2030 : l’année où les marques automobiles chinoises domineront un tiers du marché mondial

Le triple avantage des constructeurs chinois

 
35 % moins cher à produire, deux fois plus rapide à développer et une longueur d’avance en technologie. Les voitures chinoises ont de quoi égaler la concurrence européenne. Une étude révèle comment ces nouveaux acteurs pourraient bien dominer le marché mondial d’ici 2030.
BYD Sea Lion 07 // Source : BYD

L’Europe pensait pouvoir contenir l’offensive des constructeurs automobiles chinois. Une étude alarmante vient balayer cet espoir.

Le triple avantage chinois : coût, rapidité, technologie

L’étude « Global Automotive Outlook » du cabinet AlixPartners ne laisse guère de place au doute. Les constructeurs chinois bénéficient d’un avantage colossal en termes de coûts de fabrication, avec des économies de l’ordre de 35 % par rapport à leurs concurrents internationaux. Mais ce n’est pas que la partie émergée de l’iceberg.

Leur cycle de développement, compris entre 18 et 24 mois, est deux fois plus court que celui de leurs rivaux. Cette agilité leur permet de réagir plus rapidement aux évolutions du marché et aux nouvelles technologies. Et comme si cela ne suffisait pas, les voitures chinoises ont désormais une longueur d’avance en matière d’infodivertissement, de confort et d’équipement.

2030 : l’année du basculement ?

Les chiffres avancés par l’étude donnent le vertige. D’ici à 2030, les marques automobiles chinoises pourraient conquérir environ un tiers du marché mondial, avec des ventes estimées à neuf millions d’unités hors de Chine. En Europe, leur part de marché pourrait doubler entre 2024 et 2030, au détriment des marques européennes, japonaises et coréennes.

Cette progression fulgurante s’explique en partie par la stratégie agressive des constructeurs chinois. Ils acceptent des marges plus faibles (7,1 % contre 15 % pour les européens) dans le but de gagner rapidement des parts de marché à l’international.

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Le défi du « véhicule défini par logiciel »

Mais le véritable enjeu de demain se joue peut-être ailleurs. Comme le souligne Fabian Piontek, expert automobile chez AlixPartners, « l’avenir sera marqué par le thème des véhicules définis par logiciel ». Ces voitures, capables de se mettre à jour et d’étendre leurs fonctionnalités via des mises à jour logicielles, pourraient bien révolutionner l’industrie.

Et là encore, les constructeurs chinois semblent avoir une longueur d’avance. Cette évolution pourrait redistribuer les cartes de la rentabilité, au profit des entreprises de logiciel et de technologie, au détriment des constructeurs et équipementiers traditionnels.

L’Europe peut-elle encore réagir ?

Face à cette offensive tous azimuts, l’Europe semble prise de court. Les constructeurs du Vieux Continent font face à un dilemme cornélien : comment investir intelligemment dans un contexte d’incertitude quant aux technologies qui s’imposeront ? La diversité des motorisations à entretenir (thermique, hybride, électrique) pèse lourd sur leurs finances.

De plus, la croissance attendue du marché européen (0,9 % par an jusqu’en 2030) est bien inférieure à celle de la Chine (3,4 %). Cette dynamique ne fait qu’accentuer l’avantage des constructeurs chinois, qui bénéficient d’un marché domestique en pleine expansion.

Fabian Piontek est catégorique : « Le modèle d’exploitation traditionnel de l’industrie automobile en Europe doit changer si nous voulons rester compétitifs. ». C’est un véritable appel à la réinvention de toute la chaîne de valeur, des constructeurs aux concessionnaires, en passant par les équipementiers.

L’enjeu est de taille : il ne s’agit pas seulement de préserver une industrie, mais tout un écosystème économique et social. La transition vers le « software-defined vehicle » pourrait être l’occasion pour l’Europe de reprendre la main, à condition d’investir massivement et rapidement dans ces nouvelles technologies.

Faut-il bloquer les marques chinoises ?

Avec les frais de douane qui vont augmenter, l’Union européenne a choisi de se protéger en taxant. Bloquer les marques chinoises en Europe pourrait sembler une solution simple, mais ce serait en réalité contre-productif pour plusieurs raisons.

Premièrement, cela risquerait de déclencher des mesures de rétorsion de la part de la Chine, fermant potentiellement un marché crucial pour les constructeurs européens.

Deuxièmement, une telle mesure protectionniste irait à l’encontre des principes de libre-échange de l’Union européenne et pourrait avoir des conséquences diplomatiques et économiques plus larges.

Troisièmement, priver les consommateurs européens de ces options pourrait freiner l’innovation et la compétitivité dans le secteur, au détriment de la qualité et du prix des véhicules.

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Enfin, les constructeurs chinois ont déjà établi des partenariats et des usines en Europe, ce qui rend difficile une exclusion totale sans impact.

Volkswagen s’est ainsi associé à Xpeng, tandis que Stellantis, groupe de Peugeot, Citroën, Fiat et bien d’autres, a surpris son monde en nouant un partenariat avec Leapmotor, une start-up quasiment inconnue. Mercedes s’est associé à Geely avec la marque Smart.

Et enfin… Renault qui va certainement travailler également avec Geely pour pouvoir concevoir sa Twingo électrique à moins de 20 000 euros. Pour mémoire, Geely est la maison mère de VolvoPolestarLynk & Co ainsi que de Lotus et Zeekr, entre autres.

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Une confusion stratégique en Europe

Et dans ce contexte, les récentes décisions des constructeurs européens semblent témoigner d’une certaine confusion stratégique.

La suspension de la production de la Fiat 500 électrique, l’arrêt des projets d’usines de batteries d’ACC, la réallocation de budget aux moteurs thermiques par Volkswagen, ou encore l’abandon par Mercedes d’une plateforme électrique prometteuse, sont autant de signes d’un manque de vision claire à long terme.

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Ces revirements soudains contrastent fortement avec la stratégie cohérente et offensive des constructeurs chinois.

Les constructeurs européens semblent naviguer à vue, oscillant entre l’urgence de la transition électrique et la peur de perdre leurs marchés traditionnels. Cette indécision pourrait s’avérer coûteuse à long terme, en laissant le champ libre aux concurrents chinois pour s’imposer sur le marché européen.


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