seront bientôt finalement dans la moyenne), Renault sécurise ses retours de location et anticipe les remous d’un marché de la voiture électrique qui ne cesse d’évoluer.
D’une manière générale, avec la multiplication des voitures électriques sur nos routes et la disparition progressive des subventions (en France, on estime qu’elles disparaîtront vers 2027), l’équation n’est pas forcément évidente à trouver pour les constructeurs, d’autant plus que le contexte économique et la hausse des taux vient mettre son grain de sel.
Si les nouvelles marques, notamment chinoises, devraient continuer de proposer des voitures à mensualités intéressantes, malgré l’absence d’aides étatiques, afin de pénétrer le marché, nos constructeurs traditionnels devraient peu à peu revenir à des offres de financement plus classiques pour ne pas se retrouver dans une impasse avec des milliers de voitures sur les bras et invendables d’ici les prochaines années.
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