Pourquoi « l’invasion » annoncée des voitures électriques chinoises en Europe n’a pas (encore) eu lieu

 
Les voitures chinoises devaient « inonder le marché » à leur arrivée en Europe avec des modèles électriques plus aboutis et moins chers. Même si les marques les plus solides commencent à s’installer, force est de constater que la mise en orbite est, pour la plupart, bien compliquée. Mais pourquoi ?

La voiture chinoise, c’est devenu depuis quelques années le grand méchant loup de l’industrie automobile mondiale. Avec l’avènement programmé de l’électrique qui s’est grandement accéléré après l’épisode du Dieselgate de Volkswagen, les constructeurs chinois ont tout misé sur cette énergie, à grands coups de subventions de la part du gouvernement pour réussir cette transition.

Pratiquement dix ans plus tard, tout le monde s’accordera à dire que la Chine a réussi son pari. Redevenus maîtres dans leurs propres pays, les marques chinoises ont pris l’ascendant sur les constructeurs européens qui voyaient en la Chine l’eldorado. Les clients chinois préfèrent se tourner vers des marques locales qui proposent des voitures souvent moins chères, aussi bien finies que les voitures européennes et bien souvent plus technologiques.

La Chine est aussi devenue l’usine du monde pour les batteries puisque la majeure partie d’entre elles viennent de l’Empire du Milieu. Pendant ce temps, l’Europe et les autres marchés sont à la traîne, même si cela pourrait s’améliorer d’ici la fin de la décennie.

Une telle réussite a donc encouragé les constructeurs chinois à s’exporter. Mais eux qui pensaient trouver en Europe et aux USA l’eldorado se heurtent, comme nos constructeurs en Chine, à de nombreux problèmes.

Les mesures protectionnistes s’accentuent

Le premier et le plus récent, c’est l’augmentation des droits de douane pour les voitures électriques fabriquées en Chine et exportées vers l’Europe. Suite à une enquête de la Commission européenne sur des suspicions de généreuses subventions du gouvernement chinois pour faire baisser les prix des voitures électriques, causant ainsi une concurrence déloyale, l’Europe a décidé d’augmenter les droits de douane pour tous les modèles venus de Chine.

Même si les constructeurs européens qui fabriquent en Chine pour l’Europe, comme BMW, Mini ou encore Volkswagen, pourraient bénéficier d’une petite exemption, pour SAIC, BYD ou encore Geely, l’augmentation sera comprise entre 17 et quasiment 40 %, en plus des 10 % déjà actés il y a plusieurs années.

Volvo EX30 // Source : Volvo

Conséquence ? Le prix des voitures chinoises vendues en Europe va augmenter d’ici à environ la fin de l’année. Beaucoup ont rempli les stocks en prévision de cette augmentation pour maintenir des prix compétitifs le plus longtemps possible, à l’image de MG avec sa MG4 ou encore Volvo avec son EX30.

Les États-Unis ont même été plus loin en augmentant de 100 % ces mêmes frais de douane, et le gouvernement américain ne compte pas s’arrêter là puisqu’il compte aussi taxer les batteries pour voitures électriques venant de Chine.

Des prix qui n’ont rien d’accessible

Mais au fait, ces voitures électriques chinoises, sont-elles aussi peu chères qu’annoncé ? En n’y regardant de plus près, pas vraiment, voire même pas du tout. En dehors de la MG4, disponible à partir de 24 990 euros avec un rapport qualité/prix parmi les meilleurs du marché, on ne peut pas en dire autant du reste. Tout en sachant qu’en prime, MG n’a plus le droit au bonus écologique en France depuis le début de l’année avec le nouveau barème.

En regardant les autres modèles chinois vendus en France, on ne peut pas dire qu’ils soient si peu chers. BYD en est un bon exemple, hormis la Dolphin, certes loin d’être une référence dans sa catégorie, qui démarre à 33 990 euros.

BYD Dolphin // Source : BYD

Beaucoup plus convaincante, voire l’une des références des berlines électriques actuelles, la BYD Seal n’est pas donnée, même si, au vu de ce qu’elle propose, elle n’a pas à rougir ne serait-ce que face à une BMW i4 ou une Tesla Model 3. Disponible à partir de 46 990 euros, il faudra toutefois batailler pour BYD pour convaincre les clients, quand la Model 3 débute à 42 490 euros. Précisons tout de même que BYD a tendance à énormément gonfler ses marges en Europe, de manière à compenser celles, bien plus minces, des ventes en Chine.

Récemment arrivé en France, Xpeng propose deux modèles, dont l’excellent SUV G6 que nous avons essayé dans nos colonnes et qui est l’un des meilleurs concurrents au Tesla Model Y, mais qui coûte tout de même 42 990 euros minimum pour la version Autonomie standard, 46 990 euros en version Grande autonomie et 50 990 euros pour la version Performance. Des prix proches du Model Y et qui n’ont rien de délirant, surtout au vu des prestations proposées, mais qui n’ont tout de même rien d’abordable.

Xpeng G6 // Source : Xpeng

Mais le problème pour ces constructeurs, c’est qu’aussi bons soient leurs produits, il y a une vraie image de marque à construire. Et les vieux stéréotypes ont la vie dure, surtout en Europe. Il n’y a qu’à voir la rubrique « commentaires » sur les réseaux sociaux quand on parle d’une voiture électrique chinoise qui arrive en France et une voiture électrique américaine qui fait la même chose.

Cadillac, bien qu’avec un positionnement très haut de gamme, aura beaucoup moins de mal à se faire accepter pour son retour en Europe qu’un Xpeng ou qu’un BYD. Pour la plupart des clients européens (et pas que), voiture chinoise veut encore dire voiture de mauvaise qualité.

BYD Seal U // Source : BYD

Un gros travail de communication devra être fait par les constructeurs au moment de leur implantation et du développement de leur réseau. Le réseau sera d’ailleurs la pierre angulaire de ce développement, car les marques ne pourront pas avoir le loisir de Tesla de se passer de points de vente dans un marché qui est majoritairement méfiant encore à l’égard du « Made in China ».

MG l’a d’ailleurs bien compris et dispose désormais d’une centaine de points de vente partout en France. BYD compte s’inspirer du même maillage, tout comme Xpeng ou encore Chery qui comptent bien tenter leur chance sur plusieurs marchés européens, dont la France.

Il y a MG, et puis il y a les autres

MG est le seul constructeur chinois, à l’exception de Leapmotor et sa peu convaincante T03, qui propose un modèle plutôt accessible. En dehors du reste, en plus d’avoir une image de marque quasi-inexistante, les produits commercialisés frisent avec les modèles premium européens.

Sur le premier semestre MG, qui est nettement mieux implantée en Europe grâce à ses modèles électriques et hybrides bon marché, explose la concurrence et s’attaque même à des marques déjà bien établies. La marque a écoulé 126 396 autos sur le premier semestre 2024 en Europe, soit quasiment autant que Seat (151 650 voitures vendues) et même de Tesla (161 525 modèles écoulés).

MG4 // Source : MG Motor

Pas mal pour une marque chinoise, et on ne peut pas s’empêcher de se dire que cela aurait pu être mieux si la relance de MG en Europe à l’horizon 2017 avait été plus réussie. En effet, la marque MG conserve une aura très forte en Europe du fait de son passé. Le passage sous pavillon chinois lui a permis de se relancer, mais la marque a plutôt appuyé sur le fait qu’elle était maintenant chinoise, chose qui est maintenant ancrée chez les consommateurs, ce qui la prive encore sans doute de nombreuses ventes.

Pourtant, le cas MG n’est pas si différent de Volvo par exemple, passé sous le giron de Geely, mais dans l’indifférence générale. Volvo est maintenant géré par des Chinois, mais demandez à n’importe qui n’ayant pas d’appétence avec l’automobile à qui appartient Volvo, personne ne saura vous répondre. MG a eu la bonne idée de s’implanter en Europe avec des produits plus accessibles, et heureusement, puisque force est de constater que le rapport qualité/prix a pris aujourd’hui quelque peu l’ascendant sur le fait que ce soit une marque sous pavillon chinois.

Un bide pour BYD ?

BYD, qui peut être considéré comme le numéro 2 en Europe des constructeurs chinois, est à des années-lumière de MG. N’oublions pas toutefois que cela fait à peine deux ans que la marque est implantée à grande échelle et que le réseau s’étoffe peu à peu, mais avec 15 644 voitures vendues en Europe en 2023 (contre 123 000 pour MG…) et 17 000 voitures en Europe sur le premier semestre 2024 (contre 126 396 MG, comme énoncé plus haut), les résultats sont encore confidentiels.

On ne peut pas parler de bide d’une marque qui commence s’implanter en France, d’autant plus qu’à l’échelle mondiale, BYD est un vrai rouleau compresseur avec trois millions de véhicules vendus en 2023 (notamment grâce à des produits accessibles en Chine, comme la Seagull), concurrençant frontalement Tesla pour le titre de numéro 1 mondial de l’électrique. N’oublions pas aussi que BYD maîtrise quasiment de A à Z sa chaîne de production, et notamment la production de batterie. Preuve en est, la marque produit même des batteries pour Tesla et pour le nouveau Peugeot e-3008, entre autres !

BYD Seagull // Source : BYD

Et les autres constructeurs ? Nous ne pouvons pas tirer de conclusions trop hâtives, car toutes les marques que nous allons vous citer se lancent cette année ou se sont lancées en fin d’année dernière.

D’après Jato Dynamic, Xpeng a vendu 2 214 voitures en Europe au premier semestre 2024. Great Wall Motors en a écoulé 2 123 (la marque va d’ailleurs quitter partiellement l’Europe après une implantation en 2021…), 821 pour Zeekr, 366 pour Hongqi ou encore 225 pour Voyah. Toujours est-il que même pour des lancements, les chiffres sont faibles, très faibles même dans des pays « pilotes », comme la Norvège par exemple, plutôt très mature avec la voiture électrique puisqu’elle représente plus de 85 % du marché.

Le chemin sera encore long (et semé d’embûches)

Quelle conclusion peut-on en tirer ? Avec l’exemple de MG, on pourrait dire qu’avec une bonne voiture au bon prix, l’obstacle de l’image de marque pourrait vite être levé. Et encore, rappelons que MG possède déjà une belle image de marque en Europe malgré un passage sous pavillon chinois, ce qui n’est pas le cas des autres.

Sans coup d’éclats, difficile pour BYD, Xpeng ou encore Chery et GWM de s’imposer en Europe. Par « coup d’éclats », on entend une voiture accessible et à la pointe technologiquement parlant. Mais comment faire quand, en plus, les exportations venant de Chine sont taxées ? Construire des usines en Europe, et ce sont d’ailleurs les projets de MG avec une usine sans doute en Espagne, tandis que BYD a choisi la Hongrie, pendant que Stellantis va produire des modèles Leapmotor en Pologne.

Cela sera-t-il suffisant ? Nous en doutons, et à l’image des constructeurs japonais et coréens qui sont arrivés en Europe il y a plusieurs décennies, il faudra des années avant de se construire une image de marque et se différencier avec des technologies, comme Toyota a pu le faire avec l’hybride.


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