Pendant l’été 2024, une étude se concentrant sur la dégradation des batteries LFP a été publiée. Jusqu’ici, rien d’anormal : des études sur les batteries sont très fréquemment publiées. Pourtant, cette étude a fait couler beaucoup d’encre puisqu’en la parcourant rapidement, on pourrait croire qu’elle vient apporter des nouvelles informations sur cette chimie très utilisée de nos jours.
En réalité, il n’y a rien d’alarmant, mais nous allons tout de même revenir en détail sur ce que l’on apprend, sans oublier un topo sur les idées reçues sur les batteries de voiture électrique qui peuvent être à nouveau balayées grâce aux recherches scientifiques.
Les batteries LFP sont de plus en plus utilisées pour de bonnes raisons
Depuis quelques années, les batteries LFP (lithium – fer – phosphate) ont le vent en poupe pour trois raisons principales : leur coût, leur capacité à charger fréquemment à 100 % et leur longévité. Parmi les exemples les plus marquants, nous pouvons citer les Tesla Model 3 et Model Y, qui utilisent cette chimie de batterie depuis 2021 sur les versions d’entrée de gamme – les autres versions passant à la chimie NMC (nickel – manganèse – cobalt).
Ces Tesla demeurent ce que l’on peut toujours considérer comme le meilleur rapport qualité-prix du marché de l’électrique, avec des modèles très compétitifs pour 40 000 euros environ, mais la LFP ouvre également l’accès à des voitures électriques « abordables », comme la Citroën ë-C3, disponible à moins de 20 000 euros bonus écologique déduit.
Nous avons déjà détaillé les différentes chimies de batterie dans ce dossier, et nous n’allons pas le refaire ici. Gardez simplement en tête que les batteries LFP ne contiennent pas de cobalt, et sont aujourd’hui moins chères que les autres chimies. Restent qu’elles ne sont pas non plus parfaites, et leur densité énergétique (la quantité d’énergie stockable dans un volume donné) reste en recul par rapport aux NMC ; concrètement, une batterie LFP sera plus grande et plus lourde qu’une NMC de même capacité. D’où le choix de la LFP, en général, pour les « petites » batteries.
Que nous apprend l’étude menée à l’été 2024 ?
Intitulée « la plage de fonctionnement des cellules lithium fer phosphate/graphite affecte leur durée de vie » (The Operation Window of Lithium Iron Phosphate/Graphite Cells Affects their Lifetime en anglais), l’étude révèle donc sa conclusion dans le titre : même si ce sont des batteries LFP, la manière dont vous allez charger va avoir un impact sur la dégradation.
Pour rappel, si l’on considère les voitures les plus vendues au monde l’année dernière (Tesla Model Y Propulsion), on retrouve dans l’application mobile la consigne de recharger à 100 % une fois par semaine, en laissant la limite de charge à 100 %.
Or, dans les conclusions de l’étude, on retrouve le constat suivant :
Nos résultats montrent une corrélation entre l’état de charge moyen de la batterie et le taux de perte de capacité, ce qui signifie que plus l’état de charge moyen est faible, plus la durée de vie est longue.
Eniko S. Zsoldos et al 2024 J. Electrochem. Soc. 171 080527
Autrement dit, pour garder la batterie en bon état le plus longtemps possible, il faudrait éviter d’utiliser les plages de niveau de batterie les plus hautes (75 % – 100 %).
Si l’on regarde de plus près la méthodologie employée pour cette étude, on remarque que les tests se font sur un total de 1400 cycles de batterie, soit pour une voiture permettant de faire 300 kilomètres avec sa batterie, l’équivalent de 420 000 kilomètres environ. Pour rappel, un cycle correspond à une utilisation de 100 % de la batterie, qui peut être en une fois (de 100 % à 0 %), ou en plusieurs fois (4 fois de 100 % à 75 %, ou 2 fois de 60 % à 10 %, etc.).
Au bout de ces cycles sont comparés différents profils de charge et décharge :
- cycles sur la plage 0 % – 25 %
- cycles sur la plage 0 % – 60 %
- cycles sur la plage 0 % – 80 %
- cycles sur la plage 0 % – 100 %
- cycles sur la plage 75 % – 100 %
À l’issue, la dégradation des cellules est mesurée, et les résultats montrent qu’elle est plus importante pour les cellules ayant fait leurs 1400 cycles uniquement sur la plage 75 % – 100 %.
Comment adapter mon usage pour limiter la dégradation d’une batterie LFP ?
Une fois les conclusions de l’étude digérées, comment faire pour ne pas dégrader sa batterie outre mesure ? Tout d’abord, il convient de bien comprendre ce que l’on apprend : n’utiliser que la plage 75 % – 100 % de batterie va dégrader les cellules de manière plus importante que si on descend plus bas en niveau de batterie.
En effet, l’étude montre même que la plage qui dégrade le moins les cellules est la plage 0 % – 25 %. Ainsi, vous pourriez être tentés d’arrêter votre charge à 25 %, et rouler uniquement en-dessous de cette limite si vous n’avez pas besoin de beaucoup de batterie au quotidien. Après tout, c’est faisable, mais il y a fort à parier que le confort et la sérénité d’avoir une batterie bien plus remplie vous importe plus que sa santé théorique sur plus de 400 000 kilomètres.
Sur les 1400 cycles, dans le meilleur des cas, la dégradation atteint 5 % en ne dépassant jamais 25 % de batterie. En balayant toute la plage de 0 à 100 % de batterie, la dégradation atteint 9 %. Sur la fameuse plage allant uniquement de 75 % à 100 %, c’est 14 % de dégradation qui sont constatés.
Dit plus explicitement, toujours en imaginant une batterie de voiture électrique qui parcourt 300 kilomètres par cycle, après 420 000 kilomètres, en ayant les pires habitudes de recharge qui soient, la dégradation pourrait atteindre 42 kilomètres d’autonomie : c’est-à-dire que vous ne pourrez plus parcourir « que » 258 kilomètres si vous en faisiez 300 avec la batterie neuve.
Dans le meilleur des cas, vous n’auriez perdu que 15 kilomètres d’autonomie, et de manière plus réaliste, autour de 27 kilomètres seraient perdus après 420 000 kilomètres parcourus. Faut-il pour autant avoir une politique de recharge draconienne pour économiser 12 kilomètres d’autonomie sur l’équivalent de presque 40 ans de route pour un français moyen ? Probablement pas.
Faut-il arrêter de charger à 100 % une batterie LFP ?
Sur les batteries NMC, la bonne pratique est de limiter la charge à 80 % le plus souvent possible, et garder la charge à 100 % uniquement pour les grands voyages où c’est indispensable pour arriver à bon port. Il est possible d’avoir la même politique sur les batteries LFP pour améliorer leur durée de vie, bien entendu.
Pour aller plus loin
Pourquoi certaines voitures électriques doivent être chargées à 80 % et d’autres à 100 %
Cependant, si par exemple Tesla conseille de charger une fois par semaine à 100 % sur ses batteries LFP, ce n’est pas pour rien. Le système de gestion de la batterie a plus fréquemment besoin de se recalibrer pour ce type de batteries que pour les autres. Ainsi, le 100 % sera bien synonyme de batterie chargée à 100 %, et le 0 % de batterie vide. Si une batterie LFP est mal calibrée, vous pourriez arriver à 5 % et avoir une mauvaise surprise en vous retrouvant à l’arrêt complet. Une calibration (via une recharge complète) remettra le système d’aplomb.
Il y a donc un juste milieu à trouver, qui permet tout de même de respecter la consigne de charge à 100 % de manière hebdomadaire. Par exemple, si vous utilisez uniquement entre 10 et 15 % de votre batterie au quotidien, nul besoin de la brancher tous les jours pour la retrouver à 100 % chaque matin : prévoyez seulement une charge dans la semaine, et vous pourrez ainsi utiliser la voiture toute la semaine en balayant toute la plage de batterie de 0 à 100 %.
De même, si vous utilisez 25 % de batterie, une recharge tous les 3 jours sera moins dégradante en théorie que de la brancher tous les jours en atteignant 100 %. Gardez dans tous les cas en tête que la différence en termes d’autonomie perdue ou conservée sur toute la durée de vie de votre véhicule se comptera probablement en une grosse dizaine de kilomètres tout au plus.
Tesla — comme n’importe quel autre constructeur — n’a pas spécialement d’intérêt à vous donner des habitudes de recharge qui dégraderont outre mesure les batteries. En effet, avec les garanties sur les batteries de 8 ans et 160 000 kilomètres, un comportement néfaste aurait pour résultat de les obliger à remplacer les batteries défectueuses. Et s’il y a bien des actes que les constructeurs ne veulent pas avoir à faire en grand nombre, c’est bien ceux-là.
Rappelons enfin, une nouvelle fois, que les batteries de nos voitures électriques tiennent sur la durée. Tesla communique une perte moyenne de 15 % de capacité initiale après plus de 200 000 miles (environ 322 000 kilomètres) d’utilisation, tandis qu’une récente étude américaine estimait que seules 2,5 % des batteries des voitures électriques en circulation ont dû être remplacées.
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