
C’est un sujet qui fait souvent débat. Les voitures électriques, comme tout objet, n’est absolument pas neutre pour le climat et nécessitent des ressources, parfois très polluantes à extraire, sans compter toutes les questions éthiques autour des conditions de travail dans les mines.
Quand certains apportent de la nuance à ces propos, d’autres sont bien plus virulents, mais qu’en est-il dans les faits, notamment par rapport à un modèle thermique ? Difficile d’apporter une réponse universelle et indiscutable tant les éléments qui entrent en ligne de compte sont nombreux et, parfois, opaques.
Les voitures électriques sont souvent présentées comme la solution idéale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est un fait, personne ne peut le nier, avec des émissions nulles à l’échappement, sur son cycle de vie, une voiture électrique pollue moins qu’un modèle thermique.
Toutefois, en mettant de côté les autres aspects polluants qui gravitent autour de la voiture électrique dans son cycle de vie (particules émises par les freins, par les pneus…) leur fabrication soulève des questions, surtout concernant l’exploitation minière.
Derrière cette révolution technologique se cache une réalité souvent beaucoup moins rose que les beaux discours marketings enjolivés de belles couleurs vertes avec de jolies fleurs autour de l’auto : l’extraction intensive des ressources nécessaires à la fabrication des batteries, comme le lithium, le cobalt ou le nickel, entraîne de sérieux problèmes environnementaux et sociaux.
La promesse verte est-elle ternie par l’extraction minière ?
Même si les constructeurs et les principaux acteurs de l’industrie automobile travaillent sur des batteries moins nécessiteuses en matières premières et en matériaux critiques (un peu comme quand l’Europe challenge les constructeurs à réduire les émissions de CO2 de leurs modèles thermiques), les batteries, cœur technologique de ces véhicules, nécessitent des métaux rares dont l’extraction est souvent source de pollution, de destruction d’écosystèmes et de violations des droits humains.

Que ce soit dans les vastes déserts chiliens, dans l’outback australien ou encore par-delà les plaines de la République démocratique du Congo, la course est lancée pour extraire les minéraux indispensables à l’avènement de la voiture électrique. Alors que la demande pour ces voitures électriques augmente (même si la progression des ventes n’est pas celle escomptée actuellement), celle pour les composants critiques des batteries, comme le lithium, le nickel et le cobalt, explose également. Mais cette quête de ressources suscite de nombreuses interrogations, certains pointant du doigt les conséquences environnementales et humaines de ce minage intensif.
Les opposants de la voiture électrique mettent souvent en avant les cicatrices laissées par l’extraction des minéraux pour batteries, accusant ces mêmes autos de cacher un bien « vilain secret ». Effectivement, personne ne va mettre en avant la manière dont sont extrait ces précieux minéraux, au même titre que les industriels pétroliers ne vont aussi pas mettre en avant la manière dont ils sortent des entrailles de la Terre l’or noir.
Certains articles de presse n’y vont pas par quatre chemins. Le Daily Telegraph, par exemple, affirme que les voitures électriques sont « faites de pollution et de misère humaine », tandis que le Washington Post évoque des « batteries de sang », en référence à l’exploitation du travail des enfants dans les mines de cobalt en RDC. Bien évidemment, ces affirmations ne sortent pas de n’importe où, d’autant plus que ces journalistes ont sans doute un certain devoir de neutralité.
L’énonciation de ces faits vient d’études d’organisations de défense des droits humains, comme Amnesty International, qui ont révélé que le travail des enfants et les conditions de travail dangereuses sont courants dans ces mines, exacerbant ainsi les préoccupations éthiques entourant la production des voitures électriques. Ce sont des faits avérés, et même si les constructeurs font de plus en plus attention au sourcing de ces matières premières, il n’en demeure pas moins que ça n’a absolument pas encore disparu à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Encore aujourd’hui, le lithium, surnommé « l’or blanc », indispensable pour la fabrication des batteries, est au cœur des débats. En Amérique du Sud, dans le « triangle du lithium » (Argentine, Bolivie, Chili), l’extraction de ce métal nécessite des millions de litres d’eau dans des zones semi-arides, menaçant l’accès à l’eau des communautés locales et la survie des écosystèmes fragiles. De même, l’extraction de cobalt en République démocratique du Congo, qui assure environ 70 % de la production mondiale, est souvent associée à des conditions de travail déplorables et au travail des enfants.
L’impact environnemental de l’extraction minière va bien au-delà des zones d’extraction. Les forages à grande échelle et les mines à ciel ouvert entraînent des déforestations massives, notamment dans des régions riches en biodiversité. À cela s’ajoute la pollution des sols et des eaux souterraines par les produits chimiques utilisés pour extraire les métaux. La déforestation et la pollution mettent en péril la faune et la flore locale, alors que des tonnes de déchets toxiques sont souvent mal gérées.
L’échelle du minage : voitures électriques vs. combustibles fossiles
Bien que l’extraction des minéraux pour batteries soit en forte augmentation, elle reste assez confidentielle en comparaison du minage nécessaire pour les combustibles fossiles et autres ressources.
Auke Hoekstra, chercheur sur la transition énergétique, souligne que moins de 0,01 % des terres habitables de notre planète sont utilisées pour l’extraction des matériaux de batteries. En revanche, 4,4 milliards de tonnes de pétrole et 2,6 milliards de tonnes de minerai de fer ont été extraites dans le monde en 2022, des quantités qui éclipsent les 130 000 tonnes de lithium extraites cette même année.

Les combustibles fossiles représentent une charge environnementale bien plus lourde. Comme le souligne Auke Hoekstra, la quantité de matériaux à extraire pour les combustibles fossiles est non seulement importante, mais également continue et non recyclable. À l’inverse, le potentiel circulaire des matériaux des batteries offre une solution plus durable à long terme et nous y reviendrons un peu plus bas.
Droits humains et enjeux éthiques
L’extraction des minéraux, en particulier le cobalt en RDC, soulève des préoccupations légitimes concernant les abus des droits humains. Amnesty International appelle depuis longtemps à des réformes dans le secteur minier, notamment dans les régions où le travail des enfants et les conditions de travail dangereuses sont monnaie courante.
Cependant, comme le souligne Mark Dummett d’Amnesty International, ces problèmes ne sont pas exclusifs à l’industrie des batteries. L’extraction du pétrole, par exemple dans le delta du Niger, a également été liée à des abus graves, notamment la destruction environnementale et l’exploitation des communautés locales.
Comme énoncé plus haut, certaines entreprises commencent à prendre des mesures pour résoudre les problèmes éthiques de leurs chaînes d’approvisionnement. Des constructeurs comme BMW et des entreprises de la tech’ comme Apple travaillent à réduire leur dépendance au cobalt. Et avec l’entrée en vigueur du « passeport batterie » en Europe en 2027, ces entreprises ont effectivement tout intérêt à se pencher sur le sourcing de leurs produits
La science salvatrice ?
C’est indéniable, les voitures électriques nécessitent plus de minéraux que leurs équivalents thermiques, surtout en raison de leurs batteries. Toutefois, l’analyse globale des ressources révèle quelques nuances intéressantes. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les voitures électriques utilisent environ 173 kg de minéraux supplémentaires par véhicule par rapport aux voitures thermiques. Un chiffre alarmant qui ne va, une fois de plus, pas dans le sens de la voiture électrique si l’on prend en compte les besoins globaux en ressources de chaque technologie.

Mais selon l’organisme Transport & Environment (T&E), une voiture thermique consommera, au cours de sa vie, environ 17 000 litres de carburant, soit environ 12,5 tonnes de combustibles fossiles brûlés. Cela signifie que, même si les voitures électriques nécessitent davantage de matières premières au départ, elles se passent pendant tout leur cycle de vie de pétrole, en prenant en compte l’extraction, son transport et ses rejets polluants à l’usage.
Une voiture électrique consomme de l’électricité qui n’est bien évidemment pas fabriquée par l’opération du saint-esprit, mais dans le cas d’un pays comme la France, la question se pose un peu moins, car l’essentiel de l’électricité provient du nucléaire ou du renouvelable (hydraulique, éolien, etc.).
Puis on a tendance à l’oublier, surtout parce que le parc de véhicules électriques est encore très récent (les modèles les plus vieux en France ont à peine 15 ans), mais une voiture électrique se recycle mieux qu’une thermique. À mesure que la technologie des batteries s’améliore, le potentiel de réutilisation des minéraux critiques, tels que le lithium et le cobalt, devient considérable.
David Bott, de la Société de l’industrie chimique, souligne qu’environ 80 à 90 % des métaux utilisés dans les batteries peuvent être recyclés, ce qui réduit le besoin d’extraire continuellement de nouvelles ressources. D’ici 2030, Transport & Environment estime que la quantité de déchets laissés par les matériaux des batteries d’une voiture électrique, après recyclage, pourrait faire la taille d’un ballon de football.
Renault a notamment investi dans son usine de Flins, dans les Yvelines, là où était produite feu la Renault Zoé, dans un vaste programme d’économie circulaire consacrée au reconditionnement de véhicules d’occasion (thermiques et électriques), au recyclage de véhicules hors d’usage, à la réparation et la réutilisation de batteries.

D’autres efforts sont en cours pour atténuer les impacts négatifs de l’extraction minière. Des initiatives comme la Fair Cobalt Alliance cherchent à rendre l’exploitation du cobalt plus responsable en améliorant les conditions de travail et en luttant contre le travail des enfants. Certaines entreprises investissent dans des technologies visant à réduire la dépendance aux métaux les plus problématiques. Les batteries sans cobalt, ou à base de matériaux plus abondants et moins nocifs, comme le sodium, sont actuellement en développement.
Un avenir plus vert, mais à nuancer
L’extraction des minéraux pour les batteries des voitures électriques est aujourd’hui un fait avéré, et personne ne peut le remettre en question, au même titre que l’extraction pétrolière et les émissions de CO2 des voitures thermiques et hybrides.
Toutefois, comme le soulignent plusieurs études, force est de constater que l’impact global sur l’environnement et les droits humains est aujourd’hui inférieur à celui des véhicules essence ou diesel pour plusieurs raisons, à commencer par le fait que la part des voitures électriques dans le parc roulant mondiale est encore marginale par rapport aux modèles thermiques.
On parle de 13 millions de voitures électriques dans le monde en 2023 (il y aurait environ 1,4 milliard de voitures en circulation dans le monde), mais uniquement en Chine, aux États-Unis et en Europe. Aucun chiffre officiel ni vérifiable ne permet de ressortir un chiffrage précis, il s’agit d’estimations. La Chine, l’Europe et les États-Unis représentent environ 95 % des ventes mondiales de voitures électriques.
À mesure que les efforts s’intensifient, notamment au niveau du recyclage et que la transition vers des réseaux énergétiques décarbonés se poursuit, la demande en ressources pour les voitures électriques devrait diminuer de manière significative à long terme.
Cela dit, cette transition vers les véhicules électriques (souvent à marche forcée, mais c’est un autre débat…) n’exonère pas les constructeurs ou les gouvernements de leur responsabilité vis-à-vis de ces abus au sein des chaînes d’approvisionnement. Il nous paraît aujourd’hui essentiel d’instaurer des réglementations et des normes à l’échelle de l’industrie pour garantir que ce passage à l’électrique ne perpétue pas de nouvelles formes d’exploitation.
L’enjeu réside désormais dans l’amélioration continue des normes environnementales et éthiques des industries qui les soutiennent.
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