J’ai terminé 3ème d’une course de 1104 km en voiture électrique : comment ChatGPT et les nouilles instantanées ont été indispensables

 
Une course d’endurance de 24 heures ? On ne vous emmène pas au Mans, mais à Hockenheim en Allemagne, où nous avons participé à une compétition d’écoconduite en voiture électrique au volant d’une Alfa Romeo Junior. Retour sur une expérience hors du commun, entre calculs, stratégie, neige et imprévus.
Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

À croire qu’on y prend goût ! En avril 2024, nous étions sur le circuit du Castellet pour une course d’écoconduite organisée par Audi. Une expérience que nous pensions sans lendemain… Raté.

Acte II : février 2025, circuit de Hockenheim, en Allemagne. La base est la même, mais tout le reste change : circuit, voiture, conditions, durée, il va falloir repartir de zéro, ou presque.

On vous emmène avec nous dans cette ADAC e-competition, une course qui mêle stratégie, produit en croix, nouilles instantanées et pneus été.

Un règlement drastique

Car oui, si l’Audi e-tron endurance expérience se contentait d’une course de trois heures durant laquelle la recharge était prohibée, cette ADAC e-competition s’étend sur 24 heures.

Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

La recharge est donc obligatoire, mais avec une particularité : une borne pour deux voitures électriques, avec une puissance de charge limitée à 19 kW – une misère, quand certaines voitures inscrites pouvaient monter à 300 kW. Une façon de mettre toutes les voitures sur un pied d’égalité, et de récompenser la stratégie et la frugalité.

Le classement se divise en quatre catégories, différenciées par la taille des batteries : la Classe A, jusqu’à 49 kWh ; la B, de 49 à 72 kWh ; la C, de 72 à 97 kWh, et enfin la Classe D pour les voitures électriques au-delà.

Poids lourds et poids légers sur une seule et même piste // Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

Pour le reste, la base est la même : l’équipe gagnante sera celle qui aura parcouru le plus de kilomètres en 24 heures. Voilà qui nécessite de placer le curseur le plus justement possible entre vitesse et consommation, et de placer la stratégie en facteur numéro 1.

Un circuit mythique

Notre terrain de jeu : le Hockenheimring, en Allemagne, dans le Bade-Wurtemberg. Un circuit mythique, ayant reçu de nombreux Grand Prix d’Allemagne de Formule 1 – nous concourons d’ailleurs sur ce tracé précis.

Circuit F1 de Hockenheim // Source : Hockenheimring

Au programme : 4,574 km de long, alternant 17 virages et de grandes lignes droites. Le record du tour est détenu par Sebastian Vettel en 1’11 »212 à une vitesse moyenne dépassant les 231 km/h – les chances de le battre sont faibles.

Une voiture électrique

Nous défendrons nos chances à bord de deux Alfa Romeo Junior Elettrica – un choix de dernière minute, les Lancia Ypsilon initialement prévues n’ayant pu se rendre disponible. Le numéro 21 et son fier Rouge Brera sera réservé aux journalistes (dont nous faisons partie) ; le numéro 22, Bleu Navigli, sera conduit par des férus d’éco-conduite, qui ne se cachent pas de viser la victoire de catégorie.

Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

Rappelons donc la fiche technique. Alfa Romeo appartenant à Stellantis, le petit SUV repose sur la plateforme e-GMP qu’on retrouve sur les Peugeot E-2008, Fiat 600e, Citroën ë-C4, Opel Mokka et tant d’autres voitures électriques du groupe franco-italien.

On retrouve donc un moteur de 156 ch alimenté par une batterie de 54 kWh bruts (51 kWh nets), nous faisant donc concourir dans la catégorie B. Autonomie : 412 km selon le cycle mixte WLTP ; consommation : 15,1 kWh/100 km, incluant les pertes à la recharge.

Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

Le moteur M3 de ce Junior, développé par EMotors (coentreprise entre Stellantis et Nidec Leroy Somer), est connu pour sa frugalité. Nous aidera-t-il à dépasser l’aérodynamisme peu concurrentiel du SUV face à nos concurrents, parmi lesquels se trouvent une Renault 5 E-Tech, un Xpeng G6, une Ora Funky Cat ou un Kia Niro électrique ?

Une course stratégique

De l’importance du produit en croix

Rendez-vous à 8h30 sur l’enceinte du circuit. Les cinq membres de l’équipage « Journalistes », incluant votre serviteur, n’y avaient jamais mis les pieds et doivent donc apprendre de A à Z les virages, trajectoires, points de freinage, etc.

Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

Briefing technique, repérages, essais, mise en grille : le drapeau s’abaisse à 16h00 tapantes, départ des 24h d’écoconduite pour les 31 voitures électriques engagées. C’est Soufyane, d’Automobile Propre, qui est chargé de ce premier relais au volant de notre Junior.

Les premiers tours servent à déterminer si notre stratégie, élaborée en interne (avec l’aide de ChatGPT), marche. Rapidement, le rythme se cale sur une moyenne de 3,20 min au tour, à une consommation d’environ 18,5 kWh/100 km, en se limitant à 90 km/h de vitesse de pointe.

Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

Rapidement, vient le moment du premier ravitaillement – n’ayant qu’une borne pour nos deux voitures, nous prenons la décision de faire rentrer notre voiture à 50 % de batterie et de recharger jusqu’à ce que l’autre Junior arrive à la réserve d’énergie. De quoi assurer (en théorie) un partage équitable de la borne, sans jamais se retrouver avec deux voitures immobilisées.

Une fois branchée, plus que la vitesse de charge, c’est le nombre de kilomètres regagnés par minute qui importe : nous calculons qu’à 19 kW, regagner l’énergie nécessaire pour faire un tour de circuit demande 2,7 minutes de charge.

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Les heures passent, et je regagne l’hôtel pour m’accorder quelques précieuses heures de sommeil – puisque je passe en dernier et en incluant les recharges, je ne prendrai le volant qu’à 9h le lendemain.

Une conduite enneigée

À mon réveil à 3h30 du matin, surprise : la neige s’invite, et elle ne nous quittera pas jusqu’à mon relais. Malgré ces conditions, Clément d’Auto-Plus fait une performance remarquable et rentre au stand à 7h35 avec une batterie à 35 %. Ses conseils : « fais gaffe, ça glisse fort aux virages 2 et 8 » – les pneus été du Junior n’aidant pas à l’expérience globale.

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9h sonne, batterie à 80 %, il est temps d’y aller. Pas de chauffage à bord : j’enfile un bonnet, des gants, un double blouson et des chaufferettes aux pieds pour maintenir une température corporelle convenable.

Le mode Eco (pardon, Advanced Efficiency) est une évidence, mais le débat faisait rage dans notre équipe entre les deux modes de régénération. Je prends la décision d’utiliser le plus fort d’entre eux et de calibrer mes entrées de virages en fonction. Clément avait raison : ça glisse.

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N’ayant jamais roulé sur le circuit, je dois simultanément apprendre les trajectoires idéales, le rythme optimal, tout en gardant une attention de tous les instants sur la consommation… sans oublier une bonne dose d’improvisation selon les aléas de la circulation – les Xpeng, notamment, brillaient par leur comportement erratique.

Au fil des tours, la confiance progresse et la consommation se régule. Saviez-vous que se mettre en roue libre au niveau du mur de protection en amont du Mobil 1 Kurve nous faisait arriver à 72 km/h au Sachs Kurve, une vitesse idéale pour se jeter dans la corde en profitant du banking ?

Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

Reste que les deux heures de mon relais passent bien vite. Alors que j’étais toujours en train d’explorer différentes stratégies et trajectoires, Alexandre d’Italpassion me demande par téléphone de rentrer au stand. J’arrive avec 33 % de batterie restante et une consommation de 18,7 kWh/100 km. Mission accomplie.

Un double podium

C’est à Andy, d’Auto Moto, que revient le dernier relais. Évidemment, l’objectif est d’arriver avec la batterie la plus vide possible pour limiter au maximum la durée de la dernière recharge. Les produits en croix tournent de plus belle, on s’arrête sur un départ à 41 % de batterie.

Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

La situation s’avère exaltante : si l’autre Junior électrique caracole en tête de la catégorie B, nous occupons la troisième place ; entre nous, une Ora Funky Cat pilotée par des élèves ingénieurs d’une école de Mannheim – des locaux, donc.

16h00, le drapeau à damier s’agite, fin de la course. Malgré le talent d’Andy et une Ora à l’agonie sur les derniers tours, probablement due à une gestion de la batterie sur le fil, nous devrons nous contenter de la troisième place, à trois tours des seconds. Aurions-nous pu les dépasser si nous n’avions écopé d’une pénalité de huit minutes en cours d’épreuve ? Le sport mécanique est cruel.

Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

Quoi qu’il en soit, avec la première place des pros, les deux Alfa Romeo Junior terminent sur le podium des voitures électriques de moins de 78 kWh – petite fierté vu notre batterie de 51 kWh –, et aux 10° et 20° places respectives du classement général (soit 251 et 244 tours en 24h). Preuve que la stratégie fait tout : une Lucid Air, auto-proclamée « voiture la plus efficiente au monde » et dotée d’une immense batterie de 118 kWh, termine à la… 14° place.

Une aventure unique

Que retenir de cette course bien particulière ? Évidemment, les chiffres tirés de ces 24h n’ont rien de glorieux pour une course « traditionnelle » : les 1 104 km parcourus abaissent la vitesse moyenne à 46 km/h, le mode Eco, l’absence de chauffage et la vitesse maximale de 90 km/h donnent le bâton pour nous faire battre par les détracteurs de la voiture électrique.

Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

Mais vous savez quoi ? Nous n’étions pas là pour le moindre frisson mécanique. Au contraire, l’idée était de briller par l’efficience de nos voitures et l’intelligence de nos stratégies. À ce jeu, l’Alfa Romeo Junior a pu confirmer sa frugalité, ainsi que sa polyvalence. Partis de Paris à son volant, nous avons rejoint Hockenheim le vendredi soir, fait la course sur circuit le week-end avant de repartir à Paris dans la nuit de dimanche à lundi. Soit 2 408 km au total, le tout sans la moindre anicroche.

Source : Yohann Hyron – HYPE Photos

N’oublions pas non plus l’aventure humaine pour les deux équipages… et une belle vitrine pour Alfa Romeo, toujours avide de communiquer sur leur première voiture électrique – en attendant le nouveau Stelvio fin 2025, un grand SUV qui étrennera la plateforme STLA Large en Europe. Bref, tout le monde est content. La prochaine épreuve aura lieu les 18 et 19 octobre 2025. Le rendez-vous est pris ?


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