Voilà, c’est fait. L’Union européenne vient de frapper un grand coup dans le monde de l’automobile électrique. Le 4 juillet 2024, la Commission européenne a annoncé l’imposition de droits de douane punitifs (208 pages au format PDF) sur les voitures électriques importées de Chine. Une décision qui fait suite à une enquête de neuf mois et qui risque de bouleverser le marché européen des véhicules électriques.
Des taxes qui font mal au portefeuille
Fini le temps où les constructeurs chinois pouvaient inonder l’Europe de voitures électriques à des prix défiant toute concurrence. Les nouveaux droits de douane varient de 17,4 % à 37,6 % selon les constructeurs et s’ajoutent aux 10 % déjà existants. BYD, le leader chinois de l’électrique, écope d’une taxe de 17,4 %. Geely, propriétaire de Volvo, Polestar, Lynk & Co ainsi que de Lotus et Zeekr, devra s’acquitter de 19,9 % de droits supplémentaires. Quant à SAIC, maison-mère de MG et Maxus, c’est la douche froide avec 37,6 % de taxes.
Il est aussi question des start-ups chinoises qui vendent des véhicules électriques, comme Nio, Leapmotor, Aiways, Seres ou encore Xpeng. Ainsi que Tesla, les modèles qui sortent de l’usine de Shanghai. D’autres groupes comme Great Wall Motor (Ora), Chery ou encore Dongfeng (Dongfeng et Voyah), JAC (JAC et DR) sont mentionnés dans le document. Ces marques et entreprises, étant donné qu’elles ont coopéré dans le cadre de l’enquête, seront soumises à 20,8 % de taxes.
Pour Tesla, un taux individualisé est en train d’être calculé par la Commission européenne, pour être sous les 20,8 % de taxes. On devrait en savoir plus dans les semaines à venir.
Mais attention, ces chiffres ne sont pas gravés dans le marbre. Pour l’instant, il s’agit de mesures provisoires. Les importateurs doivent simplement fournir une garantie bancaire en mettant l’argent de côté. La décision finale sera prise dans quatre mois, soit début novembre 2024. D’ici là, les lobbys vont carburer à plein régime des deux côtés !
Pourquoi une telle décision ?
La Commission européenne ne fait pas dans la dentelle : elle accuse carrément la Chine de subventionner de manière déloyale sa filière de voitures électriques. Selon Bruxelles, ces subventions menacent directement l’industrie automobile européenne.
Pour aller plus loin
On connaît la somme investie par la Chine pour dominer la voiture électrique
Une étude du CSIS (Center for Strategic and International Studies) a levé le voile sur l’ampleur des subventions accordées par Pékin à son industrie automobile. 230,8 milliards de dollars. Ce qui donne, en conversion brute à l’heure où l’on écrit ces lignes, 216 milliards d’euros.
Les « aides » mentionnées constituent un véritable arsenal de soutien étatique à l’industrie automobile chinoise, allant bien au-delà des simples subventions directes. Ce cocktail d’avantages comprend un accès privilégié aux ressources publiques et au financement, des garanties étatiques, des allègements fiscaux, et même des réductions sur les coûts de production comme l’énergie ou le foncier. On y trouve aussi des mécanismes plus subtils comme des restrictions à l’exportation qui peuvent favoriser l’industrie locale, ou encore des prêts à des conditions avantageuses par des banques d’État.
Les voitures électriques chinoises représentent aujourd’hui 22 % du marché européen des voitures électriques. Une progression fulgurante qui fait trembler les constructeurs du Vieux Continent.
Mais ne nous y trompons pas : cette décision n’est pas qu’économique, elle est aussi géopolitique. L’Europe cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine, que ce soit pour les batteries, les terres rares ou les voitures finies.
Les conséquences sur le marché
Va-t-on voir les prix des voitures électriques s’envoler du jour au lendemain ? Pas si vite ! Dans un premier temps, l’impact sur les prix devrait être limité. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il y a actuellement un stock important de voitures électriques chinoises en Europe.
De plus, les constructeurs vont probablement absorber une partie de la hausse pour rester compétitifs. En échangeant avec des vendeurs BYD, la marque chinoise nous a confirmé être capable d’absorber ces coûts supplémentaires.
Il faut dire que les constructeurs chinois ont de la marge : pour un même modèle électrique vendu en Chine et en France, les prix peuvent varier du simple au double, voire au triple en défaveur des clients français.
Mais à moyen terme, c’est une autre histoire. Si ces droits de douane sont confirmés en novembre, on pourrait assister à un véritable chamboulement du marché.
Pour aller plus loin
Ca y est, les toutes premières voitures électriques chinoises fabriquées en Europe sont là
Les constructeurs chinois vont devoir revoir leur stratégie. Certains pourraient décider d’implanter des usines en Europe pour contourner ces taxes. D’autres pourraient se concentrer sur d’autres marchés plus accueillants.
Pour aller plus loin
2030 : l’année où les marques automobiles chinoises domineront un tiers du marché mondial
La riposte chinoise
Évidemment, la Chine ne compte pas rester les bras croisés face à cette décision. Pékin a déjà lancé une enquête sur les importations européennes de vin, de spiritueux, de produits laitiers et même de voitures de sport. Une façon de dire à l’Europe : « Si vous touchez à nos voitures, on s’en prendra à vos produits de luxe« .
On est donc potentiellement au début d’une guerre commerciale qui pourrait avoir des répercussions bien au-delà du secteur automobile. Les négociations entre l’UE et la Chine vont être essentielles dans les semaines à venir pour éviter une escalade.
Pour aller plus loin
Un manque de « fondement factuel » : la Chine fustige l’Europe et ses droits de douane sur les voitures électriques
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