Pour le grand public, la voiture électrique reste un sujet d’inquiétude. En termes d’autonomie et de recharge, certes, mais également sur la longévité et de la sécurité des batteries.
Autant les trois premiers points sont facilement réfutables, autant le dernier point vient d’être un peu chahuté en Corée du Sud. Le 1 août, une Mercedes-Benz EQE s’est enflammée dans un parking souterrain, de quoi créer une petite psychose dans le pays. Voici ce qu’il s’est passé.
Un rappel des faits
Le Korea Times nous narre le récit. Une Mercedes-Benz EQE, stationnée depuis trois jours sans être branchée, a donc subitement pris feu dans un parking souterrain à Incheon, dans la banlieue de Séoul.
L’incendie a duré huit heures, détruisant 40 voitures et endommageant 100 autres – un bilan empiré par le dysfonctionnement du système incendie, d’après les premières informations. Heureusement, aucune victime n’est à déplorer, même si 20 résidents ont dû être hospitalisés suite à des inhalations de fumée.
Les causes de l’incendie ne sont pas encore connues, mais l’enquête est en cours.
Des réactions en chaîne
Le gouvernement s’en mêle
Reste que cet incendie a créé une véritable onde de choc au niveau national – le contexte n’a pas aidé, puisque le pays avait été endeuillé en juin par un incendie meurtrier dans une usine de batteries lithium-ion, où 22 personnes avaient perdu la vie.
Le gouvernement s’est donc saisi de l’affaire, et a annoncé plusieurs mesures, relate toujours le Korea Times. La plus importante concerne l’obligation des constructeurs de voitures électriques à communiquer leurs fournisseurs de batterie haute tension, ainsi qu’un certificat de fiabilité des batteries.
La Mercedes-Benz incriminée était équipée de batteries NMC (nickel-manganèse-cobalt) fournies par Farasis, un fabricant chinois… qui s’était récemment vanté de la durabilité de ses batteries. Un fabricant à la renommée questionnable en Asie, nous rappelle Numerama, puisqu’un rappel avait eu lieu en Chine en 2021, justement pour des risques d’incendie de sa batterie.
La ville de Séoul a son mot à dire
Un troisième article du Korea Times, preuve de l’intérêt du pays pour l’affaire, indique que la ville de Séoul veut même aller plus loin en interdisant le stationnement souterrain des voitures électriques chargées à plus de 90 % de leur batterie.
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Notons que ce pourcentage se base sur la capacité totale de la batterie, et non de celle réellement utilisable (les constructeurs gardent toujours quelques pourcents en « tampon » pour une meilleure longévité de la batterie). Séoul veut donc obliger les constructeurs à augmenter cette capacité tampon, avec, ici aussi, un certificat garantissant l’opération.
Les bornes de charge sont également dans le collimateur de la capitale, qui veut que les bornes rapides (à courant continu) dans les installations publiques s’arrêtent automatiquement à 80 % de la batterie. L’administration de la ville cite la charge excessive comme l’une des principales causes des départs de feu.
La Corée possède d’ailleurs une spécificité concernant les bornes de recharge : toujours d’après le Korea Times, les bornes installées en parking souterrain sont légion. 91 % des bornes privées au niveau national sont situées en sous-sol d’immeubles.
Les constructeurs prennent les devants
Devant l’obligation gouvernementale, les marques de voitures électriques commencent à divulguer les fournisseurs de leurs batteries lithium-ion.
Hyundai et Kia, les constructeurs nationaux, vont cependant plus loin et ont annoncé via un communiqué une campagne d’inspection gratuite des batteries de l’ensemble de leurs voitures électriques.
Les deux marques, appartenant au même groupe, ont également dévoilé une nouvelle version de leur BMS (Battery Management System). Ce système est responsable du bon état de santé de la batterie, gérant sa charge et décharge, mais aussi ses besoins de refroidissement, etc.
Bref, un système crucial, et cette nouvelle version veut renforcer la sécurité. La marque assure ainsi que « la probabilité de problèmes causés par une surcharge est proche de zéro pour cent ».
Les voitures électriques prennent-elles vraiment plus feu que des thermiques ?
Un peu de chimie
Voilà pour un rappel des faits. Creusons maintenant ce qui est probablement plus intéressant : les voitures électriques ont-elles vraiment tendance à prendre feu sans raison ?
Ce qui est vrai, c’est qu’un feu de batterie lithium-ion d’une voiture électrique est extrêmement long et compliqué à éteindre. D’une part parce que la batterie contient d’énormes quantités d’énergie (de 40 à 120 kWh selon les modèles), mais aussi parce que ses constituants chimiques peuvent libérer de l’oxygène en brûlant, de quoi auto-alimenter l’incendie.
Notons que toutes les batteries ne sont pas logées à la même enseigne. Deux grandes chimies se partagent le marché des voitures électriques : les NMC, qui équipent la Mercedes incriminée, et les LFP (lithium-fer-phosphate).
Les NMC possèdent une plus grande densité énergétique, faisant d’elle le choix privilégié pour les voitures électriques performantes, mais peuvent être plus instable chimiquement. Les LFP, à l’inverse, sont moins chères et possèdent une densité énergétique plus faible, de quoi en faire un bon choix pour les segments d’entrée de gamme. Elles disposent par contre d’un meilleur niveau de sécurité – BYD en fait d’ailleurs un argument de vente pour ses batteries LFP maison, les célèbres Blade.
Des chiffres parlants
Les batteries NMC sont peut-être un peu moins stables chimiquement que les LFP, mais prenons un peu de recul : une voiture électrique, de façon générale, brûle bien moins souvent qu’un équivalent thermique.
La compagnie d’assurance américaine AutoinsuranceEZ a ainsi compilé des départs de feu aux États-Unis en 2023 par type de motorisation. Les résultats sont éloquents : pour 100 000 voitures électriques vendues, 25 d’entre elles prennent feu. Ce chiffre monte à 1 530 pour une voiture thermique… et même 3 475 pour des hybrides, à la moyenne d’âge pourtant moins élevée que les thermiques.
Tesla y va également de ses données, et indique, toujours aux États-Unis, qu’une Tesla prend feu tous les 130 000 000 miles roulés (209 214 720 km) sur l’ensemble de la flotte, lorsque la moyenne américaine en est à un incendie tous les 18 000 000 miles roulés (28 968 192 km). Une baisse de 86 %.
Des décisions bientôt en Europe ?
Face à ces chiffres, on pourrait se demander si les décisions prises par la Corée du Sud ont un sens, et si ces dernières pourraient traverser les frontières.
Notons tout de même que la demande du gouvernement coréen aux constructeurs de fournir les noms des fournisseurs de leurs batteries va bientôt avoir un équivalent en Europe : le passeport batterie.
Son intérêt est avant tout écologique, permettant une meilleure traçabilité de ses divers composants, mais permet de connaître le nom des fournisseurs. Il sera obligatoire en 2026, mais Volvo a pris de l’avance en l’introduisant sur son EX90.
L’idée d’augmenter la zone tampon de la batterie pour éviter la surcharge – uniquement demandée par la ville de Séoul et non le pays entier – est en revanche peut-être plus compliquée à mettre en œuvre. Cela obligerait les constructeurs à diminuer les autonomies communiquées de leurs voitures électriques, de quoi peut-être faire grincer les dents.
D’autant plus que les bornes communiquent avec la voiture : si le fameux BMS détecte un problème, la charge s’interrompra automatiquement. Bref, peu de chances de voir cette idée se propager.
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