L’industrie des télécommunications est une nouvelle fois secouée. Au centre de cette tempête : les géants chinois Huawei et ZTE, deux mastodontes de l’équipement de télécommunication. La saga, qui dure depuis plusieurs années maintenant, s’intensifie : pour la première fois, la Commission européenne a ouvertement ciblé ces entreprises, évoquant des risques qu’elles pourraient poser pour la sécurité de l’Union européenne.
Bruxelles a exprimé de « vives inquiétudes » concernant les risques que certains fournisseurs d’équipements de communication pour réseaux mobiles peuvent faire peser sur la sécurité de l’Union. Les tensions se cristallisent autour du développement de la 5G.
Thierry Breton met la pression aux États membres
C’est dans ce contexte que Thierry Breton, Commissaire européen au Marché intérieur, a rajouté une couche de pression sur ces entreprises. Il a suggéré que, dès que possible, les États de l’UE devraient prendre des mesures pour exclure les fournisseurs d’équipements de réseau chinois de l’expansion de la 5G.
Cette position marque une escalade significative dans l’approche de l’UE envers les fournisseurs d’équipements chinois. La Commission européenne appelle désormais les États membres à interdire ou du moins à rendre beaucoup plus difficile l’utilisation des composants Huawei ou ZTE, particulièrement en ce qui concerne l’équipement 4G et 5G, encore largement utilisé.
En France, la position est plus subtile
Contrairement à d’autres pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni qui ont adopté une position plus tranchée, la France n’a pas instauré un « bannissement total » de Huawei du marché français de la 5G. En revanche, l’Agence nationale de sécurité des systèmes informatiques (Anssi) a introduit des restrictions, accordant aux opérateurs des autorisations d’exploitation limitées à huit ans, ce qui limite grandement l’accès de Huawei au marché hexagonal de la 5G.
Toute installation d’antennes nécessite dorénavant une autorisation préalable de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Cette autorité réglementaire s’assure qu’aucune antenne Huawei n’est installée près d’installations jugées stratégiques, qu’il s’agisse de sites militaires, gouvernementaux ou industriels.
Le défi de cette situation réside dans le fait que le marché des équipements 5G est extrêmement concentré. Seuls trois équipementiers télécoms — les Européens Nokia et Ericsson et le Chinois Huawei — sont actuellement capables de fournir les équipements nécessaires pour les réseaux 5G.
En France, cette situation met en porte-à-faux les opérateurs SFR et Bouygues Telecom qui utilisent déjà des antennes Huawei dans leurs réseaux 4G et qui envisagent de les réutiliser pour déployer la 5G. Ces opérateurs s’inquiètent des conséquences d’un éventuel changement d’équipementier, voire de l’obligation de démonter leurs anciens équipements en cas d’incompatibilité. Ils ont d’ores et déjà prévenu qu’ils demanderaient une compensation si l’État venait à barrer la route au groupe chinois.
Malgré la tourmente dans le secteur des télécommunications, Huawei a réussi à maintenir une présence forte dans plusieurs autres domaines. Le groupe a su tirer parti de diverses opportunités pour continuer d’opérer en France, notamment dans le secteur de la fibre optique, du stockage de données, des objets connectés, et de l’énergie.
À la croisée des impératifs économiques, sécuritaires et politiques
Ces complications s’inscrivent dans une problématique plus large, où la technologie 5G est devenue un enjeu stratégique, à la croisée des impératifs économiques, sécuritaires et politiques. Le feuilleton Huawei et ZTE n’est donc pas près de s’arrêter. Il soulève des questions fondamentales sur la manière dont l’Europe envisage sa souveraineté numérique à l’ère de la 5G.
Huawei réagit aux propos de Thierry Breton
Huawei a réagi à la déclaration de Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, en insistant sur les dangers que pourrait représenter la mise en place de restrictions discriminatoires. Selon le géant technologique chinois, ces mesures pourraient avoir des conséquences économiques et sociales majeures, entraver l’innovation et fausser le marché européen.
Huawei comprend que la Commission européenne place la cybersécurité au sein de l’UE comme une priorité. Toutefois, la mise en place de restrictions ou d’exclusions fondées sur des jugements discriminatoires pose des risques économiques et sociaux importants. Elle pourrait entraver l’innovation et fausser le marché européen. Un rapport de l’institut Oxford Economics indique que l’exclusion de Huawei pourrait augmenter les coûts d’investissement dans la 5G de plusieurs dizaines de milliards d’euros, un surcoût qui serait assumé par les consommateurs européens.
Huawei a également critiqué la décision de désigner publiquement une entreprise comme un « fournisseur à haut risque » sans fondement juridique. Le géant chinois insiste sur le fait que cette qualification discriminatoire ne devrait jamais être appliquée sans une procédure justifiée et une audition adéquate. Huawei, acteur économique au sein de l’UE, rappelle qu’il dispose de droits procéduraux et substantiels qui devraient être protégés par les lois de l’UE, des États membres, ainsi que par leurs engagements internationaux.
Huawei réaffirme que la cybersécurité est sa priorité absolue. À ce titre, Huawei a ouvert un Centre de Transparence sur la Cybersécurité à Bruxelles, invitant clients et organismes de test indépendants à effectuer des tests et des vérifications de sécurité impartiaux, objectifs et indépendants, en conformité avec les normes de cybersécurité et les meilleures pratiques reconnues par l’industrie. Le géant chinois reste déterminé à fournir des produits et des services certifiés et fiables à l’échelle mondiale, pour des millions d’Européens.
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