En seulement six ans, les ventes de voitures électriques ont explosé : 2 millions en 2017, 11 millions en 2020, et près de 30 millions en 2023 dans le monde. Ces chiffres vertigineux ne sont qu’un début : d’ici 2030, 33 millions de voitures électriques pourraient s’écouler chaque année. La planète s’électrifie à une vitesse fulgurante, et pour un constructeur automobile, il n’y a plus de place pour l’hésitation.
Pendant que les géants chinois — comme BYD et SAIC — et les précurseurs américains — à l’image de Tesla — prennent une longueur d’avance, les constructeurs européens, et notamment français, semblent plus spectateurs qu’acteurs de ce changement.
Comment ces poids lourds historiques de l’automobile en sont-ils arrivés à risquer leur place dans une industrie qu’ils ont contribué à bâtir ? À l’aube de 2025, une question brûle les lèvres : Renault, Peugeot et Citroën peuvent-ils encore rivaliser face à une concurrence qui avance à vitesse grand V ?
Nous reviendrons d’abord sur les raisons qui ont poussé les constructeurs français à manquer ce tournant électrique il y a 15 ans. Nous analyserons ensuite les conséquences de ce retard, dans un contexte où d’autres acteurs bâtissent des empires presque imbattables. Enfin, nous nous interrogerons sur l’avenir de ces piliers de l’industrie : est-il encore possible pour eux de redresser la barre ou est-il déjà trop tard ?
Course à l’électrique : un virage trop serré pour les constructeurs français
L’année est 2012. Renault présente la Zoe au salon de Genève, qui deviendra sans aucun doute l’électrique française de référence pendant plus d’une décennie. Oui, mais à part cette iconique citadine, quelle voiture électrique française a marqué les esprits depuis ? Probablement aucune. Le silence des constructeurs français est assourdissant face à une révolution mondiale qui ne les a pas attendus.
La marque au losange avait pris un très bon départ en ce qui concerne l’électrification, mais n’a pas vraiment su capitaliser et s’est probablement trop reposée sur ses lauriers. Lorsque Renault sortait la Zoe, Tesla n’était qu’une curiosité californienne qui ne vendait que quelques centaines de voitures par an, et personne ne l’imaginait comme une menace, surtout en France. Sur les terres de Renault pourtant, les ventes de Model 3 et Model Y se sont rapidement envolées, laissant loin derrière ses concurrentes françaises.
Peugeot et Citroën, regroupés aujourd’hui chez Stellantis, accusent également le coup. Sur l’électrique, ces deux marques sont en décalage complet avec le marché, qui s’est rabattu sur des alternatives moins onéreuses proposant des prestations équivalentes à leur offre depuis la fin des années 2010. Nous pouvons par exemple citer la MG4 qui, comparée à la Peugeot e-208 offre mieux pour moins cher, ou encore la Citroën ë-C3 qui est arrivé bien trop tard, bien trop bugguée, et malheureusement en nombre bien trop limité.
Un problème commun unit ce trio historique : leur dépendance aux modèles thermiques pour rester rentables. Pourquoi créer une voiture électrique capable de surpasser leurs best-sellers thermiques, comme la Clio ou la 208, au risque de cannibaliser leurs propres ventes ? Économiquement, ce serait un sabotage.
Nous pouvons aussi imaginer que Renault, Peugeot ou Citroën n’ont pas souhaité mettre d’énormes moyens dans la mobilité électrique, par crainte que ça ne fonctionne pas assez bien, et qu’ils aillent ainsi à leur propre perte. Il est vrai qu’une innovation trop radicale peut faire peur aux consommateurs. Mais cette vision court-termiste commence à se retourner contre les marques, puisque la clientèle d’aujourd’hui semble avoir changé plus rapidement que ces mastodontes.
Nous nous retrouvons donc à la croisée des chemins à l’aube de 2025, où toute une clientèle française est en quête d’une voiture électrique qui n’existe tout simplement pas chez les constructeurs de son pays. Et comme nous allons le voir, les conséquences de ce décalage entre ce que les clients aimeraient et ce que proposent les constructeurs français sont loin d’être négligeables.
Un retard qui commence à coûter cher
Sur le marché des voitures électriques en France, Renault a plutôt très bien démarré, mais n’a pas sû se réinventer pour conserver son avance. En 2017, 6 voitures électriques vendues en France sur 10 étaient une Renault. En 2023, la part de marché de Renault sur l’électrique avait chuté à 11 % : une dégringolade incroyable, signe d’une domination qui a changé de camp.
Tesla, qui n’était qu’un outsider en 2017 (1 368 immatriculations en France), a immatriculé plus de 63 000 véhicules électriques en France en 2023, soit bien plus que Renault (34 000), Peugeot (25 000) ou Citroën (600). Ensemble, les trois constructeurs français n’atteignent même pas le volume de ventes de Tesla.
Cette même année 2023, MG talonnait même Peugeot, avec près de 22 000 immatriculations de véhicules 100 % électriques. Nous ne pouvons désormais plus nier que les véhicules électriques étrangers sont les plus prisés par les consommateurs. Et il est bien difficile de les blâmer : pour un coût inférieur, ils offrent des prestations souvent meilleures.
Pourtant, le gouvernement français tente de soutenir les constructeurs nationaux en introduisant un “bonus écologique” lié à un score environnemental censé les avantager. Mais cela ne règle pas les problèmes de fond.
Les véhicules électriques chinois commencent seulement à arriver à travers des marques jusqu’à présent inconnues du grand public (BYD et Nio, mais aussi Zeekr, Leapmotor), et il ne faudra probablement pas longtemps pour que les clients commencent à s’y intéresser malgré certains a priori qui ont la tête dure. Et quand ce ne sont pas des véhicules entiers, ce sont les batteries des véhicules français qui proviennent de marques chinoises ou coréennes, prouvant que l’industrie asiatique a beaucoup d’avance sur le sujet.
Mécaniquement, les capacités d’innovation des constructeurs français ne font que baisser, puisqu’ils augmentent leur dépendance envers des technologies importées. Si l’on prend l’exemple du logiciel, c’est encore plus criant. Peugeot en particulier semble déconnecté de la réalité où une voiture de 2024 est forcément un ordinateur sur roues, alors que la marque au lion propose un système d’infotainement dépassé. Renault arrive à faire un peu mieux sur le sujet, mais encore une fois en dépendant d’un tiers, qui n’est autre que Google Automotive. Lorsque l’on compare avec ce que propose Tesla par exemple, c’est bien différent, où le logiciel est maitrisé de bout en bout, avec des mises à jour fréquentes.
Enfin, ce décalage est d’autant plus criant face aux ambitions affichées par l’Europe, qui vise la fin des ventes de véhicules thermiques neufs d’ici à 2035. En France, ce discours est repris avec force, mais la réalité ne suit pas. Les constructeurs français peinent à proposer une offre électrique en 2024 capable de répondre à la demande croissante, et sont loin de préparer une transition vers un marché 100 % électrique dans seulement une décennie. Les constructeurs français ont dix ans pour se transformer en vendeurs de voitures électriques. Au rythme actuel, il est peut-être déjà trop tard.
Rattraper le retard : mission impossible pour les constructeurs français ?
Fort heureusement, les constructeurs français ne sont pas restés totalement inactifs face à leur retard sur l’électrique, qu’ils constatent nécessairement au moins autant que nous. Si les obstacles sont conséquents et nombreux, comment imaginent-ils les surmonter ?
Renault propose désormais de nombreux modèles électriques, en capitalisant sur la gamme E-Tech : Mégane, Scénic, Kangoo et désormais Renault 5 sont autant de modèles disponibles aujourd’hui, et pour qui le futur pourrait réserver de bonnes surprises. Stellantis mise sur une plateforme 100 % électrique destinée à équiper différents modèles de Peugeot et Citroën d’ici 2030, ce qui arrive tout de même très tard.
Certaines usines de batteries vont voir le jour en Europe, et des partenariats privilégiés passés avec Stellantis notamment devraient permettre de devenir un acteur plus sérieux de la mobilité électrique, tout en réduisant la dépendance aux batteries venues d’Asie. Mais en attendant que ces usines sortent de terre, les leaders du marché qui viennent de Chine ou de Corée consolident leur domination.
Une lueur d’espoir pourrait venir de certains marchés alternatifs, comme les véhicules utilitaires (Renault Kangoo, Peugeot E-Expert, Renault Master, etc.) ou bien des voitures sans permis (Citroën Ami, Renault Mobilize Duo), cependant ces segments ne rivalisent pas en volume avec les SUV et berlines électriques.
De surcroit, la concurrence ne risque pas de faiblir en attendant. Outre Tesla qu’on ne présente plus, les géants venus de Chine ne vont que monter en Puissance en Europe. Il y a fort à parier que Nio et BYD auront des volumes de vente conséquents d’ici 2030, alors que Stellantis n’aura peut-être pas encore terminé sa plateforme 100 % électrique.
Les défis qui attendent les constructeurs historiques ne vont pas être simples à surmonter. Il faudra tout d’abord commencer par avoir un discours cohérent sur la mobilité électrique, et tant que leur modèle économique reposera sur les ventes de véhicules thermiques, cela a peu de chance d’arriver. Les investissements dans l’infrastructure de recharge ont, elles aussi, été laissées aux autres acteurs, avec notamment Tesla qui reste tout en haut du classement des bornes de recharge en nombre, en rapidité et en fiabilité. Les bornes françaises, le grand public n’en a jamais entendu parler.
Tic-tac : louper le coche de la décennie en cours pourrait être fatal
Après plus d’un siècle de Renault, Peugeot et Citroën, ces mastondontes ne sont-ils pas plus proches de la fin que jamais ? Sans dramatiser, la pente à remonter pour devenir un acteur majeur de la mobilité de demain devient très forte. Nous pourrions aller jusqu’à dire que dans les dix prochaines années, les trois marques françaises jouent leur survie.
En 2035, il ne devrait plus y avoir de voiture thermique vendue en Europe, et le marché de l’électrique sera alors bien plus important qu’il ne l’est aujourd’hui. Qui va tirer son épingle du jeu ? Tesla, BYD, Nio et consorts, qui savent produire énormément de voitures électriques dès aujourd’hui, ou bien les constructeurs français toujours attachés à leurs modèles thermiques ?
À moins d’un revirement stratégique majeur accompagné d’un soutien massif des pouvoirs publics, les constructeurs français risquent de devenir des acteurs secondaires dans le monde de l’électrique. Dix ans semblent longs pour se transformer, mais dans une industrie en pleine révolution, il n’y a pas de temps à perdre.
Renault, Peugeot et Citroën ont probablement tous sous-estimé la vitesse à laquelle le marché allait se transformer depuis une dizaine d’années, et se reposer sur des best-sellers d’antan (Renault Kadjar, Peugeot 3008 ou Citroën C3) n’est aujourd’hui plus suffisant. À quand la réaction ?
Pour aller plus loin
Volkswagen continue sa descente aux enfers sur la voiture électrique comme le prouvent ces chiffres
Précisons toutefois que les constructeurs français ne sont pas seuls dans cette situation. Les constructeurs allemands (on pense notamment au groupe Volkswagen) et plus globalement tous les constructeurs traditionnels ont du mal à négocier le virage de l’électrique.
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