Pourquoi les aéroports partent en chasse contre la 5G

Aviation vs 5G

 
Le potentiel risque d’interférence entre la 5G et les radioaltimètres utilisés depuis longtemps par les pilotes divise les industries des télécommunications et de l’aviation. Cela pourrait entraîner l’annulation de milliers de vols. Mais au coeur de cette bataille, il y a un différend qui oppose scientifiques et bureaucrates
Source : Lukas Souza / Unsplash

Aux États-Unis, le secteur de l’aviation et celui des télécommunications sont confrontés à un problème technologique et politique qui pourrait entraîner l’annulation de très nombreux vols, mais aussi empêcher une révolution technologique. En effet, la Federal Aviation Administration, les principales compagnies aériennes et les opérateurs de téléphonie mobile s’affrontent depuis des mois sur le risque potentiel du déploiement de la 5G.

Quel est le problème ?

Comme vous le savez, la particularité de la 5G est de fonctionner sur plusieurs bandes de fréquences dont les bandes millimétriques, ou mmWave. C’est une nouvelle gamme de fréquences située dans un spectre entre 30 et 300 GHz et plus précisément entre 24 GHz et 30 GHz, dans le cas de la 5G.

Le problème, du point de vue du secteur de l’aviation, est que cette fréquence se situe dangereusement proche – à moins de 220 mégahertz – de celle utilisée par un des instruments essentiels, l’altimètre. Selon eux, des études montrent que si le risque d’interférence entre la 5G et les outils avioniques est très faible, si cela se produit, les conséquences pourraient être catastrophiques.

Radioaltimètre

L’instrument en question est un radioaltimètre. Il a été développé pour la première fois dans les années 1920, mais joue toujours un rôle crucial dans les avions, car il aide les pilotes à déterminer leur altitude et leur distance par rapport aux autres appareils et objets. Dans certains avions, les relevés altimétriques sont directement transmis à des systèmes automatisés qui peuvent agir sans intervention des pilotes.

Les pilotes ont tendance à se fier aux altimètres lorsque la visibilité est limitée, par exemple, par le brouillard. Mais ils ne sont pas utilisés dans la plupart des atterrissages, c’est pourquoi certains experts sont sceptiques sur les problèmes d’interférences. De plus, les spécialistes ont déclaré que la plupart des altimètres modernes devraient être capables de filtrer les interférences.

Des luttes bureaucratiques

Cette semaine, de telles craintes ont conduit la Federal Aviation Administration (FAA) à interdire à la majorité des vols et de fret d’opérer dans l’espace aérien américain, par crainte d’interférences des tours 5G situées à proximité des pistes. Cela a entraîné des centaines de retards et d’annulations, y compris de nombreux vols entrants de grandes compagnies aériennes étrangères.

Le débat est ouvert depuis plusieurs mois, les opérateurs américains ont retardé à deux reprises le déploiement de la 5G pour donner au secteur de l’aviation le temps de se rassurer. Au cœur du différend, cependant, il n’y a pas que la technologie, il s’agit plutôt de luttes bureaucratiques.

En effet, aux États-Unis, la FCC (« Federal Communications Commission ») alloue des portions du spectre radio aux opérateurs sans se concerter avec les autres secteurs. De plus, les organismes de réglementation se rangent souvent du côté des industries qu’ils réglementent lorsqu’ils sont opposés les uns aux autres. Cette bataille autour de la 5G est donc surtout un différend entre la FCC et la FAA. Le premier a le sentiment que la technologie est étouffée, tandis que le second se sent snobé par la gestion du spectre.

De plus, les opérateurs américains, ainsi que la FCC, sont en première ligne d’une bataille technologique avec la Chine, qui a depuis longtemps adopté la 5G. Ils sont prêts à pousser la limite de fréquence le plus haut possible pour obtenir les meilleures performances. L’aviation, en revanche, résiste au changement – ​​et aux coûts liés – en particulier à un moment où elle a dû faire face à une quasi-paralysie due au Covid-19.

Cela peut-il arriver en France ?

En Europe, il y a eu une harmonisation des bandes 3,4-3,8 et 26 GHz pour la 5G. De plus, les opérateurs mobiles exploitent des antennes utilisant moins d’énergie. Il est donc peu probable qu’une telle bataille ait lieu.

À ce jour, seule la bande 26,5 ‑ 27,5 GHz (1 GHz) est libre et peut être utilisée. Mais pour le moment, aucun opérateur français ne diffuse de la 5G via les ondes millimétriques. Par la suite, l’intégralité de la bande devrait être rendue progressivement disponible, sous réserve de conditions de coexistence avec les services de radioastronomie et d’exploration de la terre.

Différents instituts mènent actuellement des travaux pour évaluer l’utilisation partagée du spectre à 26 GHz de façon à éviter un impact significatif sur la couverture et le déploiement 5G dans cette bande.

À ce travail sur la largeur des bandes s’ajoute un protocole de sûreté comme le note Numerama, défini par les autorités, qui impose aux opérateurs plusieurs règles de prudence. La première est qu’il leur faut orienter les signaux des antennes 5G vers le bas, en tout cas pour ce qui est des installations qui se trouvent à proximité des lieux enregistrant une importante activité aérienne.

Ainsi, l’approche relativement conservatrice des autorités sur la cohabitation entre la 5G et les avions a abouti à la constitution de deux périmètres autour des aéroports : le premier est appelé « zone de sécurité », tandis que le second est une « zone de précaution ». Dans ces espaces, l’emplacement des antennes est encadré et leur puissance limitée.


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