Voici où sont réellement vendues les voitures électriques chinoises à travers le monde

 
Les voitures électriques chinoises ont-elles réellement envahi l’Europe ? Cette analyse chiffrée nuance le propos, et montre que l’invasion chinoise de voitures électriques a bien lieu, mais pas forcément en Europe. Du moins, pas pour le moment.
L’usine de production de la BYD Dolphin // Source : Valeria Mongelli pour Bloomberg

Encore inconnus en dehors de Chine pour la plupart il y a quelques années, les constructeurs automobiles chinois occupent désormais une large partie de la scène mondiale, notamment grâce à leurs voitures électriques et leurs technologies avancées.

Tandis que certaines régions actives des leviers protectionnistes pour « protéger » autant que faire se peut leur industrie automobile, souvent à la traîne dans bien des domaines par rapport aux marques chinoises, ces dernières continuent leur croissance et semblent pouvoir s’adapter à toutes les situations.

Les constructeurs automobiles chinois sont en passe de redéfinir l’équilibre de l’industrie automobile mondiale. Tandis que l’administration Trump ou encore la Commission européenne cherchent à protéger leur propre marché de ces véhicules en provenance de Chine avec des frais de douane plus élevés, ces derniers trouvent une place de choix dans d’autres régions du monde.

Part de marché des voitures électriques chinoises par marché

Des rues de Bangkok à celles de Johannesburg ou de São Paulo, des modèles produits par des marques comme Great Wall, BYD, Chery Automobile et SAIC Motor (MG, entre autres) envahissent progressivement le paysage automobile mondiale, là où notamment la croissance est forte et où la Chine voit en ces pays émergents (ou en phase de maturité) accueillir à bras ouvert des voitures jusqu’ici encore inaccessibles au vu des technologies embarquées.

Les marchés européens et américains protégés, mais le monde en phase d’être conquis

Alors que les États-Unis, le Canada et l’Union européenne imposent des barrières tarifaires pour freiner l’arrivée des véhicules chinois, en l’occurrence en moyenne 20 % de plus en Europe, ces derniers connaissent une popularité croissante sur d’autres marchés.

Il faut dire que les prix pratiqués par les constructeurs chinois dans ces pays sont pour le moins attractifs, notamment face aux constructeurs dits « traditionnels ».

Nombre de voitures électriques vendues (en milliers)

Dans l’une de ses récentes enquêtes, Bloomberg prend l’exemple d’Oscar Mabuela, un Web designer de 29 ans vivant en Afrique du Sud. Face au risque de vol et de carjacking, il a délaissé son choix numéro un qui était à la base une Volkswagen Polo pour un SUV, l’Haval Jolion Super Luxury de la marque chinoise Great Wall, acquis pour 350 000 rands sud-africains (environ 17 800 euros). Ce modèle, plus spacieux et mieux équipé, coûte moins cher qu’une Volkswagen Polo à niveau d’équipement équivalent.

BYD Shenzhen // Source : China Water Transport Network

Le cas de l’Afrique du Sud n’est pas isolé : les ventes de voitures chinoises y représentent désormais près de 10 % du marché, soit cinq fois plus qu’en 2019. En Turquie, la part de marché des constructeurs chinois a grimpé à 8 % au premier semestre 2024. Au Chili, ils représentent un tiers des ventes automobiles depuis plusieurs années.

Une croissance fulgurante des exportations chinoises

En 2024, la Chine a exporté près de 4,9 millions de voitures particulières, en hausse de 20 % par rapport à l’année précédente, selon la China Association of Automobile Manufacturers. Ce chiffre contraste fortement avec les moins d’un million de véhicules exportés en 2020. La Chine a même dépassé le Japon, leader depuis des décennies, dans ce domaine.

Si les occidentaux s’inquiètent principalement de la montée en puissance des véhicules électriques chinois, notons tout de même que près de 80 % des exportations automobiles chinoises en 2023 étaient encore des voitures thermiques ou hybrides.

De nombreux marchés en développement manquent d’infrastructures de recharge pour soutenir une transition rapide vers l’électrique, mais ces mêmes marchés absorbent avec enthousiasme les modèles thermiques et hybrides que la Chine produit encore grande quantité.

Et nous allons le voir un peu plus bas, mais si la Chine est connue en Europe pour l’exportation de ses modèles électriques (même si la part de marché reste encore assez marginale…), les constructeurs se sont rapidement adaptés à un marché qui vacille, notamment avec le récent ralentissement de la croissance des ventes de voitures électriques.

Une projection de croissance exponentielle

Selon le cabinet AlixPartners, la part de marché mondiale des constructeurs chinois hors de Chine pourrait atteindre 13 % d’ici 2030, contre seulement 3 % aujourd’hui. En intégrant la Chine, cette part bondirait même à 33 %. En Afrique et au Moyen-Orient, elle pourrait atteindre 39 % à la même échéance.

Les constructeurs historiques européens, américains et japonais ressentent la pression de cette expansion rapide. Jim Farley, PDG de Ford, reconnaît que la mondialisation de la chaîne d’approvisionnement chinoise transforme les marchés : « En Inde et en Amérique du Sud, les marques chinoises dominent déjà ». Ford a déjà cessé sa production au Brésil, cédant une usine à BYD.

Une ligne d’assemblage BYD // Source : BYD

En Europe, il se murmure déjà que le groupe Volkswagen, qui compte faire de grosses économies et, ainsi, se séparer de quelques-unes de ses usines, pourrait les céder à des constructeurs chinois, des constructeurs avec qui le groupe est d’ailleurs partenaire en Chine.

En Europe, à l’image de Stellantis avec Leapmotor, Renault avec Geely ou encore le groupe Volkswagen avec XPeng, on semble préférer se tourner vers la coopération. Au Japon ou aux États-Unis, en dehors de quelques partenariats en Chine, c’est un peu moins le cas, même si, récemment, General Motors coopère avec des constructeurs chinois pour commercialiser certains modèles dans les marchés émergents.

Un changement rapide du paysage automobile en Asie du Sud-Est

En Thaïlande, surnommée le « Detroit de l’Asie du Sud-Est », la transition vers l’électrique s’accélère grâce aux incitations fiscales et aux subventions gouvernementales.

Les ventes de véhicules électriques ont bondi de plus de 600 % en 2023, atteignant 9,5 % des ventes totales de voitures chez les particuliers. En 2024, bien que les volumes aient légèrement diminué, la part de marché des voitures électriques a grimpé à 12 %.

Les constructeurs chinois dominent ce segment, avec une part de marché passée de 22 % en 2022 à 71 % en 2024. Lors du salon de l’automobile de Bangkok en novembre dernier, des marques comme BYD, Great Wall, MG et Geely partageaient la scène avec Toyota, Ford et Honda.

Une scène devenue presque « habituelle » en Europe, où les derniers salons (Paris, Bruxelles, Genève…) étaient occupés par de nombreux constructeurs chinois.

En Europe, nous sommes loin de « l’invasion »

Sur le Vieux Continent, nous sommes bien loin des chiffres que l’on peut constater en Asie du Sud-Est ou encore au Brésil. L’Europe étant un marché plutôt conservateur, normé à souhait en matière de sécurité et d’émissions polluantes, la commercialisation de voitures sur notre sol relève du parcours du combattant, et encore plus quand la marque n’est pas connue.

La seule à vraiment tirer son épingle du jeu, c’est MG. Le constructeur sino-britannique, dont la marque bénéficie encore d’une certaine résonance via son illustre passé, a dépassé les 240 000 livraisons en 2024, représentant une augmentation d’environ 20 % par rapport à l’an dernier (200 000 livraisons en 2023).

MG4 XPower

Celui qu’on peut considérer comme le deuxième constructeur chinois en Europe, BYD, n’a pas (encore ?) communiqué sur ses chiffres européens. Même s’ils ont explosé l’an passé, ils restent toujours assez marginaux par rapport à ceux de chez MG. Sur les derniers chiffres que nous avons à disposition, BYD avait écoulé 15 644 voitures en Europe en 2023 (contre 123 000 pour MG) et 17 000 sur le premier semestre 2024 (contre 126 396 MG).

D’autres constructeurs comme XPeng, Zeekr, Onvo ou encore Skyworth et Leapmotor tentent l’aventure européenne, mais la route sera encore longue car, mine de rien, les constructeurs européens ont, à leur tour, plutôt bien rattrapé leur retard par rapport à la Chine dans certains domaines, à commencer par les voitures électriques.

De plus, les voitures chinoises ne peuvent pas bénéficier de l’avantage du prix, car celles-ci sont finalement assez proches de leurs concurrentes européennes en additionnant les frais de douane supplémentaires et l’ajout des équipements de sécurité obligatoires pour la commercialisation de voiture neuve en Europe. Au final, la part de marché des voitures chinoises en Europe oscille, en fonction des mois, entre 3 et 4 %, et pas forcément grâce aux voitures 100 % électriques.

La force des marques chinoises : l’adaptation rapide !

Dans un marché de l’électrique en perte de vitesse et face à un législateur semblant céder progressivement aux pressions du lobby automobile, désireux d’assouplir voire de supprimer les sanctions liées aux normes CAFE ainsi que l’échéance de 2035, les constructeurs chinois ont rapidement compris que miser uniquement sur la voiture électrique ne suffirait pas à assurer leur succès.

Un exemple frappant : fin 2024, MG ne proposait plus que deux modèles 100 % électriques, dont l’un réservé à un marché de niche, la MG4 et le roadster MG Cyberster. Un contraste saisissant avec la stratégie initiale de la marque en 2020, lorsqu’elle revenait en France après 15 ans d’absence avec un ZS entièrement électrique, affirmant alors vouloir exclusivement proposer des véhicules zéro émission en Europe.

Mg Cyberster // Source : MG

Face à l’évolution du marché, MG a su réagir rapidement en diversifiant son offre. La nouvelle MG3, positionnée face aux Renault Clio E-Tech et Toyota Yaris, se distingue par des prix attractifs et une puissance accrue. Plus impressionnant encore, l’été 2024 marque l’arrivée du ZS hybride, affiché à un tarif inférieur à celui du Dacia Duster !

Quelques semaines plus tard, MG renouvelle son EHS hybride rechargeable avec une seconde génération plus haut de gamme. Parallèlement, trois modèles électriques disparaissent discrètement du catalogue : le ZS EV, le Marvel R et le break MG5.

BYD adopte une stratégie similaire. Confrontée à des ventes décevantes en début d’année, la marque a réagi en urgence en lançant une version hybride rechargeable de son SUV Seal U, baptisée DM-i. D’autres modèles pourraient suivre en 2025, mais BYD mise également sur une autre approche : contourner les droits de douane afin de proposer des véhicules plus compétitifs sur le marché européen. Comment ? Tout simplement en installant ses usines sur le Vieux Continent.

Xpeng G6 // Source : Xpeng

De leur côté, de nouvelles marques comme Xpeng et Leapmotor restent focalisées sur l’électrique, mais pourraient rapidement s’adapter, à l’image de Maxus. Initialement spécialisée dans les utilitaires 100 % électriques, la marque a vite élargi son offre en intégrant des motorisations diesel sur deux de ses modèles.

Ces ajustements témoignent de la volonté des constructeurs chinois de s’implanter durablement dans un environnement complexe, tandis que les marques européennes s’efforcent de défendre leur position.

Si certains parlent d’une « invasion », nous préférons adopter une approche plus nuancée et établir un parallèle avec l’arrivée des constructeurs japonais et coréens en France et en Europe il y a quelques décennies. Avec le recul, peut-on vraiment parler d’une invasion japonaise ou coréenne ?

En ce qui concerne les autres régions du monde, c’est encore un autre débat, et il semblerait que la rapidité et l’adaptabilité des constructeurs chinois aient permis de couper l’herbe sous le pied à des constructeurs européens et américains qui n’ont plus forcément le souffle nécessaire pour aller conquérir d’autres marchés.


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