Voitures électriques à prolongateur d’autonomie (REEV / EREV) : avantages et inconvénients de cette technologie

970 km d'autonomie pour la nouvelle voiture "électrique" de Stellantis

 
Les voitures électriques chinoises à prolongateurs d’autonomie arrivent en Europe, avec des autonomies annoncées à plus de 1 000 km. Ce sont des voitures électriques qui utilisent parfois de l’essence et qui ne sont pas considérées comme des hybrides. Voici tout ce qu’il faut savoir à leur sujet.
STLA Frame (Stellantis)

Avec l’avènement de l’électrique, les acronymes définissant les différentes technologies fleurissent. EV, BEV, PHEV, FCEV… Si vous étiez déjà un peu perdu, sachez qu’il y a désormais EREV ! Quatre lettres qui signifient en anglais « Extended Range Electric Véhicules« . Et pour ajouter un peu de confusion, parfois même les lettres sont mélangées en REEV pour « Range Exented Electric Vehicles« . Mais on parle là de la même chose : de voitures électriques à prolongateur d’autonomie. 

Si cette technologie n’est pas nouvelle – vous vous souvenez sans doute de la BMW i3 REx, autre acronyme qui voulait dire « Range Extender » – elle revient sur le devant de la scène.

Leapmotor C10 REEV

Notamment à la faveur de constructeurs chinois qui voient leurs ventes d’EREV exploser ces dernières années : +166 % en 2023, 1 million d’unités en 2024. Dans un contexte environnemental européen qui pousse vers toujours plus d’électrique, certaines marques y voient là la possibilité de vendre des véhicules plus sobres que des véhicules thermiques, mais sans un inconvénient de l’électrique abordable : l’autonomie.

BMW i3

C’est ainsi que le chinois Leapmotor (co-entreprise avec le groupe Stellantis pour la commercialisation hors de Chine) s’apprête à lancer chez nous son C10 REEV annonçant 970 km d’autonomie, et que Hyundai a annoncé plusieurs modèles EREV pour 2027. Mais cette alternative aux hybrides et aux thermiques est-elle vraiment un véhicule électrique ? Les avantages apparents d’une autonomie prolongée cachent-ils une vérité moins reluisante ? Et comment sont perçus ces véhicules par les autorités ? On vous dit tout sur les véhicules électriques à prolongateur d’autonomie.

Un moteur thermique comme générateur

Commençons par disséquer un véhicule électrique à prolongateur d’autonomie. Comme son nom l’indique, il s’agit avant tout d’une voiture électrique, avec une batterie qui se recharge (en courant alternatif lent et en courant continu rapide), et un ou des moteurs électriques qui entraînement les roues. Sauf qu’on y ajoute un petit moteur thermique – le prolongateur d’autonomie – qui va précisément servir de générateur.

Leapmotor C10 EREV

Ce moteur qui fonctionne avec du carburant, ne va être utilisé que pour produire de l’électricité et recharger la batterie de traction quand sa charge est faible. Et en roulant. De quoi étendre l’autonomie de la batterie. Mais il n’y a pas de liaison mécanique directe entre ce petit moteur thermique et le moteur électrique. Et donc ce n’est jamais le moteur thermique qui va entraîner les roues. 

C’est d’ailleurs là toute la différence avec une technologie déjà répandue chez nous et qui y ressemble comme deux gouttes d’eau : l’hybride rechargeable. Sur ces PHEV, c’est le moteur thermique qui sert de source d’énergie principale pour entraîner les roues. La batterie électrique est petite, offre une petite autonomie (de quelques dizaines à une centaine de kilomètres), et l’entraînement électrique peut s’ajouter au thermique. Mais avec des PHEV qui offrent des batteries de plus en plus grosses, la frontière avec les EREV est de plus en plus ténue. 

En réalité, les véhicules EREV, de par leur taille de batterie, se situent à mi-chemin entre les 100 % électriques et les PHEV, ne roulant comme les premiers qu’en électrique, et disposant quand même d’une plus grosse batterie que les seconds. 

Les points forts et les points faibles des EREV

Quels sont les avantages des EREV ?

Comme on peut le comprendre dans le fonctionnement même de ces véhicules électriques à prolongateur d’autonomie, leur raison même d’exister et leur plus gros avantage, c’est leur autonomie. Car même quand la batterie électrique est presque vide, le générateur permet de la recharger, tout en roulant, et permet de continuer à rouler en électrique.

Une autonomie mise en avant donc sur ces véhicules qui fait oublier l’anxiété de la recharge. Et permet aussi d’être moins dépendant des bornes de recharge. Les stations service restant encore beaucoup plus présentes sur le territoire, rouler en EREV permet plus facilement de se ravitailler en carburant pour faire fonctionner le petit moteur. Ce qui reste par ailleurs plus rapide que de recharger la batterie électrique. Même si la recharge des voitures électrique en 5 minutes arrive, comme chez BYD par exemple.

Autre avantage mis en avant, le confort de roulement puisqu’à tout moment, ce sont les moteurs électriques qui font avancer la voiture. La voiture est donc moins sensible aux vibrations d’un moteur thermique, bien qu’elle en abrite un quand même, et conserve un agrément proche de celui du tout électrique. 

La Fisker Karma, produite en 2011 et 2012.

Pour ceux qui sont sensibles aux émissions polluantes rejetées par les voitures, ces EREV ont aussi l’avantage de rejeter moins de CO2 que les véhicules thermiques, le moteur qui ne sert que de générateur étant de plus faible cylindrée que s’il avait aussi besoin d’entraîner les roues. 

Et puis pour les constructeurs, l’intérêt est aussi économique puisque cette technologie permet de réduire la taille des batteries par rapport à un électrique pur, et donc baisser les coûts liés. 

Quels sont les inconvénients des EREV ?

Si l’on entend dire que ces EREV combinent les avantages des véhicules électriques et des véhicules thermiques, « le meilleur des deux mondes« , il présentent aussi de nombreux inconvénients. Avec l’avènement des voitures électriques, les constructeurs automobiles préfèrent raisonner en autonomie plutôt qu’en consommation. Une manière de défendre l’intérêt du thermique par rapport à l’électrique. Et ces véhicules EREV font effectivement miroiter le fonctionnement d’une voiture électrique avec l’autonomie d’une thermique.

Quid de la consommation lorsque le prolongateur entre en action pour remplir la batterie électrique ? Il ne faut évidemment pas la négliger, d’autant qu’entre la batterie, les moteurs électrique et thermique, il faut compter sur un poids plus élevé, comme sur les PHEV. Et donc une consommation qui en pâtit.

Leapmotor C10 REEV

Rappelons également que le rendement d’un moteur essence ou diesel est d’environ de 40 % dans le meilleur des cas, contre près de 95 % pour le moteur électrique. Ce qui signifie que pour un moteur thermique, 60 % de l’énergie est perdue, transformée en chaleur. En d’autres termes, un moteur thermique consomme beaucoup plus d’énergie qu’un moteur électrique pour parcourir la même distance.

Par ailleurs, comme sur les véhicules hybrides, les EREV combinant des moteurs électrique et thermique, cela augmente l’entretien de la mécanique. Avec des coûts forcément plus élevés. Et des risques de pannes mécaniques accrus par rapport à du tout électrique. On peut par exemple citer le risque d’incendie, qui est largement supérieur sur les voitures hybrides rechargeables que sur les voitures essence ou électriques.

Ram 1500 Ramcharger

Et puis il y a aussi des soucis qui tiennent à la nature même du véhicule, qui est à la fois électrique et thermique. Mais justement, dans quelle catégorie le placer ? C’est toute la question qui se pose du côté des pouvoirs publics. Mais en l’absence de limites claires et précises, comme on va le voir plus tard, ces véhicules peuvent être, ou non, surtaxés. 

De la BMW i3 aux futurs modèles

Les modèles déjà connus

Comme expliqué précédemment, cette technologie de la voiture électrique à prolongateur d’autonomie n’est pas une nouveauté. Et l’un des exemples les plus connus est évidemment la BMW i3 REx, un suffixe synonyme de « Range Extender ». Sortie en 2013, elle embarquait un moteur bicylindre de scooter de 38 ch qui se mettait en route quand la batterie électrique passait à 6 %, mais pouvait être forcé dès 75 %, et permettait de maintenir la charge à 3,5 % de batterie. 

BMW i3 // Source : BMW

Pourtant avant la BMW i3 REx, on se souvient aussi de la Chevrolet Volt, commercialisée aux USA en 2010 et arrivée en Europe en 2011. C’était la cousine de l’Opel Ampera dont la base mécanique était strictement identique. Ces voitures roulaient, elles aussi, à l’électricité, mais avec un moteur thermique qui entraînait un générateur permettant de recharger la batterie. Ce moteur à essence ne démarrait que quand la voiture descendait à 30 % de charge, tandis que l’autonomie en mode tout électrique était assez limitée, entre 60 et 80 km.

Dans ces années là aussi, il y a eu l’impressionnante berline Fisker Karma qui, elle aussi, était équipée de moteurs électriques (deux de 150 kW chacun), et d’un moteur thermique qui servait à recharger les batteries, mais jamais à entraîner les roues. Il s’agissait d’un 4 cylindres 2 litres de 260 ch.  

Actuellement, deux modèles fonctionnent sur ce principe du prolongateur d’autonomie. À commencer par le Mazda MX-30 R-EV. Comme le MX-30 100% électrique n’excédait pas 200 km d’autonomie avec sa batterie de 35,5 kWh, le constructeur japonais lui a ajouté un moteur rotatif de 75 ch, qui vient non seulement donner un coup de boost de puissance si besoin, mais vient aussi recharger la batterie.

La batterie initiale a été divisée par deux pour n’atteindre que 17,8 kWh, afin d’y ajouter un réservoir d’essence important de 50 litres. De quoi revendiquer seulement 85 km en mode électrique, mais jusqu’à 680 km quand le thermique s’y ajoute. Mais dans les faits, le moteur électrique e-Skyactiv de 170 ch reste le seul à entraîner les roues avant motrices. 

Sous le capot avant d’une Mazda MX-30.

Et puis il y a le cas de la technologie e-Power chez Nissan, notamment sur le Qashqai. Alors là c’est encore différent car si c’est l’électrique encore qui fait rouler la voiture, ici il n’y a pas de batterie électrique rechargeable. C’est-à-dire que le moteur trois cylindres thermique embarqué sert de générateur et alimente la toute petite batterie de 1,97 kWh, ou directement le moteur électrique.

Une technologie encore légèrement différente, mais attention, car sur le Nissan comme le Mazda, elle n’est pas classée dans les modèles électriques, mais bien hybrides. Et rechargeable pour le Mazda.

… et ceux à venir

Plusieurs constructeurs travaillent actuellement activement à ce retour des voitures électriques à prolongateur d’autonomie. À commencer par Leapmotor et son SUV C10 REEV qui arrive sur le marché français en annonçant, avec une charge complète et un réservoir plein, pas moins de 950 km d’autonomie. Son moteur électrique délivre 215 ch et 320 Nm de couple, et grâce à la charge rapide, il récupère 50 % de son autonomie électrique en 18 minutes. Ce qui n’est pas le plus rapide pour une voiture électrique.

Xpeng annonce jusqu’à 1400 km d’autonomie combinée sur ses futurs modèles à prolongateur d’autonomie.

On peut également mentionner Xpeng qui a dévoilé son système Kunpeng qui pourrait arriver sur des modèles vendus en France, comme le grand SUV G9. Si l’on ne connaît pas encore toutes les caractéristiques, le constructeur parle déjà d’une autonomie en mode électrique de 430 km (cycle chinois CLTC) et 1400 km avec le moteur à essence. Karma a également présenté un nouveau coupé, l’Amaris, prévu pour 2026, dont les spécifications n’ont pas été encore dévoilées. 

Du côté de Stellantis, outre le partenaire chinois Leapmotor, c’est la plateforme modulaire maison STLA Frame qui permet aussi de d’accueillir de l’électrique à prolongateur d’autonomie offrant jusqu’à 1100 km d’autonomie. Ce système combinant batterie, modules d’entraînement électrique (EDM) avant et arrière; générateur et moteur à combustion interne se destine notamment à des véhicules destinés à transporter ou remorquer des charges lourdes. Stellantis vise à équiper ses pick-us de grande taille de cette technologie REEV, par exemple chez RAM

Pour aller plus loin
« Je pense qu’il s’agit vraiment d’une arme secrète dans l’industrie » : pourquoi Stellantis fait fausse route avec cette voiture « électrique » aux 1 100 km d’autonomie

Du côté de chez Hyundai aussi les motorisations REEV ou EREV sont dans les cartons. Fin 2024, la marque coréenne a confirmé que dès 2027, plusieurs modèles seraient ainsi équipés. Ils seront prioritairement destinés aux marchés chinois et américain, mais rien ne dit encore que ces modèles arriveront chez nous.

Perspectives et limites

Les véhicules électriques à prolongateur d’autonomie semblent intéresser de plus en plus les constructeurs automobiles qui, comme on l’a vu, peuvent moduler les technologies (générateur qui alimente une plus ou moins grosse batterie électrique). Bien entendu, ces EREV vont également bénéficier des évolutions dans le domaine des batteries électriques, avec de nouveaux composants, ou des densités plus fortes, permettant au choix soit de baisser le poids du véhicule pour consommer moins, soit de proposer une autonomie électrique et combinée toujours plus grande. 

e.Volution Space

À noter que certains projets envisageant un prolongateur d’autonomie à hydrogène ont déjà vu le jour. C’est le cas de l’e.Volution Space développée par l’école supérieure polytechnique de Rhénanie-Westphalie, à Aix-la-Chapelle, en 2023. Dôté d’un bicyclindre comme prolongateur d’autonomie ajoutant 250 km d’autonomie, il est déjà prévu de le remplacer à terme par une pile à combustible de 50 kW alimentée en hydrogène en vue d’atteindre 750 km au total.

On se souvient également des projets de Techrules qui avait amené deux supercars au salon de Genève 2016 embarquant une micro-turbine comme prolongateur d’autonomie et qui permettait en théorie d’attendre 2000 km d’autonomie.

Techrules AT96 TREV Concept ‘2016

Si les constructeurs rivaliseront toujours d’idées pour faire évoluer leur technologie, il ne faut pas oublier non plus que les voitures électriques à prolongateur d’autonomie ont déjà été abandonnées pendant plusieurs années, pour des raisons évoquées plus haut, comme l’entretien plus couteux, un risque de pannes accrus…

L’autre limite tient au fait que l’on ne sait pas où classer ces véhicules REEV ou EREV : sont-ils électriques ? Thermiques ? Hybrides ?

Et en la matière, chacun y voit son intérêt. Comme les constructeurs chinois qui en les homologuant comme des véhicules hybrides, permettent de contourner les sanctions en matière de droits de douane appliqués par l’Europe sur les voitures électriques chinoises. Pourtant, l’Union européenne est claire sur le sujet : ce type de voiture est à classer du côté des modèles 100 % électriques, avec toutes les conséquences que cela a en termes de taxes d’importation depuis la Chine.

Alors que du côté des constructeurs européens, ces voitures électriques à prolongateur d’autonomie sont plutôt présentés comme électriques, ce qui permet de les comptabiliser dans leurs ventes de voitures à zéro émission et faire baisser leur moyenne.

Notre avis sur les voitures à prolongateur d’autonomie

Si les voitures électriques à prolongateur d’autonomie semblent subir un retour en grâce, notamment de la part des constructeurs chinois, elle apparaît surtout comme une solution à court terme pour satisfaire le besoin d’autonomie des consommateurs quand il s’agit de voitures zéro émission. Sauf qu’elles ne sont précisément pas « zéro émission » puisqu’elles embarquent un moteur thermique.

Présentée comme réunissant le meilleur du thermique (l’autonomie et se ravitailler rapidement) et de l’électrique (rouler en mode zéro émission, confort et silence), cette technologie peut aussi a contrario être vue comme le pire des deux mondes : la lenteur de la recharge électrique, car les batteries restent conséquentes et le système pas optimisé pour une recharge rapide, et les émissions polluantes du thermique.

Une technologie qui a donc sans doute de l’avenir dans des parties du globe, comme les USA ou la Chine, moins portées sur les engagements environnementaux que l’Europe, où de toute façon le tout électrique reste l’objectif pour 2035.

Pour aller plus loin
400 km d’autonomie en voiture électrique : ce que ça donne sur un Paris – Marseille

Rappelons qu’en France, relier Paris à Marseille avec une voiture électrique dotée de 400 km d’autonomie théorique et de la recharge rapide est un exercice facile. Et de plus en plus facile sachant que 100 % des aires de service sont dotées de bornes de recharge rapide, et que les aires de repos commencent également à recevoir ces infrastructures.


Téléchargez notre application Android et iOS ! Vous pourrez y lire nos articles, dossiers, et regarder nos dernières vidéos YouTube.

Les derniers articles