Il n’aura fallu que quelques turbulences dans le ciel bleu et sans nuage de la voiture électrique pour que les constructeurs sortent leur plan B, voire même leur plan C. Il y a environ trois ans, chaque constructeur y allait de son annonce concernant la voiture électrique. « Uniquement des voitures électriques à partir de 2026 » chez l’un, « que de l’électrique en Europe en 2030 » chez l’autre… Tout le monde y allait de ses ambitions, avec des dates très utopiques, plus même qu’Elon Musk lorsqu’il annonce la sortie d’une nouvelle Tesla !
En 2035 donc, si vous ne le saviez pas encore, les constructeurs n’auront plus le droit de vendre des voitures neuves thermiques et hybrides au sein de l’Union européenne. Une clause de revoyure est bien prévue en 2026, mais dans l’état actuel des choses, rien ne devrait changer, d’autant plus que les élections européennes qui ont eu lieu il y a quelques semaines n’ont pas permis de rebattre les cartes à ce niveau. Ursula von der Leyen, grande instigatrice de cette mesure, a même été réélue à la tête de la Commission européenne la semaine dernière, pas de quoi faire vaciller l’Europe à ce niveau pour le moment, même si, sous la pression du lobbying allemand, elle a accepté de laisser une porte ouverte aux carburants de synthèse.
L’ombre de 2025 plane avant celle de 2035
Quoi qu’on en dise, pour arriver aux objectifs environnementaux fixés par l’Europe, il va falloir passer à l’électrique. On en pense ce que l’on veut, mais sans cette énergie, impossible d’atteindre les seuils fixés par l’Europe via la réglementation CAFE (Corporate Average Fuel Economy).
À partir du 1er janvier 2025, elle imposera une nouvelle réduction des émissions de CO2 avec une réduction de la moyenne des émissions à 81 g/km, par rapport aux 95 g/km des trois dernières années. En 2030, l’objectif de 50 g/km, un seuil impossible à atteindre sans voiture électrique dans sa gamme.
Au-delà de 2035, c’est donc 2025 qui commence à donner des sueurs froides aux constructeurs, notamment avec le ralentissement de la progression des ventes de voitures électriques qui n’arrange en rien les choses.
En effet, les chiffres énoncés plus haut doivent être une moyenne sur l’année en prenant en compte le CO2 émis par l’ensemble des voitures écoulées. Les voitures électriques étant neutres en carbone (à l’échappement), elles compensent en partie celles des véhicules thermiques et aident à éviter de lourdes amendes. Si les constructeurs ne parviennent pas à augmenter leurs ventes de véhicules électriques, ils risquent des pénalités considérables pouvant se chiffrer en milliards d’euros.
Oui en milliard, et cela peut très rapidement monter, car chaque gramme de CO2 au-delà de la limite est facturé 95 euros par voiture vendue. D’après les premières estimations, le groupe Volkswagen pourrait ainsi payer plus de quatre milliards d’euros d’amende (soit environ 19 % de son bénéfice en prenant en compte les chiffres de 2023), tandis que Renault et Stellantis s’exposent à environ un milliard d’euros (jusqu’à 28 % du bénéfice).
Les ventes d’électriques ne suivent pas
Pour atteindre l’objectif de 2025, les constructeurs ont redoublé d’efforts avec des gammes de voitures électriques complètes et plutôt pertinentes techniquement parlant, avec des autonomies respectables. Le problème aujourd’hui, c’est le prix, et en plus de ça, les subventions fondent comme neige au soleil. En Allemagne, celles-ci ont même disparu, tandis qu’en France, elles sont maintenant réservées uniquement aux modèles produits en Europe et vendus sous les 47 000 euros (pour schématiser grossièrement).
Pour éviter de payer de grosses amendes en 2025, les analystes estiment qu’environ 25 % des ventes de véhicules devront être électriques. Autant vous dire que nous en sommes loin, très loin même pour certains, à commencer par Renault, où sa part de voitures 100 % électriques vendues en 2023 était de 11 % dans le monde. Chez Peugeot, on annonce 18 % de part de véhicules électrifiés sur cette même période, mais en prenant en compte les hybrides.
La moyenne européenne pour les véhicules 100 % électriques est entre 15 et 16 %, et elle ne devrait pas forcément évoluer cette année puisque les ventes stagnent. Les amendes devraient donc être salées à partir de l’année prochaine, même si les constructeurs vont sans doute avoir recours aux ventes tactiques en fin d’année pour tenter d’adoucir la facture.
Conséquence, les stocks de voitures électriques devraient être plein de chez plein l’année prochaine, le tout à des prix sans doute bradés pour attirer les clients et vider ces fameux stocks remplis artificiellement quelques mois plus tôt. Il y aura sans doute de bonnes affaires à faire en début d’année prochaine, d’autant plus que le prix des voitures neuves est amené à diminuer ces prochains mois, comme nous vous l’expliquions au sein de cet article.
Toujours est-il que la transition énergétique est en marche et ne s’arrêtera pas. Il faudra plus de temps pour passer à une mobilité zéro émission parce que la demande ralentit et que les obstacles technologiques seront aussi surmontés plus difficilement que prévu. Les constructeurs, en particulier ceux qui ont le plus misé sur l’électrique, revoient actuellement leurs stratégies pour s’adapter aux nouvelles normes dictées par le marché, et non plus par le législateur. Et avouons-le, l’équation n’est pas simple à résoudre.
Le groupe Volkswagen sort les rames
Commençons par le principal constructeur européen : Volkswagen. Sous la direction d’Herbert Diess, l’ancien PDG de l’entreprise, le groupe croyait plus que quiconque à la voiture électrique, pour finalement se retrouver avec des chiffres tout sauf satisfaisants. Le groupe a donc décidé de prendre des contre-mesures, en retardant l’arrivée de voitures électriques plus économiques comme l’ ID.2 ou, dans l’actualité plus récente, en suspendant la production du Q8 e-tron à Bruxelles. Et tout ça, c’est sans parler des problèmes de développement que rencontre l’entreprise, même s’ils vont sans doute s’amoindrir grâce au récent partenariat avec le chinois XPeng.
De son côté, Audi continue d’annoncer qu’à partir de 2033, elle ne vendra que des voitures électriques, mais Gernot Döllner, le PDG de la marque, a également déclaré qu’au cours de ces neuf prochaines années, avant l’échéance de 2035 donc, les volumes de ventes des voitures électriques seront inférieurs aux prévisions. Selon lui, pendant cette période de transition, de nombreux clients préféreront les hybrides rechargeables aux voitures électriques. Autrement dit : Audi ne revient pas en arrière, mais garde les yeux ouverts sur les vraies demandes des clients.
Du côté de chez Porsche, même stratégie. À Stuttgart, on pensait que 80 % des ventes seraient électriques d’ici 2030. Désormais, l’entreprise affirme que « la transition vers l’électrique prend plus de temps que prévu et la stratégie devrait permettre la livraison de plus de 80 % de voitures entièrement électriques d’ici 2030, mais la demande ne nous permettra pas d’y parvenir. Nous avançons donc en parallèle dans le but de maintenir des ventes élevées et de ne pas perdre de parts de marché. »
Autrement dit, on espère que le Macan électrique rencontrera plus de succès que le Taycan, certes un peu pionnier dans cet univers, d’autant plus que les prochaines voitures prévues sont électriques avec les Cayman et Boxster ou encore la quatrième génération de Cayenne en 2025.
Et les constructeurs français dans tout ça ?
Chez Renault, comme chez Stellantis, on veut réduire les coûts. Luca De Meo, le PDG de Renault, l’a toujours dit : pour que la voiture électrique se démocratise, elle doit coûter moins cher. Il l’a réitère dans une récente interview, dans laquelle il affirme que le groupe peut atteindre cet objectif de 100 % électrique d’ici 2035, mais qu’il ne le fera que si la demande est suffisante. Renault se laisse jusqu’à 2026 pour ajuster sa stratégie.
Luca De Meo explique notamment que l’industrie européenne a investi des milliards dans la transition et que le pouvoir politique ne peut pas changer d’avis au moment où les constructeurs mettent en œuvre les efforts consentis avec l’arrivée de nouveaux modèles sur le marché. Mais « cela prendra plus de temps. Plus de 10 ans », selon ses propos, « et pendant cette période, nous devrons également favoriser les hybrides et les hybrides rechargeables pour réduire les émissions. » D’une manière générale, avec la réglementation CAFE, il n’y a donc pas trop le choix.
Chez Stellantis, Carlos Tavares n’est pas loin de penser comme Luca de Meo. Le dirigeant tir à boulet rouge sur l’Europe depuis des années concernant ces objectifs, et le groupe a déjà annoncé aussi être attentif au marché. Le point positif pour Stellantis, c’est que les marques du groupe disposent de plateformes multi-énergies permettant d’adapter les motorisations en fonction de la demande. De quoi gagner du temps et réduire les coûts de développement.
Ce n’est guère mieux ailleurs, sauf en Chine, et pour une bonne raison
Et comment ça se passe ailleurs ? Pas forcément mieux, puisque de l’autre côté de l’Atlantique, la situation n’est guère plus reluisante. Outre Tesla, qui se concentre de plus en plus sur d’autres choses que les voitures, General Motors a clairement fait savoir qu’elle raterait le premier objectif de la transition : le groupe ne parviendra pas à construire un million de voitures électriques par an d’ici fin 2025. Mary Barra, la PDG du groupe, a déclaré : « Le marché ralentit et nous n’avons d’autre choix que de nous adapter. Mais je suis confiant dans la voiture électrique. Les chiffres vont continuer à croître. »
De son côté, Ford a déclaré il y a déjà plusieurs années qu’elle ne vendrait que des voitures électriques en Europe à partir de 2030. Puis, au vu de l’état des ventes de la marque sur le Vieux Continent, avec l’arrêt notamment de la Fiesta et les ventes décevantes du Mustang Mach-E, Ford a révisé ses prévisions et a fait savoir, il y a quelques jours, que passer à l’électrique d’ici 2030 « n’est plus un bon choix pour l’entreprise et pour les clients ». L’idée serait ainsi de continuer à vendre des modèles thermiques jusqu’à ce que la réglementation européenne l’interdise, tout en continuant à présenter des voitures, comme la marque vient de le faire avec l’Explorer ou encore la Capri.
En lisant tout cela, on pourrait penser qu’Akio Toyoda, l’ancien patron de Toyota, très critiqué pour son scepticisme à l’égard des voitures électriques, avait raison. Effectivement, au vu des chiffres pour le moment, nous ne pouvons pas lui donner tort, même s’il est encore trop tôt pour vraiment dire que Toyota a eu raison de temporiser sur l’électrique.
En Chine, comme vous devez sans doute le savoir, les chiffres sont complètement différents : les voitures électriques se vendent et les constructeurs continuent de proposer ces modèles à foison. La raison ? Elle est simple, et c’est ce qui manque à l’Europe : les voitures électriques deviennent abordables. Elles sont désormais moins chères que leurs équivalences thermiques en Chine sur certains segments.
En décembre 2023, 69 % des véhicules électriques vendus dans le monde l’ont été en Chine. Pour 2024, selon des estimations du cabinet Rystad Energy, sur les 17,5 millions de véhicules électriques qui seront vendus sur la planète (sans doute moins finalement avec le ralentissement des ventes en Europe et aux USA), 65 % le seront en Chine, soit 11,5 millions.
Pourquoi ? Car la Chine a cru en la voiture électrique bien plus tôt que le reste du monde, et que le gouvernement subventionne la plupart des constructeurs locaux. Au grand dam de la Commission européenne, qui vient d’édicter des droits de douanes supplémentaires.
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